Youri Tielemans, le patient anglais
Ce samedi, avec Leicester, Youri Tielemans va défier Manchester United pour la première fois en Premier League. Le Diable rouge aurait pu devenir Red Devil, mais il ne veut pas brûler les étapes.
- Publié le 13-09-2019 à 18h18
- Mis à jour le 14-09-2019 à 10h02
Ce samedi, avec Leicester, Youri Tielemans va défier Manchester United pour la première fois en Premier League. Le Diable rouge aurait pu devenir Red Devil, mais il ne veut pas brûler les étapes. Pour la première fois de sa carrière en Premier League, Youri Tielemans va défier Manchester United, qui plus est dans son antre. Le médian des Diables, arrivé en fin de mercato d’hiver 2019 au King Power Stadium, n’avaient pas joué les Red Devils la saison dernière. La dernière et unique fois où Tielemans a foulé la pelouse d’Old Trafford, c’était lors d’un quart de finale retour mémorable de l’Europa League, le 20 avril 2017, quand Anderlecht avait contraint les Mancuniens à jouer les prolongations pour filer en demi-finales et finalement remporter cette C3.
Le Bruxellois avait brillé cette saison-là, sur la scène continentale et en championnat. Et fut donc logiquement le gros coup du mercato 2017 de la Jupiler Pro League. Un transfert à 26,2 millions d’euros, un contrat de 5 ans assortis d’un salaire mensuel de 125 000 euros nets, hors primes : Tielemans devait devenir l’une des pierres angulaires du nouveau Monaco.
Mais le club monégasque avait, cet été-là, aussi et surtout vendu. Pour 362 millions. Exit les Mbappé, Mendy, Silva, Bakayoko et consorts, princes du titre de champion de France conquis quelques semaines plus tôt, performance agrémentée d’une demi-finale de Ligue des champions. L’ASM avait réalisé alors un fantastique retour sur investissement, de plus 600 % rien que sur les quatre joueurs précités. Et la tendance se poursuivit au mercato estival suivant, quand Lemar et Fabinho quittèrent eux aussi le Rocher. En un an, Monaco avait vendu pour plus d’un demi-milliard ! Un renflouement financier extraordinaire, mais un naufrage sportif, au final.
Tielemans était trop jeune pour endosser le rôle de capitaine d’un navire à la dérive. Après une première saison honorable (Monaco termina deuxième de la Ligue 1 en 2018, et Youri disputa 27 matchs dont 18 comme titulaire), il assista, impuissant, au calvaire monégasque la saison dernière, obligé de lutter pour rester en D1. Et le Bruxellois fut tout heureux d’attraper la bouée de sauvetage lancée par Leicester en fin de mercato d’hiver, pour partir sous des cieux plus cléments, au niveau footballistique s’entend. Tielemans, qui avait été titularisé lors de 20 des 22 matches de l’ASM avant son départ, s’imposa immédiatement dans l’entrejeu des Foxes. Claude Puel lui fit confiance, et Brendan Rodgers tomba sous son charme quand il remplaça le Français. Au point de faire le forcing auprès de ses dirigeants cet été pour transformer le prêt en achat. Leicester n’a pas hésité à dépenser 45 millions d’euros pour acquérir le médian des Diables, faisant de lui le 4e Belge les plus cher de tous les temps, derrière Eden Hazard, Romelu Lukaku et Kevin De Bruyne.
Appelé à devenir le patron des Foxes, Tielemans sait que cette saison doit le confirmer dans son nouveau statut. Avant, sans doute, de tenter un nouveau challenge, en passant un nouveau cap, sous le maillot d’une équipe du top. L’été prochain ou plus tard. Mais, pour lui, le moment n’était pas encore venu. C’est pourquoi, cet été, il préféra la proposition de Leicester à d’autres, plus huppées, dont celle de… MU. Partie remise ?
Car Manchester United semble avoir fait de Leicester son nouveau fournisseur officiel : après avoir déboursé 80 millions d’euros pour faire d’Harry Maguire le défenseur le plus cher de l’histoire, les Red Devils loucheraient sur James Maddison, le comparse de Tielemans au milieu de terrain chez les Foxes. Et ils pourraient passer à l’offensive pour l’international anglais de 22 ans (7 buts et 7 passes décisives la saison dernière) dès cet hiver.
