Vitor Pereira dans les starting-blocks, Ferrera menacé
La présence de l’entraîneur dans les tribunes de Sclessin ne doit rien au hasard. A découvrir également: les raisons pour lesquelles Yannick Ferrera est menacé et l'édito de notre journaliste, Michaël Franken.
- Publié le 22-08-2016 à 07h02
- Mis à jour le 22-08-2016 à 10h41
La présence de l’entraîneur dans les tribunes de Sclessin ne doit rien au hasard. La scène ressemble pratiquement à un scénario de pièce de boulevard : un couple est au bord du divorce mais le mari et la femme n’osent pas faire le premier pas et entamer les démarches d’une séparation à l’amiable alors que l’époux fréquente, dans le même temps, une séduisante maîtresse. Les traits sont à peine forcés tant la présence, vendredi soir, de Vitor Pereira dans les tribunes de Sclessin résonne comme la confirmation que Yannick Ferrera quittera, tôt ou tard, son poste d’entraîneur principal du Standard.
Pour le moment, la direction explique qu’il n’y a strictement rien de nouveau dans le dossier du coach mais, selon nos informations, une rencontre se serait déroulée avec l’entraîneur portugais il y a un petit peu moins de deux semaines, alors qu’il attendait patiemment la confirmation de son licenciement à Fenerbahçe. Les négociations auraient même pratiquement abouti jusqu’à un accord personnel entre les différentes parties, accord qui pourra être officialisé lorsque Yannick Ferrera aura été prié de quitter son poste.
Il s’agit, là, d’une nouvelle preuve - mais était-elle encore nécessaire ? - que le courant ne passe plus du tout entre le jeune technicien et une partie de sa direction, comme l’a également confirmé Bruno Venanzi au cours de sa dernière sortie médiatique.
Vitor Pereira n’est pas un entraîneur lambda. Cet ancien adjoint d’André Villas-Boas lui a succédé à Porto avec, à la clé, deux titres nationaux et une victoire en Supercoupe du Portugal. Cité avec insistance à Everton, il a finalement abouti à Al-Ahli avant de retrouver le sol européen via des passages à l’Olympiacos (doublé Coupe-championnat avec Matthieu Dossevi dans le noyau) et Fenerbahçe. S’il avait quitté son poste en Grèce de commun accord, il n’est pas parvenu à amener Fenerbahçe au sommet de la hiérarchie turque et se savait condamné suite à l’élimination au troisième tour préliminaire de la Ligue des Champions face à Monaco. Son aventure stanbouliote aurait même pu se terminer plus tôt pour lui, qui a longtemps été l’un des favoris pour succéder à Ronald Koeman à Southampton.
Au Portugal, l’homme de quarante-huit ans est hautement considéré pour sa capacité à avoir enchaîné les succès malgré le départ de nombreux cadres de Porto. S’il pratiquait un jeu plutôt tourné vers l’offensive au Portugal, il a longtemps privilégié une bonne base défensive par la suite.
Pour poser ses valises en bord de Meuse, il devra très clairement revoir ses prétentions financières à la baisse car la direction liégeoise ne pourra lui offrir les salaires offerts par ses homologues grec et turc. Christophe Henrotay, son agent, saura certainement trouver les mots pour le convaincre, d’autant que le coach a besoin de se relancer après une dernière aventure qui a quelque peu terni son étoile.
Pourquoi Yannick Ferrera est menacé
S’il ne le déclare jamais ouvertement, Yannick Ferrera est bien conscient d’être assis sur un siège éjectable depuis de très longues semaines. Reposer ce mauvais début de saison sur ses seules épaules serait totalement insensé mais ce n’est pas pour autant qu’il ne porte aucune responsabilité.
Tactique étonnante : depuis l’ouverture de la saison, il a multiplié les mises en place, sans donner l’impression d’avoir trouvé la bonne équation. Le onze de base aligné, vendredi soir, face à Charleroi, a, une nouvelle fois, interloqué avec le seul Benito Raman aligné en pointe, soutenu par Adrien Trebel. Certes, cette densification du milieu de terrain a permis aux Liégeois de régner sur leurs soixante premiers mètres mais elle les a empêchés de se montrer suffisamment dangereux devant Nicolas Penneteau.
