Mensonges, tricheries et racisme : l’ex-président de la Fédération Paul Van den Bulck se défend : “Ce qui me dégoûte dans le foot : ils osent tout”
Paul Van den Bulck s’exprime enfin, presque un an après sa démission de l’Union belge.
- Publié le 02-05-2024 à 06h37
Il avait tout pour devenir le “Vincent Kompany” de la Fédération belge de football, Paul Van den Bulck (59 ans). Originaire du Congo (il vit en Belgique depuis ses deux ans), parfait multilingue et doté d’une intelligence supérieure, il semblait avoir le profil idéal pour devenir le premier président indépendant de l’Union belge, une nouveauté depuis l’opération “Mains propres”.
Mais à peine onze mois après sa désignation, il a démissionné à la suite d’une vague de reproches et d’attaques à son adresse. Presque un an plus tard, l’avocat au Barreau de Bruxelles et administrateur certifié auprès de Guberna (Institut des administrateurs de Guberna) estime qu’il est temps de redorer son blason. Il a invité la DH dans son bureau au 14e étage du Bastion Tower à Bruxelles, à la Porte de Namur. “Les accusations étaient totalement ridicules, insiste-t-il. Vous savez ce qui me dégoûte dans le foot ? Ils osent tout. On l’a vu dans le Footgate et à la Fifa. À l’Union belge, il y a des problèmes similaires à ceux qui étaient présents à la Fifa, mais évidemment les chiffres sont différents.”
Van den Bulck n’est pas sûr qu’il retournera un jour dans le football. “J’aime le sport et ses valeurs – le fair-play et l’intégrité – mais dès que je me suis rendu compte qu’on trichait du côté du contrôlé et du contrôleur, il valait mieux que je m’en aille. C’est comme au casino : quand vous vous rendez compte que le croupier et certains joueurs trichent, c’est mieux de se lever et de partir. Ou comme le disait l’ancien ministre Vanden Boeynants : 'Quand tous les dégoûtés seront partis, il ne restera que les dégoûtants'.” (Rires)
Il y a une montée très importante de l’extrême droite en Belgique. Il ne peut en être différemment à la Fédération.
Est-ce que la campagne anti-Van den Bulck était liée à ses origines africaines ? “Je n’aime jamais dire cela, parce que je ne veux pas passer pour une victime. Mais tout le monde sait que le football est gangrené par le racisme. Même Vinicius a craqué. Il n’y a pas de raisons de croire que ce qui se passe dans les tribunes ne se passe pas au plus haut niveau. Je pensais halluciner quand j’ai entendu certaines choses dans les couloirs de la Fédération. Je ne crois pas que le racisme soit cantonné juste chez les supporters. Si on élargit le débat : en Belgique, il y a une montée très importante de l’extrême droite. Il ne peut en être différemment à la Fédération.”
Mais nous étions venu au Bastion Tower pour confronter Van den Bulck avec les critiques parues dans les médias à la fin de son mandat. On en a trouvé dix, et il les a toutes réfutées.
1. Vous vouliez absolument la peau de l’ex-CEO Peter Bossaert, qui recevait un bonus de 100 000 € par an, et vous l’avez eue.
”Mais pas du tout ! Tout ce que j’ai fait, c’est demander un audit pour voir si le contrat de Peter Bossaert avait été conclu régulièrement. Le résultat de l’audit : Peter Bossaert était de mauvaise foi. Il devait savoir que ce qu’il faisait était irrégulier. C’est d’ailleurs l’ensemble du Comité d’administration qui a pris la décision de s’en séparer.”
2. Vous avez vu le président de la Fifa, Infantino, derrière le dos de tout le monde.
”Totalement faux. De un : les relations entre l’Union belge, l’UEFA, la Fifa et les autres Fédérations nationales font partie des compétences du président. De deux : avant d’aller à chaque rendez-vous, je me suis fait briefer par le Comité de direction. Et de trois : Infantino invite chaque nouveau président. J’ai donc fait un aller et retour en TGV au bureau de la Fifa à Paris.”
3. Vous avez tenté de rentrer dans le vestiaire des Diables après Croatie – Belgique au Qatar.
”Faux aussi ! Je suis descendu à l’étage des vestiaires – où se trouve d’ailleurs la sortie du stade pour les officiels – en suivant mon ex-CEO Peter Bossaert et j’ai réconforté les joueurs que j’ai rencontrés après l’élimination. Je n’ai jamais forcé la porte du vestiaire ! J’avais des contacts privés avec certains joueurs que j’appréciais, et vice versa. Chaque matin, au Qatar, je déjeunais à la même table que Roberto Martinez et Bossaert. Mais je n’ai jamais repris le rôle du coach !”