Tielemans a donc aussi été courtisé par ManU, cet été, comme il le fut, plus jeune, à Anderlecht : il figurait dans la liste des pistes à explorer pour Ole-Gunnar Solskjaer. Mais il a jugé que Leicester était, pour sa "jeune carrière", la meilleure option actuelle : il avait aimé son prêt chez les Foxes, et l’inverse était tout aussi vrai.
À 22 ans, le Bruxellois sait qu’il a encore tout le temps pour franchir un nouveau palier, en s’installant définitivement comme une valeur sûre de la Premier League et des Diables rouges. Il a raison : à son âge, Kevin De Bruyne ne s’était pas encore imposé dans le championnat anglais, et Axel Witsel jouait toujours au Standard…
"Youri peut aller beaucoup plus loin encore"
Mohamed Ouahbi a façonné le jeune Tielemans, en équipes de jeunes à Anderlecht.
Mohamed Ouahbi, actuel formateur des U18 du Sporting d’Anderlecht, a bien connu Youri Tielemans. Il l’a formé à Neerpede, et entretient toujours une forte relation avec le jeune Diable. Il évoque le parcours et l’évolution du médian belge de Leicester.
Mohamed, vous avez formé Youri Tielemans pendant de longues années…
"Je l’ai entraîné chez les U14, U15, U17 et en équipe première lorsque j’étais assistant au coach. On peut dire que j’étais présent à ses tout débuts à Anderlecht."
Quelle relation entreteniez-vous avec Youri Tielemans à l’époque ?
"Il y avait évidemment la relation classique d’entraîneur à joueur mais ce n’était pas que cela. Lorsqu’on entraîne les catégories plus jeunes, il y a aussi un côté paternel et fraternel. Avec Youri, on était encore plus proche car c’était un maillon très important de mon équipe. Il a commencé à jouer à Anderlecht à l’âge de cinq ans donc il connaissait bien tous les formateurs."
Pouvez-vous nous décrire son profil chez les jeunes ?
"C’était clairement le leader de l’équipe. On a rapidement su qu’il fallait lui donner le brassard de capitaine car il était très impliqué dans le club. Il montrait l’exemple, il haussait le ton dans les vestiaires quand il le fallait et il encourageait énormément ses équipiers. Il prenait ce rôle très au sérieux. C’était déjà quelqu’un de très mature et équilibré."
Chez les jeunes, il évoluait en milieu offensif mais aujourd’hui, il a le rôle de milieu récupérateur. Comment expliquez-vous ce changement ?
"Nous (le staff) sommes directement partis du principe que, faisant partie des meilleurs joueurs de l’équipe, Youri devait se positionner en tant que numéro 10. À ce poste, il apportait énormément offensivement. À son âge, il n’aurait pas eu autant d’impact dans le jeu si on l’avait obligé à endosser le rôle de milieu récupérateur. Mais on savait que plus tard dans sa carrière, il allait descendre d’un cran et se retrouver à la position qu’il occupe actuellement. Déjà en U17, dans certains tournois internationaux quand nous menions, on le faisait glisser en milieu récupérateur, pour qu’il s’adapte déjà à ce style de jeu et apprenne."
Pensez-vous que sa formation à un poste plus offensif apporte quelque chose à son style de jeu actuel ?
"Oui, certainement. Cela a fait de lui un milieu polyvalent capable de s’adapter au style de jeu de l’équipe avec laquelle il joue. "
Vous parliez du rôle de leader de Youri Tielemans. Un rôle qu’il avait à Monaco quand Thierry Henry était l’entraîneur. Il portait le brassard de capitaine. Pensez-vous qu’il peut aussi devenir un meneur à Leicester ?
"Oui, bien sûr. Je ne sais pas s’il deviendra un jour le capitaine de l’équipe car en Angleterre, c’est différent. Le brassard est avant tout une histoire d’ancienneté dans le club, et de tradition. Mais je suis certain qu’il s’investit déjà dans le vestiaire et qu’il assume son rôle de leader."
Où pensez-vous qu’il sera dans 5 ans, lorsqu’il sera en pleine maturité, à 27 ans ?
"C’est quelqu’un de très réfléchi. Déjà lorsqu’il était à Monaco, Youri a reçu des offres de grands clubs comme Manchester United ou Tottenham. Mais il a préféré aller à un endroit où il s’était senti bien. Après 6 mois en prêt à Leicester, c’était là qu’il voulait continuer sa carrière. Mais croyez-moi, il peut aller beaucoup plus loin encore. Ça, je vous l’assure."