Simonin, préparateur physique de Charleroi: "Derrière la souffrance, il y a toujours le bonheur"
Portrait du préparateur physique de Charleroi, l’homme qui se cache derrière les fins de matches héroïques des Zèbres.
- Publié le 01-03-2017 à 06h39
- Mis à jour le 01-03-2017 à 06h41
Portrait du préparateur physique de Charleroi, l’homme qui se cache derrière les fins de matches héroïques des Zèbres. Et de treize. Pour la treizième fois cette saison (matches de Coupe compris), Charleroi a inscrit un but en (toute) fin de rencontre, face à Saint-Trond, samedi soir. Au total, ces réalisations tardives ont rapporté 17 points (!) aux Zèbres, qui ne sont plus qu’à une victoire des PO1. Derrière cette récurrence se cache un homme : Philippe Simonin, le préparateur physique du Sporting. Portrait.
Qui est-il ?
Philippe Simonin est tout sauf un novice dans le monde du football. Actif dans la préparation physique depuis vingt ans et ses débuts à Ajaccio, en Corse, son île natale, ce bourreau de travail, qui en est déjà à son troisième passage à Charleroi, a parcouru le monde pour exercer sa passion. Du Togo à la Chine, en passant par le TP Mazembe, Metz ou Eupen, il a côtoyé des entraîneurs comme Albert Cartier, Thierry Froger, Hubert Velud ou Gao Hongbo. "J’ai pratiquement travaillé deux fois avec tous les coaches que j’ai connus. Cela veut dire que mon travail est reconnu et, à mes yeux, c’est essentiel. C’est pour cela que je me lève tous les matins", explique-t-il.
Durant ces expériences, Philippe Simonin a parfois rencontré des stars (Zidane, Ronaldinho, Lippi…), mais il a aussi connu des situations loin d’être évidentes, comme lors de l’attentat perpétré contre le bus de la sélection togolaise lors de la Can 2010, qui avait fait un mort. "Ce que j’ai vécu ce jour-là m’a énormément touché et a créé des liens forts avec certains joueurs, comme Emmanuel Adebayor, que j’avais déjà connu, à ses débuts, à Metz, puis que j’ai retrouvé en sélection après qu’il soit passé par Monaco, Arsenal et Manchester City."
De son passé professionnel, sur trois continents différents, il retient plusieurs choses. "J’ai appris à respecter, à écouter et à avoir de l’humilité. Mais j’ai surtout compris que les voies vers la performance sont multiples, et je m’en sers tous les jours."
Sa méthode
Le préparateur physique français le précise d’emblée : "Ma façon de travailler, c’est ma sauce personnelle, il faut payer pour voir." (sourire)
Il a tout de même accepté de nous en livrer quelques facettes. "Dans la manière de travailler qui a été mise en place avec le staff, j’accorde énormément d’importance à l’humain. Mon leitmotiv est de toucher le cœur des hommes, et je pense qu’il rejoint celui de Felice Mazzù. On peut donner le meilleur entraînement à un joueur, s’il n’est pas bien dans sa tête, il n’arrivera à rien."
Mais ce n’est pas tout. "Ce discours, qui peut paraître à l’eau de rose, s’accompagne de beaucoup de travail. J’ai eu la chance de faire des allers-retours entre les terrains et les bancs de l’école. Je me suis donc confectionné une boîte à outils assez large, qui fait que j’ai une manière propre de travailler, toujours dans le respect de l’humain, de sa culture et de son parcours. J’essaie de faire comprendre à chaque joueur que derrière la souffrance, il y a toujours le bonheur. Mais j’apprends encore chaque jour. Plus j’avance et plus je me dis que je ne sais pas."
Pourquoi ça marche ?
La méthode Simonin ne cesse de porter ses fruits sur le terrain, surtout en fin de match, où les Zèbres parviennent à prendre la mesure de leur adversaire. "Disons que faire la différence en fin de rencontre est devenu une tendance lourde cette saison", estime le Corse. "C’est la preuve d’une capacité de réaction à la fois physique et mentale. Le fait que ça soit déjà arrivé à plusieurs reprises donne de la force aux joueurs, qui savent que c’est possible. Ce qui est encore plus remarquable, c’est que même quand il a encaissé dans les derniers instants, le groupe a trouvé la force pour réagir, comme à Genk, par exemple. À chaque fois, on a dépassé nos limites et on a eu la chance d’être récompensé. Les joueurs sont prêts à souffrir ensemble, mais ils savent aussi que leur exploit du week-end ne sera rien s’ils se ratent la semaine suivante. Chacun l’a intégré et fonce vers le même objectif."