Résultats insuffisants : il y a douze mois, Slavo Muslin avait pris la porte avec un bilan de sept sur douze, agrémenté d’une élimination en Europa League face à Molde. Yannick Ferrera devra absolument s’imposer dimanche après-midi sur la pelouse de Bruges pour présenter de meilleurs chiffres (il en est à cinq sur douze). Il approche de son premier anniversaire à la tête du club liégeois mais ce mauvais début de campagne, combiné à une non-qualification pour les derniers playoffs 1, plombe clairement son parcours.
Gestion des joueurs : à l’issue du choc, les trois joueurs appelés à s’exprimer face à la presse écrite (Laifis, Enoh, Raman) ont expliqué leur joie de travailler sous les ordres de Yannick Ferrera, tout en disant que seule la direction était à même de s’exprimer sur le sujet. Il n’empêche que l’entraîneur a souvent rencontré des difficultés à gérer son groupe en renvoyant des éléments dans le noyau B avant de les rappeler et en se prenant la tête avec les fortes têtes du vestiaire.
Les supporters en ont marre
La scène ne laisse place à aucune interprétation, tant elle est criante de vérité. Lorsque Frédérik Geldhof a mis un terme au choc wallon, les vingt mille supporters liégeois ont sifflé leur équipe, passablement énervés par le triste spectacle auquel ils venaient d’assister. Cette déception avait déjà pointé avant et pendant le match, avec deux banderoles déployées à l’encontre de l’entraîneur ("Ferrera, ce qui est catastrophique, c’est ton discours") et la direction ("Top 3 : quelles actions pour se mettre à la hauteur de vos ambitions ?").
Certains fans évoquent même la possibilité d’organiser une nouvelle manifestation, comme celle organisée durant la présidence de Roland Duchâtelet.
La Famille des Rouches, qui regroupe tous les clubs de supporters officiels, n’a pas tardé à communiquer sa détresse et, surtout, son inquiétude pour la suite des événements, dans un message envoyé à toutes les rédactions.
"Habituée de ne jamais s’impliquer dans la gestion sportive, ceci n’empêche qu’en fonction de la situation actuelle, il y a de quoi s’en préoccuper et une réaction de la direction est vivement demandée. Au vu et au su des nombreuses divergences de vue entre certains membres décideurs, nous demandons que les choses se clarifient et que l’on parle enfin de football. Une concertation avec la FDR , ses clubs de supporters et groupes d’animation est exigée !!! On nous parle de stabilité et nous sommes malheureusement encore une nouvelle fois dans le chaos. […] Réagissez ! Cela devient urgent !!!"
Difficile d’être plus clair…
Edito: "Et c’est reparti pour un tour…"
Mais que faisait Vitor Pereira, vendredi soir, à Sclessin ? Peut-être l’entraîneur portugais est-il un grand fan des chocs entre le Standard et Charleroi, ce qui démontrerait bien que notre championnat passionne tout le continent. Loin de nous l’idée de douter de cette possibilité, mais nous pensons que l’ancien coach à succès de Porto espérait s’installer incognito dans les tribunes liégeoises pour observer tranquillement son futur noyau. Cet épisode prouve, encore une fois, que le club s’apprête à vivre un grand chamboulement après seulement deux mois de compétition.
Cette instabilité chronique, Bruno Venanzi espérait s’en débarrasser après avoir remporté la Coupe de Belgique mais le président n’a jamais calmé les dissensions qui secouent la direction. Il aurait peut-être été opportun de se séparer plus tôt de Yannick Ferrera, tant son sort est scellé depuis de très, très longues semaines. Désormais, le club va se retrouver avec un nouvel entraîneur qui va travailler avec un noyau qu’il n’a pas formé et qui aura assurément besoin de temps pour comprendre toutes les subtilités de notre compétition. Soit une vraie perte de temps pour une formation qui espérait "profiter" des playoffs 2 pour déjà préparer l’équipe qui allait devoir jouer le titre dès la campagne suivante, comme l’avait promis Bruno Venanzi…