Dix ans après sa double fracture contre le Standard, on a rendu visite à Wasyl: “J’ai encore une plaque de métal et neuf vis dans la jambe”
Interview exclusive de Marcin Wasilewski, 10 ans exactement après sa double fracture ouverte au tibia et péroné.
- Publié le 28-08-2019 à 06h37
- Mis à jour le 29-08-2019 à 07h54
Interview exclusive de Marcin Wasilewski, 10 ans exactement après sa double fracture ouverte au tibia et péroné. Myslénice, centre d’entraînement du Wisla Cracovie SA, actuel neuvième en Ekstraklasa, la D1 polonaise. Un des jeunes du club fait semblant de pouvoir ouvrir la BMW i8 Coupé noire, de loin le bolide le plus attrayant sur le parking des joueurs. Il sourit et se retourne vers les visiteurs belges. "The car of Wasyl, of course." Cela ne pouvait être que la voiture de l’ex-Anderlechtois, qui a toujours adoré les grosses cylindrées.
Depuis novembre 2017, Wasilewski porte les couleurs de ce club emblématique, douze fois champion de Pologne. Il a 39 ans mais suit encore et toujours les mêmes principes : tout pour le foot, pour sa famille et pour les fans, mais rien pour les médias. Ce vendredi, dix ans très précisément se seront écoulés depuis cet horrible accident du 30 août 2009. Dix années de silence, sans la moindre interview.
Via Michel Thiry, son agent belgo-polonais, nous avons quand même tenté le coup. Miracle. Wasyl a parlé. D’abord - très nerveux - pendant une minute ou deux. Après sa douche - comme s’il était soulagé de pouvoir se lâcher - pendant une demi-heure. En acceptant d’aborder tous les sujets, y compris sa double fracture ouverte du tibia et du péroné, encourue après le tacle d’Axel Witsel lors de ce dramatique Clasico.
Wasyl autorise même qu’une photo soit prise de la partie de son corps qui synthétise presque toute sa carrière : son mollet droit.
En 2014, Wasyl y a fait tatouer en grand le logo d’Anderlecht. Quelques centimètres plus bas, les stigmates de sa blessure. L’énorme cicatrice est gravée dans sa peau. Elle ne disparaîtra jamais. "Ici, j’ai une grande vis", indique-t-il du doigt. "Et là, j’ai une plaque en métal. Sur toute la longueur de la cicatrice, j’ai huit plus petites vis. Oui, cela fait neuf vis en tout."
Depuis la fin novembre 2010 - quinze mois et six opérations après la catastrophe - Wasilewski est redevenu footballeur professionnel ; il l’est toujours. Son combat a été héroïque. "Je suis rétabli et je suis un homme heureux, mais je ressens encore tous les jours une raideur à l’endroit des opérations. Surtout là où j’ai la grosse vis. Chaque matin, quand je me lève, il faut que je me promène cinq minutes ou que je fasse des exercices pour que la raideur dans la région du péroné disparaisse. Les premiers pas sont difficiles. Il me faut un certain temps avant de redevenir mobile. Mais ça va. J’ai appris à vivre avec cela."
Le prochain sujet est plus délicat. La main de Witsel qu’il a accepté de serrer, le 24 octobre 2012 lors du match entre le Zenit Saint-Pétersbourg et Anderlecht (1-0), en Ligue des champions.
A-t-il revu le Diable depuis ? "Non, non…", répond-il.
Le colosse laisse un silence. L’un des rares lors de notre entretien. Lorsqu’on lui rapporte que David Steegen, actuel public affairs manager à Anderlecht, a dévoilé dans son livre qu’il a dû le convaincre d’accepter cette main tendue que lui voulait refuser. Silence.
Quand après le match, il a voulu faire demi-tour après avoir appris que Witsel était présent dans le restaurant du sponsor Gazprom, où une délégation d’Anderlecht était invitée. Idem. Silence. Finalement, les joueurs ne sont restés qu’un quart d’heure dans l’établissement.
Wasilewski prend son temps. Il finit par confirmer. "Je sais que David Steegen a écrit cela, c’est correct." Mais le sujet reste sensible. Forcément. De façon élégante, Wasyl passe à la suite. "David est resté un ami. Combien de fois ne m’a-t-il pas demandé de venir donner le coup d’envoi d’un match d’Anderlecht ? J’aimerais tant, mais je n’ai pas le temps. Avec le Wisla, nous partons à l’hôtel avant les matchs. Je ne suis plus venu à Anderlecht depuis le 23 avril 2017 (2-0 contre le Club Bruges) . La solution aurait été de venir voir un match de Coupe d’Europe, cette saison. Hélas…"
Son come-back a fait de lui une légende à Anderlecht. Y a-t-il plus populaire que lui ? Peut-être Kompany, vu son retour au Parc. Mais pour le reste… "C’est quelque chose de fou", dit Wasilewski, en secouant la tête. "Je raconte parfois à d’autres joueurs qu’il faut vivre cela soi-même pour pouvoir le croire. Ces ovations me vont droit au cœur. Les applaudissements à la 27e minute… (Il agite la tête) J’en suis encore ému. Et visiblement, mon casier numéro 27 à Neerpede reste vide ?"
“Biglia aurait été un bon renfort”
Wasyl reste attentif à l’actualité anderlechtoise de près, notamment grâce à Instagram.
