Il y a 25 ans, Kafelnikov devenait le premier Russe n°1 à l’ATP : “Atteindre ce sommet, c’est l’objectif ultime”
Evgueni Kafelnikov avait profité d’un système favorable et de la fatigue de Pete Sampras. Mais le Russe a bien marqué l’histoire ce 3 mai 1999…
- Publié le 03-05-2024 à 08h12
Station balnéaire renommée en Russie, Sotchi a acquis un statut plus prestigieux grâce au sport. Hôte des Jeux olympiques d’hiver en 2014, première étape face au Panama des Diables rouges sur la route de leur incroyable parcours à la Coupe du monde 2018 mais également ville d’accueil pour le grand cirque de la Formule 1 jusqu’à la guerre déclenchée en Ukraine, Sotchi aurait-elle pu sortir de sa torpeur si elle n’avait pas enfanté l’un des meilleurs joueurs de tennis de la planète ? Pourtant, Evgueni Kafelnikov, puisque c’est de lui dont il s’agit, a dû en surmonter des écueils avant de devenir, il y a 25 ans maintenant, le 3 mai 1999, le premier Russe à monter sur le trône de n°1 mondial à l’ATP. “Atteindre ce sommet, c’est l’objectif ultime de tout joueur de tennis professionnel, rembobinait Kafelnikov lors d’une interview à l’ATP. C’est pour cela que nous jouons. C’est l’une des réalisations les plus agréables de ma carrière.”
Kafelnikov va chercher les bases de son succès dans sa jeunesse difficile, l’Union soviétique vivant ses derniers instants. Il n’est pas facile pour le petit Evgueny, fils d’un coach de volley-ball et d’une maman basketteuse, de trouver balles, raquettes, cordages et chaussures, lui qui s’est mis au tennis à 7 ans. Ces conditions austères vont le façonner. Il n’abandonnera jamais en vue d’un objectif et est invité à l’Académie Bollettieri en 1991, à 17 ans. L’entraînement ne lui fait pas peur.
Roland-Garros en simple et en double
Le Russe débarque sur le circuit pro en 1994, remportant trois titres (Adélaïde, Copenhague, Long Island), ce qui lui permet de passer de la 102e place mondiale à la 11e. Et ce n’est que le début. L’année suivante, il atteint pour la première fois les demi-finales d’un Grand Chelem, à Roland-Garros, où il bat notamment Andre Agassi avant de courber l’échine face au futur lauréat, Thomas Muster. Mais ce n’est que partie remise. Kafelnikov l’emporte en effet en 1996, après avoir éliminé Pete Sampras dans le dernier carré, avant de ne laisser aucune chance à Michael Stich. Cerise sur le gâteau : Kafelnikov s’impose également en double, avec Daniel Vacek. “Si vous me demandez quand nous verrons la prochaine fois un champion en simple et en double lors du même Grand Chelem, je dirais que cela ne se produira avant de très nombreuses années”, prédisait à l’époque le Russe.
Les secrets de son jeu ? Droitier dont le revers à deux mains faisait des merveilles, Kafelnikov travaillait comme un acharné et n’abandonnait jamais. “Je n’étais pas du tout aussi doué que John McEnroe, Roger Federer, ou même Marat Safin, Marcelo Rios ou Nick Kyrgios, je n’ai jamais eu autant de talent, admet-il. Mais je travaillais vraiment dur. C’est grâce à cela que j’ai obtenu tous mes titres, que j’ai atteint tous mes objectifs. Je jouais chaque match comme si c’était le dernier de ma carrière…”
L'impression de pouvoir sauter par-dessus le mur de Chine sans aucune difficulté.
Les succès et les finales s’enchaînent donc, même s’il déplorera sans doute toujours de n’avoir jamais réussi à remporter un Masters 1 000. Cela dit, Kafelnikov compte à son palmarès 26 tournois (en 46 finales), dont l’Australian Open en 1999. Une année à marquer au fer blanc pour le petit gars de Sotchi. Véritable stakhanoviste de la raquette, enchaînant les tournois (il a disputé 150 matchs en 1998 !), il bénéficie d’un système de classement qui prend en compte les quatorze meilleurs résultats des douze derniers mois. Le Russe engrange donc des points et, malgré les défaites qui s’enchaînent, devient le 3 mai 1999 le premier Russe à monter sur le trône de l’ATP, succédant à un Pete Sampras épuisé. Alors oui, il n’est pas en forme et sort d’une incroyable série de défaites lors de premiers tours. Mais il est bien n°1 mondial. “Beaucoup de choses me sont arrivées, ne fût-ce que pour m’enlever de la pression, expliqua-t-il après sa victoire en Australie en 1999. Lorsque vous combinez ces choses, vous avez l’impression de pouvoir sauter par-dessus le mur de Chine sans aucune difficulté.”
Le retentissement est tellement grand que même le président russe, Boris Eltsine, passionné par la petite balle jaune et l’un de ses plus grands fans, lui envoie un message : “Pour la première fois en 122 ans de tennis, un joueur russe est devenu le meilleur joueur du monde. C’est un grand aboutissement pour notre sport”, se rengorgeait le passionné de la petite balle jaune.
Golf et poker
La couronne était-elle trop lourde à porter ? Toujours est-il que les résultats de Kafelnikov ne sont pas à la hauteur d’un numéro 1 mondial. Il ne le restera d’ailleurs pas longtemps. À peine six semaines. Mais le Russe, qui a remporté l’or aux Jeux olympiques de Sydney, a ouvert la voie à ses compatriotes Marat Safin et Daniil Medvedev. “Evgueni Kafelnikov est le gars qui m’a vraiment fait comprendre qu’il était possible de devenir un joueur de tennis incroyable, reconnaissait Safin, devenu n°1 mondial en 2000. Aucun Russe n’avait réussi auparavant, donc grâce à lui, je savais que j’avais une chance.”
Et à 29 ans, en 2003, Kafelnikov a mis un terme à sa carrière, après avoir remporté le Saladier d’Argent, se tournant ensuite vers le golf et le poker. “J’ai commencé à perdre face à des joueurs qui auraient du mal à gagner un match contre moi quand j’étais au meilleur de ma forme, avoue-t-il. C’est à ce moment que j’ai décidé d’arrêter.”