Le message de supporters d'Anderlecht: "Ne menez pas notre beau club à la faillite !"
Georges et Philippe, des supporters jumeaux d’Anderlecht, expriment leurs sentiments d’angoisse à la veille du Clasico
- Publié le 03-05-2019 à 12h05
Georges et Philippe, des supporters jumeaux d’Anderlecht, expriment leurs sentiments d’angoisse à la veille du Clasico.
Le comportement des dizaines de hooligans d’Anderlecht lors du dernier Clasico a sali l’image du supporter mauve. À la veille du match retour, on a donné la parole à deux supporters emblématiques, les jumeaux bruxellois Georges et Philippe (59 ans). L’un est médecin et passe de temps en temps au programme radio Complètement Foot du dimanche soir à la RTBF, l’autre est pharmacien. Depuis leurs dix ans, ils ne ratent pas un match à domicile du club de leur cœur. “L’ADN mauve nous a été transmis par notre grand-père…”
Voici l’interview vérité de deux acharnés qui ont vécu toutes les émotions, cette saison : de la frustration, du ras-le-bol, de la crainte et un tout petit peu d’espoir.
Messieurs, allez-vous renouveler votre abonnement pour votre 50 e saison ? Georges : “Oui ! Mauve un jour, mauve toujours !”
Philippe : “Cela dépend quand même de l’entraîneur. Si Belhocine reste, je m’en vais. Il n’a pas l’ADN. Il n’a pas joué au Sporting. Et tu as vu sa tactique à Bruges ?”
Georges : “Sois moins virulent, Philippe. Ce garçon joue avec une équipe qui n’a pas le niveau mauve. C’est la plus faible de l’histoire. Il ne sait pas faire de miracles. Tu peux mettre Mourinho ou Guardiola, ça n’ira pas mieux.”
Philippe : “Même si tu n’as pas les moyens, tu ne vas pas jouer à onze devant ton but quand tu es Anderlecht..”
Vous voulez qui comme coach ? Philippe : “Au risque de surprendre tout le monde : Michel Preud’homme. J’en ai discuté avec Roger Vanden Stock, à l’époque. Il m’a dit qu’il aimerait bien aussi, mais que les supporters n’accepteraient jamais. Je lui ai répondu qu’après dix victoires consécutives, il serait accepté. Et je prendrais aussi Emilio Ferrera. Et Lucien d’Onofrio. Michael Verschueren est jeune, n’est pas un grand connaisseur de football et doit encore apprendre le métier.”
Georges : “Preud’homme est bon mais trop plaintif, Philippe. Je vois plutôt un Philip Cocu. Écoutez : Weiler a été fort critiqué. Il a osé dire que le beau football était fini au Parc Astrid, il n’avait peut-être pas tort. Les bons joueurs ne veulent plus venir chez nous. On ne signifie plus rien sur la carte européenne.”
Je comprends donc que vous êtes déçus par les transferts de cet hiver. Philippe : “À commencer par Rutten, qui n’a jamais gagné un trophée dans sa carrière. C’était une catastrophe. Kara est revenu en suppliant parce qu’il s’est fâché avec son coach à Nantes. Et ne parlons pas de Zulj. Il mérite la godasse de plomb, ce David Copperfield qui a déclaré qu’il voit ce que les autres ne voient pas.”
Georges : “À 59 ans, je cours plus vite en reculant que lui tout droit.”
Philippe :“Même Bolasie devient un prêt raté, vu qu’il est mal utilisé, seul sur son île en attaque. Alors que c’était un prêt magnifique. Markovic, lui, avait l’ADN du Sporting. Mais il n’était pas fit.”
Georges : “Il nous faut vraiment un bon centre-avant. Dimata a le niveau, mais Santini est trop court. La force offensive d’Anderlecht était une des plus faibles de toute la D1A ! Mbokani aurait dû venir en août !”
Philippe : “C’est un vrai Mauve. Quand j’ai lu, en août, que Coucke est tombé sur Mbokani à Monaco, j’ai fait des bonds de joie. Il était gratuit ! À la limite, Dieu est capable de tirer le corner et en même temps de mettre le ballon au fond de la tête. Le transférer maintenant serait un premier rapprochement entre le public et la direction. Sans le but de Dieu contre Anderlecht, il n’y avait pas les ‘Coucke buiten !’ après le match.”