Marcin Wasilewski suit les prestations d’Anderlecht de très près. “Surtout via Instagram. Qu’est-ce que le début de championnat est mauvais !”, lance-t-il. J’ai vu ce match contre Malines, par exemple. À 10 contre 11 pendant 45 minutes lors d’un match à domicile, sans pouvoir marquer…”
Et pourtant, il croit en Kompany comme entraîneur. “On n’a jamais joué ensemble à Anderlecht (Kompany est parti en 2006, Wasyl est arrivé en 2007), mais vu notre passé commun au Sporting, on parlait toujours longtemps après les matchs entre Manchester City et Leicester. Je sentais qu’il était aussi passionné par Anderlecht que moi. Mais malgré cela, j’étais très surpris d’entendre qu’il deviendrait joueur/manager.”
Wasyl profite de la présence d’un Belge pour en savoir plus sur le Sporting et la Belgique. “Bruges est si fort que cela ? Les Blauw en Zwart ont vraiment payé 7 millions pour Mignolet ? Qui sont les autres concurrents ? Encore Gand et Genk, comme chaque année ? C’est vrai que Biglia aurait voulu revenir à Anderlecht ? Je crois qu’il aurait pu aider le Sporting. Non seulement sur le terrain, mais aussi parce que c’est un bon gars dans le vestiaire. Comment joue Nasri ? J’espère qu’il restera entièrement focalisé sur le football… Frutos est vraiment consultant pour la télé ? (Rires) Il a quand même coaché les U21 et ensuite l’équipe A, n’est-ce pas ? Ils reviennent tous au Parc Astrid. C’est vraiment bien, là…”
La prochaine question est inévitable. Se voit-il revenir un jour à Anderlecht ? “Ne jamais dire jamais. Je ne sais pas avec quelle fonction – pour le moment, je ne me vois pas devenir entraîneur, mais on ne sait jamais – mais ce serait beau. Je ne connais pas le nouveau président. Mais le Sporting, c’est ma deuxième maison.”
Dans sa vraie maison, à Cracovie, il a gardé un tas de souvenirs d’Anderlecht. “J’ai beaucoup de maillots que j’ai portés à Anderlecht. Dans ma nouvelle maison – on est en train de chercher – je vais consacrer une pièce à ma collection anderlechtoise. Le plus beau maillot est celui de mon tout premier match, au Germinal Beerschot (1-3). C’est moi qui avais marqué le troisième but, sur un centre de Boussoufa.”
Wasilewski est encore en contact avec de nombreux coéquipiers. “Notamment avec Gillet et Proto. Mais aussi avec Olivier Deschacht. Il n’arrive pas à s’arrêter non plus. De Lokeren à Zulte Waregem, c’est même un pas en avant. J’ai encore un bel avenir devant moi. (Rires)”
Wasilewski est toujours resté en contact avec les supporters d’Anderlecht. "Visiblement, ils vont venir à 50 pour un match du Wisla, en mars de l’année prochaine. Ce sont les mêmes gars qui sont venus plusieurs fois à Leicester. Ils veulent me voir jouer une dernière fois avant que je n’arrête ma carrière. Mais qui dit que j’arrêterai ? (Rires)"
L’heure n’est pas encore venue. Même dix ans après cette terrible blessure.
“J’aurais rejoué gratuitement pour Anderlecht”
Il dévoile que Hasi a essayé deux fois de le récupérer quand il était à Leicester : au Sporting et à l’Olympiacos.
Wasilewski a quitté Anderlecht en septembre 2013. John van den Brom ne voulait plus de lui. Comme de Roland Juhasz. Finalement, Wasyl a signé à Leicester en D2 anglaise. Il a remporté le titre en Championship (il a joué 31 matchs) en 2014 et en Premier League en 2016 (4 matchs). Comme si Wasilewski attirait le succès. “Leicester a également été un incroyable chapitre dans ma carrière”, dit-il. “C’est fou ce qu’on a fait, là. Le titre en Premier League, c’est incroyable.”
Wasyl a été fortement touché par la mort du président thaïlandais Vichai Srivaddhanaprabha, tué dans un accident d’hélicoptère à l’extérieur du stade du club, le 27 octobre 2018. “On m’a invité aux funérailles mais je n’ai pas pu me libérer, vu que je devais jouer avec le Wisla. C’était vraiment une bonne personne. Il voulait tout donner pour rendre les autres heureux. Son fils est aussi comme cela. Visiblement, il a dépensé 5 millions à Louvain pour refaire les installations de l’OHL ? Et Leicester a payé 45 millions pour Tielemans et 20 millions pour Praet ? C’est beaucoup ! La presse belge va bien suivre Leicester, alors… (rires)”
Et pourtant, son premier amour reste Anderlecht. Il aurait voulu revenir, en 2014. “Après six mois à Leicester, Besnik Hasi m’a appelé pour me demander de revenir. Je serais revenu jouer gratuitement. Mais Leicester ne m’a pas lâché.”
Ce n’est pas la seule fois que Hasi a essayé de le récupérer. “Quand il était coach à l’Olympiacos, il aurait bien aimé m’avoir. Mais il avait trop de joueurs : 32. Il devait d’abord se débarrasser de quelques gros salaires pour pouvoir me transférer. Finalement, cela ne s’est pas fait.”