David Henen va défier son club formateur: "Le Standard, le top du top…"
Le Carolo David Henen va défier pour la première fois le Standard, son club formateur. Ses parents retracent le parcours de celui qui était considéré comme un phénomène.
- Publié le 26-12-2018 à 07h43
Le Carolo David Henen va défier pour la première fois le Standard, son club formateur. Ses parents retracent le parcours de celui qui était considéré comme un phénomène.
"Depuis cinq ans, on n’avait plus fait Noël avec lui. Cette année il était avec nous. Quand il m’a annoncé qu’il serait là, j’ai pleuré. Je n’ai pas besoin d’autres cadeaux que d’être avec tous mes enfants. Je croise les doigts pour que David reste encore un peu près de nous avant de s’envoler à nouveau."
C’est par ces paroles émues que Béatrice Henen, la maman de David, a entamé, accompagnée de son mari, Edmond, la lecture de son livre à souvenirs. Avec dedans un chapitre important consacré au Standard que le Zèbre va défier pour la première fois de sa carrière.
"La première année au Standard, comme David était encore en primaire, son papa a fait la navette de Florenville à Liège trois fois par semaine" , explique Béatrice. "On a usé deux voitures, poursuit Edmond. Il y avait 280 kilomètres aller-retour. C’était devenu notre deuxième maison avec David. On y faisait les devoirs, on y mangeait."
Une fois entré en secondaire David quitta le cocon familial pour rejoindre un internat. Un déchirement pour sa maman.
"J’étais effondrée, proche de la dépression, comme si je perdais un enfant. Quand je mettais la table, je plaçais encore une assiette pour David, j’allais dans sa chambre pour lui dire bonne nuit comme s’il était encore là."
Avec un premier jour à l’école lui aussi difficile à digérer.
"On arrive à l’école au matin et on me dit que les premières secondaires ne commencent les cours que l’après-midi. Je commence à pleurer car j’avais pris congé au matin et je devais absolument aller au travail après. Et puis il y a une dame blonde qui vient me voir. Je lui explique mon problème et je lui dis que David joue au Standard. Elle m’explique que son mari, Jean-François, travaille au club et que ses deux fils y jouent aussi. C’était Arielle De Sart, la maman d’Alexis et Julien. Elle dit : si vous me faites confiance, je m’occupe de votre enfant, je vous donne mon numéro de téléphone. Je vais le ramener à l’école après-midi, le conduire au foot et vous venez le chercher après pour aller à l’internat. Peut-être que je lui ai fait pitié."
Et si cette séparation est difficile pour les parents de David, elle l’est aussi pour le jeune footballeur.
"Au début, il nous téléphonait en pleurant et en disant : ‘Je veux revenir à la maison, je me sens seul.’ C’était souvent le soir car en journée il était occupé avec l’école et le foot. Parfois je m’énervais car c’est lui qui avait voulu cela. Alors il téléphonait à mon beau-père qui le consolait un peu. Le plus dur pour nous, c’est quand David appelait pour dire qu’il y avait une grève des bus ou des trains et qu’il ne savait pas retourner à l’internat à Waremme. Ton enfant te sonne à 21 h pour te dire qu’il est sur le quai de la gare et qu’il ne sait pas rentrer et toi tu es à 140 kilomètres de là. Encore une chance qu’on ait pu compter sur Pino Scopel, le concierge de l’Académie qui a pris en charge David quand il avait un problème de transport. On le remercie énormément pour cela."
Pendant plusieurs saisons, David marquera de son empreinte son passage dans les équipes de jeunes (U14, U15, U16, U17) du Standard où il était considéré comme un phénomène.
"C’était vraiment le top du top pour David qui a aussi connu les équipes nationales chez les jeunes. Il était devenu le poulain de Dominique D’Onofrio et de Vincent Ciccarella. Dominique, c’était un grand monsieur. Si on avait plus fait confiance à ces deux personnes, peut-être que David n’aurait jamais quitté le Standard. Mais on ne connaissait pas grand-chose dans le milieu du foot. Ce n’était pas facile. Parfois on ne savait plus qui croire. À la fin on était tout le temps dans la méfiance."
Avec finalement un départ à l’âge de 16 ans pour l’ennemi juré, Anderlecht.
"Un manager est venu nous voir pour nous dire qu’Anderlecht était intéressé par David et que le club bruxellois le suivait depuis un an. Je me souviens qu’Edmond était dans le poulailler quand il a téléphoné. Au départ, on a dit catégoriquement non car David était bien au Standard. Le manager a insisté en disant qu’il ne fallait pas fermer des portes. On l’a laissé travailler. Après, Anderlecht nous téléphone pour dire que le manager est trop gourmand. On ne savait plus qui croire. Finalement les Bruxellois sont venus avec un beau projet sportif (NdlR : et un contrat de trois ans) et on a choisi les Mauves."
