"La feinte de corps de Romelu Lukaku, c’est le geste du Mondial"
Notre consultant et entraineur du Sporting Charleroi Felice Mazzù évoque la remontada des Diables face au Japon!
- Publié le 03-07-2018 à 18h44
- Mis à jour le 04-07-2018 à 12h45
Notre consultant et entraineur du Sporting Charleroi Felice Mazzù évoque la remontada des Diables face au Japon!
Le match analysé en 9 points:
1. Le plan du Japon était presque parfait
"Le Japon a superbement respecté le plan de jeu qui avait été mis en place par son sélectionneur, Akira Nishino. L’objectif était d’empêcher les Belges de sortir de défense et cela a fonctionné. Le pressing s’effectuait en 4-4-2 et les deux attaquants japonais venaient presser les trois défenseurs belges. Cela a obligé la Belgique à jouer par les flancs. Mais les Diables manquaient de mouvement sur les côtés. Que ce soit Mertens, Meunier, Carrasco ou Hazard, chacun jouait dans sa zone. Alors qu’à l’inverse, du côté japonais, les deux arrières latéraux ont apporté énormément grâce à leurs mouvements et leurs rotations."
2. La Belgique a joué trop bas pendant 60 minutes
"Après le premier quart d’heure, le Japon a un peu modifié son pressing en décidant de placer deux joueurs dans la zone de De Bruyne et Witsel, ce qui libérait nos défenseurs centraux. Mais De Bruyne et Witsel jouaient beaucoup en décrochage et cela faisait à chaque fois cinq joueurs belges dans leur camp pour venir demander le ballon, très bas. Le Japon se retrouvait en supériorité numérique dans l’entrejeu et l’espace autour de Mertens et Hazard était bien cadenassé. Ce qui empêchait la Belgique de développer son jeu."
3. Le premier but japonais a mis en évidence les faiblesses d’une défense à trois
"Dans un système comme celui de la Belgique, le moment où l’équipe est la plus vulnérable, c’est lors des reconversions offensives. Car les deux flancs jouent très haut et il ne reste que les trois défenseurs pour défendre en cas de contre-attaque. Kompany, Alderweireld et Vertonghen ont tous les trois des profils d’arrières centraux et l’espace se situait sur les côtés. C’est comme ça que le Japon a fait mal à la Belgique. Le Japon avait une idée en tête : faire sortir Meunier et Carrasco puis tenter de profiter des espaces en contre-attaque. Cela a fonctionné sur le 0-1."
4. Sur le second but, personne ne sort sur le tireur
"Sur le 0-2, la défense belge est positionnée à cinq derrière, avec Witsel et De Bruyne qui sont très bas. Mais dans la zone de ces cinq défenseurs, il n’y a qu’un seul joueur japonais, du côté de Carrasco. Et lors du rebond après la tête de Kompany (qui ne doit idéalement pas relancer dans l’axe après avoir gagné son duel), le Japon se retrouve en supériorité numérique dans la ligne médiane et aucun des cinq défenseurs belges ne sort pour empêcher la frappe. Au moment du tir, on voit par exemple que De Bruyne marche à côté du frappeur."
5. Martinez a gardé la même ligne de conduite, sans paniquer
"Le calme de Martinez à 0-2, je peux le comprendre. Il y a deux manières de réagir dans cette situation. Soit on devient fou et on s’excite, en faisant rapidement des changements pour donner une image de révolte à son groupe, à la Diego Simeone, soit on reste calme, comme Roberto Martinez. Son attitude correspond bien au personnage, calme et posé. Il a gardé sa ligne de conduite. Il a fait le vide et a pris le temps de bien réfléchir et d’effectuer des changements qui n’étaient pas spécialement prévisibles car le nom de Batshuayi était par exemple sur toutes les lèvres. La montée au jeu de Fellaini a permis de gagner des ballons dans le rectangle, grâce à sa taille, face à une équipe japonaise relativement petite. Et l’entrée de Chadli a offert plus de possibilités de débordements, de verticalité et de centres. Et c’est comme ça que la Belgique a marqué le 2-2 avec, cette fois, du mouvement et des permutations sur les flancs puisque c’est Hazard qui se retrouve à l’assist."
6. Le Japon a manqué de maturité à la 93e minute
"Ce corner japonais dans les arrêts de jeu, c’est la plus grosse erreur du match. À 2-2, la Belgique avait pris le dessus psychologiquement et pour les Japonais, il fallait tout faire pour aller aux prolongations, plutôt que d’essayer de marquer le 3-2. Surtout sur corner. Ce n’est pas le domaine des Japonais, qui ont essayé de forcer les choses au lieu d’attendre calmement que l’arbitre siffle. Résultat : Courtois a facilement cueilli le ballon avant de lancer la reconversion rapide qui a amené le but. Cette erreur des Japonais me rappelle un peu celle de David Ginola lors de France-Bulgarie en 1993."
7. Ce que fait Lukaku sur le 3-2 est exceptionnel
"Sur le troisième but belge, j’ai été frappé par la solidarité et la collectivité de Lukaku. C’est un attaquant, un buteur, qui se bat avec Harry Kane pour le titre de meilleur buteur du Mondial. Il aurait pu être le héros du match en marquant lui-même le 3-2. Mais il a laissé passer le ballon grâce à une feinte de corps en sachant que Chadli était dans son dos. Réaliser ce geste à ce moment aussi sensible, avec toute l’euphorie et l’excitation qui va avec, c’est, selon moi, le geste du Mondial. Et cela prouve toutes les qualités collectives du joueur."
8. Ce match peut être fondateur
"Je pense que si on avait battu le Japon 3-0, on aurait eu beaucoup de soucis face au Brésil. Le match aurait même été perdu d’avance. Mais vu le scénario de ce huitième de finale, la donne a changé. Les joueurs sont restés concentrés à 100 % et ils ont senti qu’ils pouvaient se faire éliminer par le Japon. Ils savent aussi, désormais, qu’ils ont un pouvoir de réaction extraordinaire, ce qui est une nouvelle arme. Jusqu’à lundi, la Belgique était une belle nation à voir jouer, qui avait la possession du ballon et des qualités individuelles et collectives. Mais elle n’avait jamais été mise en difficulté. Désormais, les joueurs savent qu’ils peuvent être mis en difficulté par tout le monde mais aussi qu’ils ont les capacités de renverser une situation de mort-vivant."
9. Changer de dispositif pour le match du Brésil, ce serait prendre un risque
"Selon moi, le dispositif utilisé depuis deux ans est celui que les joueurs connaissent le mieux. C’est grâce à celui-là que la Belgique est en quart de finale de la Coupe du Monde. Faut-il tenter un coup de poker en jouant autrement face au Brésil, avec une défense à quatre par exemple ? Bien sûr, les joueurs connaissent cette solution et y sont préparés. Mais on peut aussi garder le même système en modifiant l’animation et éventuellement l’un ou l’autre joueur. Pour moi, et ce n’est que mon avis, ce serait prendre un risque de changer de dispositif maintenant."