Eddy Merckx avant la Primavera: "Sept victoires en dix participations, c’est une belle moyenne, hein?"
Eddy Merckx a gagné sept fois à Sanremo, souvent en bâtissant ses succès au Poggio.
- Publié le 22-03-2019 à 06h45
- Mis à jour le 22-03-2019 à 08h10
Eddy Merckx a gagné sept fois à Sanremo, souvent en bâtissant ses succès au Poggio. Un an et demi après être devenu champion du monde chez les amateurs, à Sallanches, c’est sur la Via Roma de Sanremo qu’Eddy Merckx est entré par effraction dans l’histoire du sport en général et du cyclisme en particulier. Six autres succès dans la Primavera allaient suivre pour le Cannibale, dont on connaît l’aversion pour le terme de "loterie" à propos de Milan-Sanremo.
"Vous connaissez quelqu’un qui joue dix fois au Lotto et qui décroche sept fois le gros lot ? " a coutume de répéter le plus grand champion cycliste de l’Histoire. Sur la célèbre avenue de la cité ligure, Eddy Merckx s’est imposé de toutes les manières : au sprint (1966), en petit comité (1967 et 1975), en face à face (1976) ou en solitaire (1969, 1971 et 1972).
Merckx a gagné la Classicissima selon un modus operandi régulièrement différent, en attaquant avant, dessus ou au sommet du Poggio et même en revenant dans sa descente sur des échappés.
Pour aucun autre champion, les dix derniers kilomètres de la première grande classique de la saison ont aussi peu de secrets que pour le Bruxellois qui en a fait un terrain de chasse unique.
"Sept victoires en dix participations, c’est une belle moyenne, hein ? Ce n’est pas trop mal", nous disait-il il y a quelques jours encore, avant de révéler le secret de ses succès comme s’il n’y avait eu qu’à y penser. "Je m’entraînais tout simplement plus en hiver que les autres. J’avais peur de perdre ma condition, alors je restais en mouvement durant l’entre-saison. Je courais beaucoup de Six Jours, je faisais beaucoup de piste pour la vélocité, même encore en janvier et février, puis le Tour de Sardaigne et des courses en Italie avant Paris-Nice (NdlR : Merckx n’a couru qu’une seule fois Tirreno, en toute fin de carrière). La plupart de mes adversaires n’avaient pas autant de jours de course dans les jambes. Aujourd’hui, tout a changé, plus aucun concurrent n’est au départ à court d’entraînement, la saison est déjà vieille de deux mois pour beaucoup."
De ses sept succès, c’est le premier que le roi Eddy a gardé le plus en mémoire.
"Cela reste la plus belle de mes victoires à Sanremo" , admet-il. "C’était ma première course en Italie. À part la Flèche wallonne du printemps précédent où j’avais débuté chez les pros, c’était ma première classique et je gagnais. J’avais à peine 20 ans. Même Philipsen est plus vieux aujourd’hui. Dix jours plus tôt, j’avais été battu par Durante à l’arrivée de la première étape de Paris-Nice, à Auxerre. Là, j’ai pris ma revanche, je l’ai battu de peu. "
Car la principale difficulté de la Primavera reste sa longueur.
"Après 300 kilomètres, c’est surtout la fraîcheur qui compte" , poursuit Eddy Merckx. "Beaucoup de coureurs tiennent 200, 250 kilomètres. Là, il y en a encore 40 en plus. Aujourd’hui, c’est plus nerveux qu’à mon époque. Plus de coureurs peuvent gagner, la course est plus fermée. Ce qui a changé aussi, c’est que les sprinters passent beaucoup mieux le Poggio, ils grimpent mieux qu’à mon époque. Les gars sont plus en forme, il y a plus de courses avant Milan-Sanremo que de mon temps. "
Et donc de favoris…
"En ce début de saison, je trouve qu’il y a beaucoup de candidats, de nombreux coureurs marchent bien ", dit le plus grand champion de tous les temps. "Alaphilippe, Van Avermaet, Gilbert, beaucoup de sprinters, Viviani, Gaviria, Ewan, Bennett, Démare… Sagan aussi est revenu dans le coup… Les hommes de (Patrick) Lefevere seront ceux à battre avec plusieurs candidats. C’est un luxe et un avantage. Ils sont assez professionnels pour décider de la tactique. L’important, c’est qu’ils roulent ensemble et pas pour se faire perdre l’un l’autre."
Mais pour celui qui posa le plus souvent les jalons de ses sept futurs succès sur les pentes du Poggio, la célèbre colline qui surplombe Sanremo reste essentielle dans le déroulement et l’épilogue de la Primavera.
"On peut encore gagner en démarrant sur le Poggio" , dit-il. "Nibali l’a prouvé l’an dernier. Mais on peut faire aussi la décision dans la descente, c’est une question de fraîcheur. C’est une descente technique, où il faut relancer après chaque virage. Il faut prendre des risques, être un bon descendeur, ce que j’étais, c’est vrai. En plus, le matériel à notre époque était plus lourd, c’était mieux pour les descentes. Bien descendre, cela fait également partie du cyclisme."