Un transfert qui a été mal digéré du côté de Sclessin.
"Le départ de David a fait un foin incroyable, conclut son papa. Avant son départ, on a été à une réunion où il y avait Pierre François et Jean-François De Sart. Et cela ne s’est pas très bien passé. Il manquait Dominique D’Onofrio et Monsieur Ciccarella à cette réunion. Leur présence aurait fait la différence. Le cœur de David était au Standard et au début il n’était pas chaud d’aller à Anderlecht. Mais on pensait que c’était le meilleur choix pour son futur professionnel et son évolution. C’est nous qui avons convaincu David. Lui depuis tout petit c’était les Rouches, les Rouches…"
"Un coup de fil au milieu de la nuit"
Cet été, après deux semaines d’entraînements avec l’Antwerp, David reçoit une proposition de Charleroi…
"Il me téléphone pour me dire que Charleroi s’intéresse à lui, explique Béatrice. Je lui dis : tu ne regardes pas ce qu’on va te donner financièrement, tu dois trouver un endroit où tu pourras jouer. La nuit du 29 au 30 août, il m’a téléphoné et on a parlé. Deux heures plus tard alors que je dormais, il me sonne à nouveau. Il avait reçu un message de Charleroi et devait donner une réponse directement. Mon discours a été le suivant : ‘David, je ne connais rien au foot mais tu vas à Charleroi. Tu as la chance d’aller dans un club de D1. Que tu joues 10 ou 20 minutes tu pourras montrer tes qualités. Tu donnes le meilleur de toi-même.’ Le Standard avait aussi pensé à lui mais le club liégeois a pris Lestienne."
"David ne voulait plus vivre dans une famille d’accueil"
C’est accompagné de sa maman qu’il est parti pendant un an à Monaco…
Après une saison à Anderlecht où il vit en familles d’accueil, David est prêté à Monaco.
"Le Sporting s’est bien occupé de David, explique sa maman qui est aide-soignante alors que son papa est militaire de carrière. Mon fils a une étoile au-dessus de lui. Partout où il passe, on l’aime bien. Tout le monde veut faire quelque chose avec lui. Au Sporting, il s’est rapidement senti comme chez lui mais cela ne s’est pas super bien passé sportivement."
Le Zèbre , qui a 17 ans, est alors prêté à Monaco…
"David devait aller dans une famille d’accueil. Il m’a dit : ‘Maman, je ne veux plus cela, tu ne veux pas partir avec moi ?’ Quand un enfant vous demande cela droit dans les yeux, cela marque. On a fait une réunion de famille avec ses frères et sœurs. Et j’explique à David : ‘S’ils sont d’accord que je t’accompagne, je prends une année de pause carrière.’ On ne voulait pas faire de préférence. On a fait un repas et le raisonnement de ses frères et sœurs a été le suivant : ‘Maman, David est parti très jeune de la maison et n’a pas profité de votre présence. Nous, nous avons été gâtés quotidiennement. David pas. Si Maman tu as le cœur de faire cela pour lui, on est fier de toi.’ Et c’est comme cela que je suis partie un an à Monaco. Un homme de 40 ans peut perdre la tête à Monaco alors imaginez un ado de 17 ans..."
Où les Henen ont récupéré l’appartement de Yannick Carrasco.
"Avec vue sur le casino. Au départ, on avait reçu une villa un peu éloignée du centre, dans un bois sur les hauteurs. Il y avait des caméras partout mais je n’étais pas à l’aise. Yannick allait déménager et on a demandé au club pour récupérer son appartement. C’était plus facile pour moi, mais aussi pour David d’aller au club en bus ou avec un équipier. En Belgique, cela a été du sport pour Edmond avec les quatre autres enfants…"
Pour David, l’expérience monégasque ne dura qu’une saison.
"Il y avait de nombreux jeunes et David ne jouait pas tout le temps avec les U21 alors qu’il était U19. Ce qui ne lui plaisait pas. Il disait : ‘Maman c’est comme si tu vas à l’école la semaine mais que tu ne peux pas passer ton examen le week-end. Et c’est lors de ces examens, les matchs, que l’on peut vraiment juger de tes qualités et de ton évolution.’ Monaco voulait l’acheter mais David n’a pas cru en leurs promesses."
Anderlecht le vendra à l’Olympiakos qui le louera puis le vendra à Everton…
"Il fabriquait des ballons avec des chaussettes"
David est rapidement passé du petit club de village au Standard…
Avant de taper dans un ballon, David Henen a d’abord pratiqué un sport de combat comme tout le reste de la famille.
