Il y a 50 ans, Merckx gagnait son premier Giro
Il y a un demi-siècle, le Roi Eddy enlevait le premier de ses 5 Tours d’Italie victorieux.
- Publié le 04-05-2018 à 13h58
- Mis à jour le 04-05-2018 à 14h35
Il y a un demi-siècle, le Roi Eddy enlevait le premier de ses 5 Tours d’Italie victorieux. Le 51e Tour d’Italie s’élance de Campione d’Italia le 20 mai 1968. Felice Gimondi est le tenant du titre et Eddy Merckx un de ses rivaux les plus attendus. Dans les courses d’un jour, Merckx est déjà l’ogre qu’il sera bientôt aussi dans les tours.
À 22 ans seulement (il en aura 23 un mois plus tard), le Bruxellois a déjà conquis deux Milan-Sanremo, Gand-Wevelgem, la Flèche wallonne et surtout, au printemps, Paris-Roubaix avec, sur le dos, le maillot arc-en-ciel gagné l’année précédente.
Pourtant, ce printemps 1968 a été contrarié pour le Bruxellois, souffrant de douleurs au genou et à l’estomac. Outre la Reine des classiques, il gagne pourtant le Tour de Sardaigne puis celui de Romandie en prélude au Giro, offrant un beau succès à ses nouveaux patrons. Car l’hiver précédent, à la veille de sa conquête du titre mondial, le Belge a signé un contrat annuel de 400.000 francs belges (10.000 euros) avec la formation italienne Faema, à laquelle il sera fidèle trois saisons. L’année précédente, Merckx a débuté sur le Tour d’Italie, son premier grand tour. Il est même devenu, à 21 ans, le premier vainqueur belge à plus de 2.000 m d’altitude, au Block-Haus. Victime d’un refroidissement, il a pourtant faibli sur la fin du Giro, où il s’est classé 9e.
Douze mois plus tard, il revient au Tour d’Italie avec toute sa fougue et dès le deuxième jour, il s’impose en échappant au peloton dans les derniers kilomètres et revêt le premier des 78 maillots roses qu’il portera. Ses ardeurs freinées tant bien que mal par son équipier et capitaine de route Vittorio Adorni, de huit ans son aîné et lui-même lauréat du Giro trois ans plus tôt, le Belge abandonne le maillot rose à Michele Dancelli dès la 4e étape. Il ne le retrouvera que huit jours plus tard, après son exploit, devenu légendaire, au Tre Cime di Lavaredo.
Même s’il s’y imposera avec 5 minutes d’avance sur son équipier Adorni et près du double sur Gimondi, ce Giro 1968 ne fut pas nécessairement de tout repos pour Merckx.
"La veille de mon succès à Brescia (NdlR : dans la 8e étape), j’avais eu une poussée de fièvre, à plus de 38, après un refroidissement", se rappelle-t-il. "Toute la nuit, j’avais transpiré et Adorni avait même été placé dans une autre chambre. Mais dès le lendemain, j’allais mieux."
À Naples, où finit la course au maillot rose cette année-là, Eddy Merckx cumule tous les honneurs. Il devient le premier Belge lauréat du Giro, le premier aussi à gagner un grand tour depuis Sylvère Maes en 1939 au Tour. En plus du général, il s’impose également aux classements de la montagne et par points. Avec ses partenaires de Faema, dont Guido Reybroeck, vainqueur de la dernière étape et de deux autres, il enlève aussi le classement par équipes.
C’est en montagne qu’Eddy Merckx a conquis la première de ses cinq victoires au Giro, bien plus que dans les chronos où, à l’époque, Felice Gimondi lui était encore supérieur, mais plus pour très longtemps. Ses énormes qualités de grimpeur, le champion du monde en fera encore l’étalage en Italie l’année suivante, avant son exclusion (voir ci-contre) puis lors de son premier Tour de France.
Deux mois plus tard , il sera victime d’une très lourde chute lors d’un critérium derrière moto, sur la piste de Blois, durant laquelle son entraîneur sera tué. Touché sérieusement au dos, Eddy Merckx souffrira souvent de blocages de la jambe gauche, sa "petite jambe", comme aimait à l’appeler ensuite Gust Naesens, un de ses soigneurs.
Il ne sera plus jamais le même dans les cols et même s’il eut encore des éclats et de belles réussites en montagne, à partir de 1970, il y joua surtout "sur la défensive".