Même si Malines vous a rendu l’espoir, vous risquez de ne pas être européen la saison prochaine. Philippe :“Si on avait été en playoffs 2, on aurait eu plus de chance d’être européen. Et d’ailleurs, si c’est pour faire la campagne européenne qu’on a faite cette année, il vaut mieux ne pas être qualifié. Si c’est pour être la risée de l’Europe et aller perdre contre Trnava…”
Georges : “Mais même en perdant tous les matches, tu gagnes quelques millions, Philippe. Le foot, c’est devenu le commerce.”
Surtout depuis l’arrivée de Coucke. Philippe : “Il me connaît, vu qu’il est pharmacien comme moi. Il est arrivé en grand seigneur. Il sait gérer des sociétés, mais ce n’est pas du football… Il nettoie l’extrasportif, mais on se fout que les bureaux soient propres. On veut un nettoyage sur le terrain. 25 joueurs doivent s’en aller, pour qu’on voie du beau football… Coucke trouve des cadavres dans les placards à Neerpede, mais il est venu avec des cadavres d’Ostende. Ce n’est pas un club de province, ici ! Il y a une culture, on a des titres, il faut respecter les supporters !”
Georges : “Calme-toi, Philippe ! Quand on me verra, on va croire que c’est toi et je ne pourrai plus rentrer dans le stade. Cela me fait penser à l’anecdote de Raymond Goethals. Il venait voir notre équipe d’ABSSA parce que Guy, son fils, jouait avec nous. Après le match, il est venu me dire que j’étais vraiment partout sur le terrain. Il n’avait pas vu qu’on était des jumeaux (Rires). Mais moi, j’ai un autre problème.”
Balancez, Georges. Georges : “On ne sait plus qui fait quoi dans notre club. On a Michael Verschueren, mais en plus un directeur sportif en la personne d’Arnesen. Il fait quoi, lui ? À l’époque, c’était clair. Michel Verschueren et ensuite Van Holsbeeck géraient le sportif, même s’il a trop fait appel à Mogi Bayat. Il faudra peut-être retendre la perche à Mogi pour vendre tes 25 joueurs… Et Zetterberg, il fait quoi ? Il doit donner des conseils aux joueurs ? Il l’a fait avec Verschaeren, mais Rutten l’a fait mettre en tribune. Ils coûtent de l’argent, ces gars. Le staff médical par contre, on l’a mis dehors. Il n’y a plus de diététicien. Ils vont manger des hamburgers et des frites comme Eden Hazard (rires)… ”.
Philippe : “Il faut aussi mettre des anciens grands joueurs comme coach des équipes de jeunes, comme à l’Ajax. Et il faut bien les payer. Ce n’est pas Zetterberg qui va donner l’ADN à Milic et Lawrence, qui ne savent pas shooter droit.”
Georges :“On se pose des questions. Où est Cobbaut ? Pourquoi ne pas mettre Verschaeren dans l’axe ? C’est lui qui porte l’équipe. Alors que les vieux devraient tirer les jeunes vers le haut.”
Philippe : “J’ai aussi un tas de questions. Qui a visionné Vranjes et Sanneh ? Ce sont 3,5 et 8 millions qui sont partis en fumée. Ils n’avaient pas vu Trossard à OHL, à l’époque ?”
Je vous sens inquiets. Georges : “Ce n’est pas en un an qu’on va reconstruire l’équipe. Donc : communiquez-nous cela honnêtement. Et ne nous faites plus croire qu’on va jouer la finale de la Coupe d’Europe. Le gros problème, c’est qu’une mauvaise gestion pendant plusieurs années mène à la faillite d’un club. Le RWDM, le FC Liège, le Lierse, Berchem Sport. On a peur de suivre ce chemin. On n’a pas envie que notre club disparaisse des tablettes de la D1A.”
Philippe : “On se moque déjà assez de nous… On est dans les cordes. J’espère qu’on sortira grandis de ce mauvais cauchemar.”
"L’accueil sera chaud, Mpoku !"
Malgré la misère, ils sont prêts pour le Clasico : "Une victoire contre notre ennemi numéro 1 peut sauver nos playoffs".