"On a eu cinq enfants en cinq ans, explique sa maman, Béatrice. Quand il était petit, on a décidé de mettre David au sport avec ses frères et sœurs. Mon mari a fait du karaté donc tout le monde a commencé par le karaté pour une question de facilité. Un jour son papa va le récupérer après l’entraînement et David lui montre ce qu’il avait appris en donnant un coup de pied à son papa. Quand ils sont revenus, j’ai donné le bain à David et il m’a dit : ‘Maman, je n’aime pas le karaté. On me demande de frapper l’autre, d’attaquer l’autre, moi je ne veux pas faire cela.’ Et il commence à pleurer et il me dit qu’il ne veut plus retourner au karaté. Je lui demande ce qu’il veut faire et il répond : ‘Moi je veux faire du foot.’ Après cela, David fabriquait des ballons avec des chaussettes qu’il mettait en boule et il jouait dans la maison avec ses frères. Chaque semaine on devait remplacer notre horloge car elle était cassée."
Pour faire plaisir à leur fils, Edmond et Béatrice prennent la direction du petit club du village, celui de Sainte-Cécile.
"Mais je savais qu’il n’avait pas l’âge, poursuit la maman du joueur de Charleroi. Il était trop jeune, il avait cinq ans. L’entraîneur nous explique que ce n’est pas possible de l’inscrire car il ne serait pas couvert pas l’assurance. David a fondu en larmes et moi aussi en voyant la tristesse de mon fils. J’ai dit à l’entraîneur que j’allais prendre une assurance personnelle. Finalement ils ont accepté que David joue et mon fils a directement mordu. Pluie ou neige, il voulait aller au football."
Pendant la même période, pour occuper des enfants qui ont un grand besoin de bouger, papa et maman Henen les inscrivent aux compétitions d’athlétisme de la région.
"David courait avec ses deux frères. Quand on arrivait sur une course les gens disaient : ‘Les petits Noirs sont là, cela va être difficile pour nos enfants de faire une médaille.’ Ils ont gagné de nombreuses courses dans notre région, en Gaume."
Déjà bon balle au pied, David quitte Sainte-Cécile pour Florenville, son premier transfert qui en appellera d’autres…
"Là-bas, il commence à se faire remarquer, surtout lors des tournois, ajoute Béatrice. Sa marraine, Sabine, qui habite à Battice près de Liège, le prend souvent pendant les vacances et elle l’inscrit dès ses six ans à des stages et des tournois au Standard. Mais un jour le club de Virton nous téléphone pour nous dire que David les intéresse car il y a quelque chose à développer chez lui. Je dis que ce n’est pas possible car c’est trop loin de la maison (NdlR : 35 kilomètres) et que mon mari qui est militaire est souvent parti. Et moi je travaille beaucoup. Le club a insisté car il fallait donner une chance à David. On a été trouver mon beau-père qui était pensionné. Et il a accepté de le conduire trois fois par semaine à Virton."
Et pendant sa période virtonaise, David évoluait aussi parfois avec Metz, comme l’explique son papa : "Je le déposais à la gare, il se changeait dans le train et il revenait tout seul après les matchs ou les tournois. Il avait 11 ans."
Doué et doté d’un beau gabarit dès son plus jeune âge, l’actuel flanc du Sporting allait rapidement attirer le regard de plus grands clubs que Virton…
"Quand il avait neuf ans, Lille voulait le transférer et ils ont insisté, conclut sa maman. Mais je n’ai pas voulu laisser partir mon enfant si jeune, si loin. Dès ses 10 ans, le Standard le désirait. M. Ciccarella, un responsable des jeunes, venait voir ses matchs à Virton. Ensuite il est parti au Standard à 11 ans et demi. Une semaine après, Metz nous téléphonait aussi. Les Français arrivaient trop tard."
Voyage épique au Togo…
Née au Togo sous le nom d’Azouma Adjo, Béatrice Henen décide, avec son mari Edmond, en 1999, d’effectuer un voyage dans son pays pour présenter son mari et ses enfants à sa famille. Un déplacement assez épique…
"David avait deux ans, lance son papa. On a épargné pour partir cinq semaines. Cela a été une expédition avec 210 kilos de bagages et cinq enfants âgés de un à cinq ans. On avait pris des réserves alimentaires mais après trois jours, on n’avait déjà plus rien. David, ses frères et sœurs, donnaient tout à des petits Togolais qui n’avaient pas grand-chose."
Un voyage dont David garde quelques souvenirs.
"Il se souvient de chez son grand-père qui possédait des chèvres et des moutons, poursuit sa maman. Les animaux ont eu la vie difficile avec nos enfants qui grimpaient dessus comme si c’était des chevaux. David n’aimait pas le sable, il ne voulait pas marcher par terre. On a dû le porter pendant cinq semaines. Il ne voulait pas se salir."