L’exploit des Tre Cime di Lavaredo
Dans des conditions hivernales, Merckx a réussi une performance exceptionnelle sur les douze kilomètres d’ascension.
"Je pense que j’ai réalisé la meilleure ascension de toute ma carrière ce jour-là !"
Eddy Merckx lui-même en est persuadé. C’est le 1er juin 1968, dans la 12e étape du 51e Giro, qu’il a sans doute été le plus exceptionnel en montagne. Le Belge ne portait pas le maillot rose ce jour-là, mais bien la tunique arc-en-ciel, conquise neuf mois plus tôt à Heerlen, aux Pays-Bas.
Michele Dancelli était le leader d’un Tour d’Italie dont Felice Gimondi, son vainqueur sortant, affirmait qu’il se traînait et qu’il fallait attaquer le Belge. Le Bergamasque allait être servi.
C’est une étape difficile, avec de nombreux cols, qui se termine à 2.320 mètres d’altitude, au sommet des Tre Cime di Lavaredo, dans le massif des Dolomites. Les conditions météorologiques sont mauvaises, elles vont devenir détestables sur la fin. D’emblée, treize hommes s’échappent et ils finissent par posséder dix minutes d’avance à une heure de l’arrivée. On ne voit pas comment la victoire pourrait échapper à un des fuyards, dont les meilleurs possèdent encore neuf minutes d’avance à neuf kilomètres de l’arrivée. La neige fondante a alors pris le relais de la pluie glaciale.
Merckx se sent fort, très fort, et, en accélérant en puissance, il lâche tous ses rivaux dont le malheureux Gimondi.
L’un après l’autre, il rejoint et laisse sur place les dix coureurs rescapés de l’échappée matinale et le dernier d’entre eux, Giancarlo Polidori, repris après la flamme rouge, va concéder 40 secondes, une quinzaine de moins que le troisième de l’étape, Vittorio Adorni, équipier et désormais dauphin d’un Eddy Merckx qui revêt définitivement le maillot rose pour ne plus le céder.
Parvenu à l’arrivée complètement transi, plus de six minutes après le vainqueur, Felice Gimondi éclate en sanglots. Pour lui, le Giro est perdu.
Volé à Savone
Merckx a été piégé lors du Giro 1969, alors que la victoire lui tendait les bras
Un an après sa première victoire, Merckx s’aligne au départ du Giro 1969 pour satisfaire les patrons italiens de la Faema. Lui aurait préféré s’économiser, car le Belge doit découvrir le Tour de France quelques semaines plus tard.
Au printemps, il a enlevé Milan-Sanremo pour la troisième fois, puis il a conquis un premier succès au Tour des Flandres (après une chevauchée solitaire sous la pluie de 70 km) et un autre à Liège-Bastogne-Liège où seul son équipier Vic Van Schil a pu l’accompagner. Comme au Ronde, Merckx a relégué dans la Doyenne ses plus proches adversaires à de nombreuses minutes. En Italie, le Bruxellois remporte quatre étapes et s’empare très vite du maillot rose, qu’il cède un moment à Silvano Schiavon, pour mieux le reprendre.
À une semaine de l’arrivée à Milan, au soir de la 15e étape, un chrono en côte qu’il a largement dominé à San Marin, le Bruxellois possède près de deux minutes d’avantage sur Felice Gimondi. On ne voit plus qui pourrait le battre.
Survient alors l’affaire de Savone, on devrait dire le vol de Savone. Après la journée de repos, Merckx se classe 36e d’une étape de plaine gagnée par Ballini. Le lendemain matin, c’est la stupeur dans la caravane. Eddy Merckx est déclaré positif à l’issue du contrôle subi la veille, après huit autres négatifs. Sur ce Giro, un laboratoire mobile effectue en effet les examens après chaque étape, dans des conditions douteuses et sans respect du règlement.
Merckx, effondré, a beau jurer de son innocence, il est renvoyé comme un malpropre et Gimondi s’impose… Or, le Bruxellois sera finalement acquitté au bénéfice du doute.
On le saura plus tard, deux jours avant ce contrôle, Merckx a reçu dans sa chambre d’hôtel la visite d’un coureur qui lui a amené une valise bourrée de billets pour qu’il laisse gagner Gimondi. Il ne citera jamais son nom mais il s’agit plus que vraisemblablement de Rudi Altig, équipier allemand de l’Italien…