Mbokani, l’homme qu’Anderlecht ne voulait plus
Dieumerci Mbokani (33 ans) prouve que tout le monde s’est trompé à son sujet, sauf Lucien d’Onofrio. L’Antwerp a fait la bonne affaire.
- Publié le 16-02-2019 à 07h22
- Mis à jour le 16-02-2019 à 12h13
Dieumerci Mbokani (33 ans) prouve que tout le monde s’est trompé à son sujet, sauf Lucien d’Onofrio. L’Antwerp a fait la bonne affaire. Un attaquant qui a de l’expérience, qui marque, qui garde le ballon, qui pèse sur une défense, qui est payable et qui veut venir à Anderlecht. Voilà la description du profil recherché par Michael Verschueren lors du dernier mercato. Tiens, Dieumerci Mbokani convient entièrement à cette annonce !
Mais Dieumerci joue à l’Antwerp, l’adversaire de ce dimanche. Et il y casse la baraque, avec sept buts et quatre assists.
Combien d’appels du pied n’a-t-il pas fait à Anderlecht, ces dernières saisons ? Au moins un par année, depuis qu’il a signé au Dynamo Kiev en 2013. "Un jour, je vais revenir à Anderlecht" , a-t-il souvent dit. Ou encore : "Anderlecht est le club de mon cœur."
Mais ni Herman Van Holsbeeck ni Luc Devroe n’ont bronché. C’est surtout Devroe qui peut s’en vouloir. Mbokani était en fin de contrat en Ukraine ; il ne coûtait plus rien. Devroe n’a pas osé prendre le risque. Il a préféré transférer Santini et louer Dimata. Niveau statistiques, il a fait le bon choix. Santini a douze buts et Dimata, treize. Mais dans la moitié de leurs matchs ils étaient complètement absents.
À la décharge de Devroe : les rumeurs concernant l’état physique de Mbokani (33 ans depuis novembre) étaient peu rassurantes. C’est surtout cet examen médical loupé à l’Olympiacos qui a sali son image. Mbokani s’était déplacé en Grèce à la demande de Besnik Hasi, mais son genou n’était plus bon pour le service, estimait le staff médical du club. Dieu était grillé partout en Europe.
Touché dans son amour-propre, Mbokani s’est juré de mettre les choses au point. Il a commencé à Kiev, où il a inscrit douze buts, alors qu’il était entièrement sur une voie de garage. Nombreux étaient les clubs (turcs) qui s’informaient, mais qui finalement ne voulaient pas de lui, sans doute influencés par des agents d’autres attaquants, qui ont rappelé ses problèmes au genou.
Dieu a donc dû attendre le 25 août avant de signer son contrat à l’Antwerp. Personne ne pourra savoir si un retour de Mbokani à Anderlecht aurait été une réussite. Par contre, ce qui est certain, c’est qu’il avait plus de chances de réussir à l’Antwerp, où il est entouré d’un trio qui le connaît par cœur: Böloni, son entraîneur au Standard, Lucien d’Onofrio, son directeur sportif au Standard, et Jean-François Lenvain, son accompagnateur à Anderlecht, qui s’occupe encore de lui hors du club.
En rien Mbokani ne ressemble encore à l’homme au caractère difficile qui le rendait parfois ingérable au Standard et à Anderlecht. Un bête exemple. Le 2 février, l’Antwerp se déplace à Ostende. Mbokani n’est pas dans la sélection ; il est suspendu après s’être pris cinq cartes jaunes. Mais qui arrive bien à temps à la Versluys Arena, en bravant le vent côtier ? Mbokani. Pour soutenir ses coéquipiers. Jamais il n’aurait fait cela lors de son époque mauve ou rouche.
Mbokani a beaucoup mûri. Il savait qu’après ses années en Ukraine l’Antwerp était sa dernière chance. Et quand Dieumerci est au pied du mur, il parvient à se surpasser. Anderlecht doit espérer que Dieu ne lui donne pas le coup de massue ce dimanche…
"Selon Devroe et Hein, il était usé"
Fabio Baglio, son agent, l’a proposé à tous les grands clubs belges. En vain.
Fabio Baglio a toujours été l’agent de Mbokani. "Je l’ai proposé à tous les grands clubs en Belgique, et donc évidemment à Anderlecht", dit-il. "Devroe a refusé. Selon lui, Hein Vanhaezebrouck estimait qu’il était fini. Ou du moins que physiquement, il ne ferait plus le poids et qu’il était usé. Quand on le voit courir maintenant, on dirait un gamin de 20 ans..."
