Jean-Michel Saive fête ses 50 ans: "Parfois, le corps grince un peu le matin"
L’ancien n° 1 mondial et icône du sport belge considère qu’il a été "au bout du bout"…
- Publié le 16-11-2019 à 12h02
L’ancien n° 1 mondial et icône du sport belge considère qu’il a été "au bout du bout"… Le rendez-vous est pris à la Brasserie Le Villance à Auderghem où Jean-Michel Saive avait ses habitudes quand il jouait au Logis. "Ce sera plus facile pour moi car j’ai une réunion à midi dans le centre de Bruxelles pour le Trophée national du Mérite sportif et puis je dois me rendre à Wavre pour rencontrer un sponsor."
Retraité du ping international depuis 2015 et de manière définitive depuis mai 2019, l’ancien numéro 1 mondial n’arrête pas de courir. Mais il a trouvé le temps de s’installer autour d’un bon dessert concocté par l’atelier Fondants la Bouche pour parler du cap de ses 50 ans.
Jean-Michel Saive, comment vous sentez-vous à quelques jours de fêter votre demi-siècle d’existence ce dimanche 17 novembre ?
"Je me sens bien dans mes baskets, je me sens bien dans ma peau. Parfois le corps grince un peu le matin, un peu plus qu’auparavant. Je ne dis pas que je ferais encore des grands matchs de foot ou de tennis, mais, physiquement et mentalement, cela va assez bien. Je me réjouis du week-end qui vient car je sais que je vais passer des bons moments. Mais par rapport aux 50 ans, j’essaie de ne pas trop y penser parce que quand tu lis ce chiffre, un demi-siècle, cela fait quand même quelque chose. Tu te dis, punaise, déjà, c’est passé tellement vite. Et quand les anciens te disaient qu’à un certain âge cela passe de plus en plus vite, c’est vrai. Pourtant, une seconde, c’est une seconde."
C’est peut-être car vous êtes toujours très actif ?
"J’ai toujours eu un agenda fort chargé comme sportif et il l’est toujours maintenant avec mes différentes fonctions et activités. Je me demande même comment j’ai fait lors des dix dernières années pour combiner tout ce que je fais sur le côté, les entraînements, les matchs et la pression de tout cela. Au final, on me demande souvent si j’ai des regrets d’avoir arrêté et je dois répondre: ‘non’. J’ai été au bout du bout. Il n’y aura pas de retour en arrière. Je vais encore faire des exhibitions, des tournois des légendes mais plus des compétitions de ping, c’est bon, j’ai assez donné. Et c’est tant mieux d’aller faire ton année de trop, comme cela, tu n’as pas de regrets. Les deux-trois défaites de la dernière année, globalement personne ne le sait à part celui qui m’a battu. Chez moi, c’est oublié, car tout le reste était plus important."
Avez-vous tendance à vous retourner sur votre passé ?
"C’est une bonne question. J’aurais tendance à dire que non mais en réfléchissant bien, c’est impossible de dire que non puisque si je fais des discours en entreprises, c’est pour expliquer mon vécu, mon passé. Si j’ai la possibilité encore aujourd’hui d’être ambassadeur de certaines marques, qu’on me demande mon expertise dans certains domaines, c’est grâce à mon parcours d’avant. Je regarde devant en utilisant mon passé. Et maintenant, comme il n’y a plus de ligne supplémentaire à mettre sur mon CV sportif, je peux vraiment l’apprécier. Trente et un ans comme numéro 1 belge et 25 fois champion de Belgique, c’est impressionnant. Ce sont des chiffres fous même si ce n’est qu’au niveau national par rapport au fait d’être numéro 1 mondial ou d’avoir participé à sept Jeux olympiques."
Vous n’êtes donc envahi d’aucune nostalgie ?
"Je ne suis pas nostalgique. Mais je n’en reviens pas. Je suis allé chercher plein de trucs car j’étais tellement compétiteur que je voulais toujours gagner le match suivant, la compétition suivante. Quand tu t’arrêtes et que tu peux enfin regarder sereinement en arrière, tu te dis que c’est juste un truc de malade. J’aurais pu gagner une médaille ou un tournoi en plus mais ce serait malvenu de me plaindre. J’ai digéré que je n’aurai jamais une médaille aux Jeux. Je ne peux pas me mettre à pleurer de cela car mon parcours est exceptionnel. Ce serait malheureux de ne pas être content et de chagriner sur les quelques trucs qui manquent."
1 093 voyages et plus de 13 années à l’étranger
Chez les Saive on aime les chiffres et c’est pour cela que Jean-Michel Saive a poursuivi une comptabilité effectuée par son papa depuis 1982.
"Il a compté depuis mes 13 ans le nombre de fois où j’ai voyagé pour le ping et le nombre de jours passés à l’étranger. Le résultat est impressionnant avec 1 093 voyages pour 4 785 jours en dehors de la Belgique."