Anderlecht - Standard de ce dimanche est marqué en mauve dans leur agenda.
Vous n’avez pas peur d’une nouvelle gifle ?
Georges : "Ne jouons pas comme à Bruges, où le but était de ne pas en prendre six. Et essayons de grappiller un point."
Philippe : "Non ! Il nous faut les trois points. Et en plus de cela, il faut la manière. On viendrait à trois points du Standard. Tout serait encore possible. Ce serait magnifique de terminer devant eux. Le Standard est notre ennemi n°1. Ne leur faisons pas de cadeaux. S’il y a un match à gagner, c’est celui-ci. Entre guillemets, il peut même sauver nos playoffs."
Georges : "Je vous rappelle qu’on a gagné 2-1 en phase classique. Avec deux buts magnifiques de deux gars dont on ne veut plus : Sanneh et Santini."
Vous allez faire passer le message aux joueurs comme quoi c’est le match de l’année pour vous ?
Philippe : "Où doit-on aller pour cela ? Neerpede est devenu une forteresse imprenable. Il n’y a plus de dialogue possible. Où est l’époque où des supporters montaient sur le capot de la voiture de Boussoufa pour fêter une victoire ? Et la Simca de Kouyaté était remplie de supporters en quittant le stade. On ne sait même plus faire signer les albums Panini."
Si vous vouliez un joueur du Standard…
Philippe : "Il n’y en a qu’un avec l’ADN d’Anderlecht : Carcela. Et ça va mal entre lui et le Standard. Donnons-lui les millions et prenons-le !"
Georges : "Tu ne crois pas que Carcela va partir aux Émirats arabes ?"
Philippe : "Il faut le convaincre de former un duo avec Trebel. Ce serait un bon entrejeu. Trebel n’est pas un meneur de jeu, mais il pourrait ratisser des ballons pour lui, comme le faisait Neeskens dans la grande équipe des Pays-Bas. En revanche Trebel et Kums, font doublon."
Georges : "On a davantage besoin de Trebel que de Kums."
Philippe : "On dirait que Kums est éteint et fini. À Gand, il était extraordinaire. À Udinese, il n’a pas marqué un but."
Vous ne voulez pas Mpoku ?
Philippe : "Non, on n’en veut pas. Albert Sambi, son frère, est nettement meilleur que lui et il a une excellente mentalité. On l’a vu avec l’histoire impliquant Didillon, qu’il a provoqué à l’issue du match. D’ailleurs, Mpoku peut s’attendre à un bel accueil. Il l’aura bien mérité, à force de donner des leçons aux autres et d’exciter son public."
Dans chaque Clasico, Didillon est l’Anderlechtois le plus ciblé.
Philippe : "Moi, je préférais Sels. Didillon a seulement gagné des points en fin de phase classique et nous a fait perdre deux matchs importants en playoffs. Il est jeune et n’a pas résisté à la pression."
Georges : "Tu attaques trop les joueurs, Philippe. Didillon a fait une bonne saison. Il veut trop jouer au foot, mais on ne va pas le blâmer. Tu sais quoi ? Nous sommes de grands gâtés. En 49 ans, on a savouré 20 titres ! C’est presque autant que le Standard (10) et Bruges (15) ensemble dans toute leur histoire. On est dans le creux, mais on va en sortir. On doit en sortir ! Des grands clubs ne peuvent pas mourir."
Philippe : "C’est facile à dire, Georges. Mais bon, faisons encore confiance à Coucke."
Vous vous attendez à de nouveaux incidents contre le Standard ?
Georges : "Non. D’ailleurs, les supporters d’Anderlecht sont restés très calmes et pondérés pendant longtemps. À un certain moment, ils en ont eu marre. On ne peut pas accepter ce qui s’est passé, mais on peut comprendre, quand on a du sang mauve et quand on a l’habitude de voir du vrai football."
Philippe : "Mais quand je vois qu’on a permis à Luyindama de prendre le micro et d’insulter Anderlecht. Qu’est-ce que les parents à Sclessin ont dû dire à leurs enfants ? Et que dire de cette année-là où le match a été interrompu à 0-1 à cause des fumigènes du Standard, qui ont fait basculer le match ? On n’a pas gagné 0-5, cette année-là. Il y a deux poids, deux mesures…"