Financièrement, Anderlecht ne se serait pas fait mal. "Il ne fallait pas payer de prix de transfert, vu qu’il était libre. S’il faut payer un salaire d’un million par an, tu ne prends pas de risques. L’Antwerp l’a fait. Au début, il était un peu frileux à l’idée de signer à l’Antwerp. Aujourd’hui, le garçon s’amuse et est heureux. On savait que l’Antwerp avait un bon projet. En plus, il est entouré de joueurs avec qui il a joué avant. Moi, j’étais convaincu qu’il réussirait."
Un autre joueur affronterait Anderlecht avec des sentiments de revanche. Baglio : "Dieu pas. On ne te prend pas ? Tant pis. Il n’en veut pas à Anderlecht. Il n’est pas ingrat. Mais bien sûr qu’il sera motivé. Vous connaissez sa motivation quand il joue contre ses anciens clubs. Vous avez vu son match contre le Standard ? Il est plus chaud quand c’est contre Anderlecht que contre Lokeren."
Et son avenir ? Pendant le mercato d’hiver, il a refusé une belle proposition du Galatasaray, après concertation avec Lucien d’Onofrio. Mais vu qu’il n’a signé que pour un an, il est déjà libre en juin. Il est donc en position de force. "Tout d’abord, il y a l’Antwerp qui veut le faire resigner", dit Baglio. "Mais il y a aussi d’autres clubs. Quand on marque, il y a de l’intérêt."
Et si Anderlecht lui faisait une proposition ? Baglio : "Dans la vie, rien n’est impossible. Mais dans les conditions actuelles, j’hésite. Il faudrait quand même un projet plus intéressant que celui qui existe maintenant. Je ne vais pas comparer le Sporting à Zulte Waregem, mais quand même… Dieu aurait pu apporter quelque chose au Sporting actuel, mais il n’aurait pas pu le faire seul."
Lenvain : “Un défi excitant, ce come-back”
Jean-François Lenvain, ancien responsable de la cellule sociale d’Anderlecht, a toujours été l’homme de confiance de Mbokani. Depuis son retour en Belgique, les deux se fréquentent pratiquement au quotidien. “C’était un de mes grands défis de l’année de le stimuler à revenir à son ancien niveau”, dit Lenvain. “On a à nouveau réuni la fine équipe autour de lui. J’ose dire que je le connais comme ma poche, mais malgré cela, c’est une immense surprise ce qu’il est en train de réaliser.”
Lenvain n’a pas perdu de vue son poulain pendant ses aventures ukrainienne et anglaise. “Les tests médicaux qu’il a ratés dans d’autres clubs n’étaient pas liés à une blessure spécifique, mais surtout à son état de forme. Et maintenant, voilà trois mois qu’il joue à un haut niveau pendant les 90 minutes.” Lenvain a une bonne explication pour la métamorphose de Dieu. “Il est revenu chez lui ; Anvers est à une demi-heure de sa maison. Il a retrouvé sa femme et ses enfants de manière constante, après avoir vécu seul à Kiev. Et il a besoin de stabilité, ce qui n’était pas le cas en étant prêté deux fois en Angleterre.”
Dieu de retour en équipe nationale?
Dieumerci Mbokani se sent si bien dans sa peau qu’il ne dit a priori pas non à un retour en équipe nationale. Il a eu une rencontre à ce propos avec Christian N’Sengi, directeur technique en équipe nationale du Congo et entraîneur des jeunes à Anderlecht.
Le 22 mars, le Congo joue un match de qualification crucial contre le Libéria. N’Sengi tente de lui expliquer que c’est le bon moment pour rouvrir la porte de son pays et pour aider ses coéquipiers. Mbokani a une relation avec le Congo comme Nainggolan avec la Belgique. Son dernier match date du 29 janvier 2017 contre le Ghana (1-2) à la Can.
Ses fils jouent au RWDM et plus à Anderlecht
La renaissance de Mbokani a aussi des raisons privées. Il est tout heureux de revoir sa famille tous les jours. Il accompagne d’ailleurs ses fils aux entraînements du… RWDM, où Jess joue en U10 et Bradley en U6. Tiens, est-ce que Jess ne jouait pas à Anderlecht quand Dieu était en Ukraine ? Pour des raisons pratiques et suite au déménagement de Jean-François Lenvain au RWDM, les Mbokani ont décidé de mettre leurs enfants à Molenbeek. Mbokani y rencontre d’ailleurs ses compatriotes et ex-coéquipiers en équipe nationale Zola et Lutula, dont les fils jouent aussi au RWDM. On comprend qu’il ait plus le sourire qu’à Kiev…