Ce qui fait plus de 13 années passées à l’étranger en 37 ans…
Président du COIB ? "Je ne peux pas dire que je n’y pense pas en me rasant"
S’il a marqué l’histoire du sport belge comme athlète, Jean-Michel Saive aura comme objectif dans la deuxième partie de sa vie de devenir un dirigeant qui s’investira pour le bien du ping et/ou de l’ensemble du sport belge : "On verra, c’est un peu tôt. Il y a plusieurs possibilités. Certains aimeraient que j’aille à la présidence de la fédé européenne du tennis de table, l’élection se déroule en septembre 2020. Ceux qui m’ont soutenu à l’ITTF (NdlR : fédération internationale de tennis de table) en 2017 voudraient que je me représente en 2021. Mais c’est à un mois près en même temps que l’élection pour la présidence du COIB dont je suis le vice-président. Pour reprendre une phrase connue : je ne peux pas dire que je n’y pense pas le matin en me rasant. C’est trop tôt pour en parler. Mais je ne peux pas dire que cela ne m’intéresse pas. Je pense que je peux apporter mon vécu sur le terrain et celui de dirigeant dans plein d’instances différentes. Essayer de mettre le sport et les sportifs le plus souvent possible au centre des débats. Ce n’est pas le moment d’être candidat officiel ou d’exposer un programme. On en reparlera le moment venu quand mon choix sera fait."
Pour ses 50 ans, Jean-Mi jouera… au ping
Ces samedi et dimanche, pour fêter ses 50 ans, Jean-Michel Saive jouera au ping : "En début d’année, j’ai demandé aux frères Taloche, à mon frère et à Pierre Theunis de bloquer le week-end. Je voulais faire un show ping, à Ans, entre nous et m’éclater sportivement avec les potes et le public."
Avec finalement un show, ce samedi, dans le cadre des mérites sportifs de la Province de Liège et un autre, dimanche, qui a très vite affiché complet…
"Une enfance heureuse et une adolescence assez atypique"
Décennie par décennie, Jean-Mi ouvre sa boîte aux souvenirs…
Àquelques heures d’entrer dans la cinquantaine, Jean-Mi a ouvert sa boîte aux souvenirs pour évoquer à travers chaque décennie un souvenir, un sentiment.
De 0 à 10 ans
"Mes débuts au ping avec la naïveté du gamin qui veut juste aller gagner des matchs. À 13 ans, quand tu es en équipe nationale, à 14 ans quand tu es sur le podium des championnats de Belgique et champion d’Europe cadets et qu’à 15 ans tu es numéro 1, l’amusement, c’est fini. Tu dois montrer l’exemple et tu as déjà la pression à crever. Je retiens aussi le football car j’ai bien aimé pratiquer ce sport. Et puis, une enfance heureuse à la maison. Les vacances à la mer. Cela m’a manqué par après."
De 11 à 20 ans
"Les premiers titres dont celui de champion de Belgique à 11 ans. Mais ce n’est pas le tout premier, le tout premier c’est en double avec Phil à Wolvertem. Puis, je remporte plus tard dans la journée le mixte et le simple en minimes. Je ne vais pas parler de mon adolescence car elle a été atypique. Métro-boulot-dodo même si ce n’était pas le boulot. C’est la période de ma vie qui a tout décidé pour la suite. Faire le choix du ping, faire le choix d’aller en Allemagne, combiner le sport et les études, la qualification pour les premiers Jeux qui a été le tournant le plus important de ma carrière en novembre 1987. C’est la décennie la plus importante de ma vie, celle qui a tout guidé. Et je veux dire que tous ces choix, ils viennent de moi. J’ai eu une chance incroyable d’avoir mes parents. Et ils ont eu de la chance car je savais ce que je voulais très tôt. À 13 ans, je savais que je voulais être champion d’Europe cadets l’année d’après. C’est aussi pendant cette période que j’ai choisi de faire mon service militaire et de prendre une année sabbatique au niveau des études pour me consacrer à fond au ping."
De 21 à 30 ans
"Les années des plus beaux exploits sportifs. Je deviens numéro 1 mondial. En 1994, je gagne presque tout sauf la Coupe du monde où j’ai une balle de match contre Gatien. J’étais au-dessus de la mêlée cette année-là mais malheureusement, ce n’était pas une année olympique. Les années 90, c’est là que j’ai écrit la plus grosse partie de mon palmarès. Cela a été la folie avec les matchs de l’équipe nationale et de La Villette Charleroi en direct à la télévision, la salle de La Garenne blindée. La notoriété de mon sport se situait juste en dessous du football mais au-dessus de nombreuses autres disciplines. J’en ai profité, même si j’étais complètement impliqué dans ma carrière. Ceux qui n’ont pas connu cette période-là ne peuvent pas s’imaginer que pour le ping c’était comme cela. Cela a été une décennie de folie."
De 31 à 40 ans
"La naissance de mes enfants donc ta manière de fonctionner est différente. Tu profites plus de ce qui t’arrive. C’est une période où pour les gens et les médias si tu perds, c’est normal, si tu gagnes, c’est incroyable car tu as plus de 30 ans. Quand je perdais je savais qu’on allait dire : mais pourquoi il continue, c’est pathétique. Et ce que je gagnais était fantastique. Et au niveau sportif, il y a encore eu plein de belles choses entre mes 31 et 40 ans pour un joueur dont on disait qu’il avait un jeu tellement physique et énergivore qu’il n’allait pas tenir longtemps. On a aussi connu des trucs de folie au Spiroudôme. Lors d’un match, il y avait 6 200 personnes et les organisateurs ont dû refuser 800 personnes."
De 41 à 50 ans
"Elle est passée vite cette décennie, c’est incroyable. On joue pour le plaisir et quelque part il y a la peur d’arrêter. Alors que j’étais pas mal occupé avec d’autres choses. J’ai commencé ma vie parallèle. Consultant à la fédération, cinq ans directeur technique puis président de la commission des athlètes au comité olympique européen. Une vie de dirigeant sportif parallèle à ma carrière. Il y a aussi eu ma campagne pour devenir président de la fédération internationale de tennis de table."