4. Vous avez gardé trop longtemps votre BMW série 5 sans le rapporter au Conseil d’administration.
”N’importe quoi. Suite à un contrat de sponsoring, conclu par le comité de direction bien avant que je ne devienne président, BMW donne un certain nombre de voitures à la Fédération. Le Comité de direction les attribue ensuite à différentes personnes, en l’occurrence au coach fédéral, aux membres du Comité de Direction et au président. Le sponsor préfère que les officiels arrivent sur le parking en BMW que dans une autre voiture. La même chose vaut pour les joueurs : dès qu’ils arrivent à Tubize, ils ne peuvent plus porter leurs marques personnelles, ils sont obligés d’avoir un sac Adidas, il est hors de question qu’ils aient un sac Louis Vuitton. En tant que président, on peut aussi refuser la voiture et demander le remboursement des frais. Moi, j’ai opté pour la voiture. Il n’y avait pas de secrets. Dire que je n’ai pas rendu la voiture, est donc totalement absurde.”
5. Vous avez fait un discours dénigrant et intimidant envers deux directeurs.
”Il s’agit de la responsable juridique (Pegie Leys) et du CEO ad interim (Manu Leroy). Via une fuite, je me suis rendu compte qu’en mon absence, ces deux directeurs avaient défendu lors d’une réunion irrégulière, avec seulement certains administrateurs, la thèse de la BMW. Or, un audit externe est arrivé à la conclusion que de mon côté, il n’y avait pas de faute puisque je n’ai jamais participé à aucune décision à cet égard. J’ai juste exigé que Pegie Leys transmette un document en sa possession au Conseil d’administration. Elle a refusé de le faire. Je lui ai simplement dit : ‘C’est moi qui convoque les Conseils d’administration. Ou est-ce que vous voulez prendre ma place ?’ C’est tout. C’est dénigrant, ça ?”
Je n'étais pas assez connaisseur de foot? Le président de la SNCB ne sait pas conduire un train non plus.
6. Vous n’étiez pas assez connaisseur de football pour être président.
”Les gens confondent la connaissance du terrain et la connaissance de la gouvernance. Vous pensez que Thibaut Georgin, président de la SNCB, sait comment on conduit un train ? Non ! Je me suis toujours interdit de donner une quelconque opinion sur un match des Diables. Non, je n’ai pas fait de foot en compétition, mais j’étais dans l’équipe nationale juniors de hockey sur gazon. Si je suis encore allé à des matchs de foot depuis ma démission, au mois de mai 2023 ? Ça m’arrive, oui, mais je ne suis pas supporter d’un club particulier. Et je ne dirai pas dans quel club je suis allé voir des matchs (Rires). Par contre, je n’ai plus assisté à des matchs des Diables. J’en ai regardé certains à la télé. Non, ce n’est pas pour éviter de rencontrer certaines personnes. Je crois qu’elles n’ont pas envie de me rencontrer, mais ce n’est pas mon problème.”
7. Sous votre règne, l’ambiance était toxique à la Fédération.
”À partir du moment où vous découvrez qu’il y a des malversations – en plus de son salaire annuel de 500 000 euros, Bossaert a touché quatre fois 100 000 euros de manière irrégulière et j’ai appris via une enquête de la chaîne BX1 qu’il aurait rentré des frais pour 650 000 euros en plus ou moins un an –, c’est normal qu’une enquête soit faite envers la directrice juridique (Leys) et l’ancien directeur financier (Tom Borgions). C’est donc normal que cela ait un impact sur l’ambiance.”
Moi, narcissique? Ce terme vient de la presse flamande, qui a été très dure avec moi.
8. Vous auriez un côté “harcelant” et “narcissique”.
”Pour être un harceleur, il faut un comportement répété. Il n’y a jamais eu de harcèlement ni d’intimidation de ma part. Mais en tant que président du Conseil d’administration, j’avais un devoir de contrôle. Tout ce que j’ai fait, c’est poser des questions. Et ce terme narcissique, il vient de la presse flamande, qui a été très dure avec moi. Mais il est basé sur rien. Je n’ai pas postulé pour rentrer à la Fédération. Un chasseur de têtes est venu me chercher. J’ai été élu à l’unanimité. Si j’avais été narcissique, je serais paru beaucoup plus souvent dans la presse.”
9. Vous aviez peur des médias et avez donc fui les journalistes.
”Mon ex-CEO Peter Bossaert trouvait qu’un président devait refuser des interviews et ne pouvait pas être trop présent dans la presse. Et le fait que je ne me sois pas exprimé pendant presque un an après ma démission ? Le comité de direction a affirmé qu’une plainte avait été déposée contre moi. J’ai donc dit que j’allais me défendre dans un débat public et transparent devant les autorités si une d’elles était saisie. Or, vérification faite par mes conseils plus ou moins six mois plus tard, il n’y a jamais eu de plainte ! C’est un 'hoax' !”
10. Vous vous mêliez de la gestion quotidienne alors que vous aviez une fonction protocolaire.
”Un président protocolaire, cela n’existe pas ! Un Conseil d’administration endosse toute la responsabilité pénale ou civile quand quelque chose va mal ! Et donc, il a une obligation de surveillance. C’est autre chose qu’une gestion journalière. Il est hors de question que je joue avec les règles de la gouvernance et que je doive vendre ma maison parce qu’il y a des gens qui ne respectent pas les règles.”