Qui se dessine de plus en plus…
"Je ne serais peut-être pas revenu sans Felice"
Philippe Simonin loue les qualités de Mazzù et de "l’équipe autour de l’équipe"
L’exercice de l’interview n’est pas le préféré de Philippe Simonin. "Je suis toujours gêné quand on met mon travail en exergue car en football, la performance est multiparamétrique", indique-t-il.
Mais il ne peut cacher son plaisir de travailler au sein d’un staff comme celui de Charleroi. "Si le club marche bien en ce moment, c’est parce qu’il y a une équipe autour de l’équipe. Je tiens à souligner le travail extraordinaire accompli par le staff médical, les kinés, la diététicienne et le centre de Monceau. Toutes ces personnes sont très importantes, dans la revalidation des blessés notamment. Mais aussi au niveau de la prévention. C’est essentiel, surtout quand on a un noyau qui n’est pas extensible."
Dans l’entourage des joueurs, chacun travaille de manière tout à fait transparente, autour d’un seul et même homme : Felice Mazzù. "Je l’ai connu au début de sa prise de fonction à Charleroi et maintenant, je le retrouve dans sa quatrième saison. Je ne cache d’ailleurs pas que sans lui, je ne serais d’ailleurs peut-être pas revenu à Charleroi cet été (NdlR : Simonin a travaillé au Sporting lors de la saison 2011-2012 puis entre novembre 2012 et décembre 2013). Il a acquis un bagage encore plus important et sa complémentarité avec Mario Notaro s’est encore renforcée. Il est sûr de ses choix, il a une grande maturité et il fait confiance aux gens qui l’entourent. Avec lui, chacun apporte sa pierre à l’édifice. Il est le chef d’orchestre et chacun joue sa partition."
Ses éloges ne s’arrêtent pas là. "Ce qui rend un travail bon, c’est la personne pour qui on le fait. Felice a quelque chose qui fait qu’on se sent bien. Il parvient à créer le lien entre nous qui fait qu’on se dépasse tous, qu’on soit joueur ou membre du staff. D’ailleurs, dans la vie, on est souvent ensemble. On communique beaucoup et donc, il y a très peu de déperdition, que ce soit dans l’information ou le ressenti."
"Ils vont forcément trouver des pépites"
Philippe Simonin a travaillé en Chine à deux reprises, en 2012 puis entre janvier 2014 et juillet 2015. Il a vu des choses qui lui laissent penser que le projet chinois est très solide. "Ce ne sont pas des bêtises mais une fusée à plusieurs étages", précise-t-il. "Pendant longtemps, c’est vrai que cela se résumait à des paillettes. Le championnat faisait venir de gros joueurs et c’est tout. Mais depuis que le président Xi Jimping a défini ses objectifs (NdlR : organiser la Coupe du Monde avant 2030, la gagner avant 2050), il y a un vrai projet. Le football est, par exemple, obligatoire dans les écoles. Il y a des divisions inférieures, des compétitions de jeunes… Cela n’existait pas auparavant. Avant, les parents payaient pour que leurs enfants jouent dans des clubs. Donc c’était rarement les meilleurs qui jouaient."
À présent, il y a un vrai système de détection qui a été mis en place à travers le pays. "Sur près d’un milliard et demi de personnes, si le travail est bien fait, ils vont forcément trouver quelques pépites et les faire émerger" , assure le Corse. "D’autant plus que les jeunes ont maintenant des formateurs dès le plus jeune âge. La Chine a créé 20.000 académies et recruté 6.500 coaches étrangers. Il faut maintenant laisser le temps au temps de ne pas se faire une fausse image parce que La Gantoise a atomisé une équipe qui venait à peine de reprendre les entraînements, après deux mois de congé, il y a quelques semaines…"