La blessure n’est pas une fatalité pour le coureur à pied
Quelles sont les blessures les plus fréquentes ? Peut-on les éviter ? Et comment les soigner ? On vous livre ici quelques éléments de réponse pour tenter de vivre une saison sans bobo.
- Publié le 19-03-2019 à 17h00
- Mis à jour le 14-12-2020 à 14h53
Quelles sont les blessures les plus fréquentes ? Peut-on les éviter ? Et comment les soigner ? On vous livre ici quelques éléments de réponse pour tenter de vivre une saison sans bobo.
Avec le retour du printemps, nous sommes nombreux à avoir ressorti notre paire de running pour une séance de course à pied en plein air. Si chacun a sa propre motivation, c’est avant tout pour être en bonne santé, pour améliorer notre condition physique ou pour perdre du poids que nous enfilons nos chaussures. Ce sont en tout cas les motivations prioritaires avancées par les Français lors d’une enquête menée en 2013 par la Fédération Française d’Athlétisme et SportLab. Nous sommes donc conscients des bienfaits de la course à pied sur notre état de santé général et cela contribue à faire de ce sport l’un des plus populaires au monde.
Toutefois, quelle que soit la motivation qui nous pousse à courir, nous avons presque tous déjà subi une blessure, plus ou moins invalidante, due à notre pratique. Aux États-Unis, 3 coureurs sur 4 ont ainsi déclaré avoir eu une blessure liée à la course en 2017, ce qui a forcé 50 % des coureurs à arrêter l’entraînement plus de 4 jours. Alors que nous courons après un bien-être physique et mental, c’est un peu paradoxal ! Pas surprenant dès lors que les blessures soient un sujet de discussion récurrent chez les coureurs… qui souhaiteraient éviter ces contretemps.
Rassurons-nous, la plupart des blessures se soignent facilement et, avec un bon programme de prévention, il est possible de réduire significativement le risque d’en souffrir. C’est ce que nous allons découvrir ensemble. Mais avant de poursuivre, quelles sont ces blessures qui nous guettent et quelles en sont les causes ?
Le genou en tête d’affiche
Chez le coureur, le genou est sans contestation possible la région la plus touchée par les blessures, suivi à bonne distance par la jambe et le pied. Vous avez ainsi peut-être déjà souffert des syndromes fémoropatellaire ou de l’essuie-glace, de périostite tibiale ou de tendinopathies achilléennes, de fasciapathies plantaires ou encore de fractures de stress au métatarse (cf. encadré). Par contre, les blessures au dos, à la hanche et à la cheville sont nettement moins fréquentes, à l’exception de l’entorse de cheville qui touche davantage le traileur. Hormis cette dernière, le coureur de moyenne et longue distance subit en fait principalement des blessures dites "de surutilisation". Le tableau dressé serait différent pour un sprinteur dont les puissantes contractions lui occasionnent davantage de lésions musculaires au niveau des muscles de la cuisse notamment.
Mais revenons-en à notre coureur d’endurance. Pourquoi sommes-nous touchés par toutes ces blessures que nous venons d’évoquer ? La réponse n’est pas simple ! C’est que la problématique est complexe et il est risqué de définir les facteurs de risque à partir d’observations cliniques. Or, c’est souvent de cette manière que sont réalisées les études scientifiques.
Prenons un exemple pour mieux comprendre. Si on observe, comme c’est souvent le cas, une faiblesse au niveau des muscles fessiers chez les coureurs atteints du syndrome fémoropatellaire, nous serions tentés d’affirmer qu’une faiblesse des fessiers augmente le risque de souffrir de ce syndrome. Mais nous pourrions également supposer, à l’inverse, que le syndrome fémoropatellaire engendre cette faiblesse musculaire ! C’est un peu l’histoire de l’œuf ou de la poule. On ne sait pas qui est arrivé en premier. Et, en plus de cela, pour chaque observation, il existe de nombreux facteurs confondants (âge, poids, état de santé général,…).
Néanmoins, certaines tendances semblent se dégager. Par exemple, les "attaqueurs talon" (plus de 90 % des coureurs) ont davantage de blessures au niveau du genou, alors que les coureurs médio- ou avant-pied développent plutôt des pathologies de la jambe "postérieure", c’est-à-dire au niveau du mollet ou du tendon d’Achille. Les blessures aux pieds, comme les fractures de fatigue au métatarse et les fasciapathies plantaires, sont aussi plus fréquentes chez les coureurs médio- ou avant-pied. Notre façon de courir a donc une influence sur nos blessures, mais ce n’est pas pour autant l’élément déclencheur. Dans la grande majorité des cas, les blessures apparaissent suite à des changements trop rapides dans notre entraînement : une soudaine variation du volume d’entraînement, une augmentation de la vitesse de course, un passage sans transition de la route au sentier ou encore le port de nouvelles chaussures. Dans ces cas de figure, comme dans celui du coureur novice, il se pourrait tout simplement que nos différentes structures ne soient pas suffisamment préparées à l’effort à venir. Plus suffisamment devrait-on dire !
Nous sommes faits pour courir
Pour mieux comprendre les blessures du coureur moderne, reprenons l’Histoire depuis le début. Lorsque le singe s’est progressivement redressé pour dessiner les contours de l’Homme que nous sommes aujourd’hui, il s’est également transformé en "coureur". La cage thoracique s’est développée pour améliorer la capacité pulmonaire, les orteils sont devenus plus courts pour éviter les fractures, la voûte plantaire s’est accrue pour amortir les chocs, la peau est devenue "respirante" pour évacuer la chaleur, etc., etc. Si l’Homme n’est de toute évidence pas le plus rapide des animaux, ces caractéristiques en ont fait le plus endurant. Et pour l’anthropologue Daniel Lieberman, aucun doute n’est donc possible : nous sommes faits pour courir.
Vous avez d’ailleurs peut-être déjà entendu parler d’un peuple mexicain (les Tarahumaras) capable de parcourir une centaine de kilomètres chaque jour sans pour autant trop se fatiguer, ni même se blesser. Accompagnez-les quelques jours et vous finirez à coup sûr en boitant. Ne serions-nous pas tous égaux face aux blessures ? Et si on vous répondait que tout (ou presque) était une question d’adaptation ou de… désadaptation !
Allez, on s’adapte !
Le corps humain est constitué de nombreux tissus, dont le tissu conjonctif et de soutien (cartilages, os, ligaments, tendons,…) et le tissu musculaire. Aujourd’hui, notre mode de vie plus sédentaire a diminué les sollicitations "mécaniques" de notre organisme. En d’autres termes plus scientifiques, le stress sur les tissus est insuffisant, ce qui pourrait conduire à un déconditionnement de ces mêmes tissus, devenus alors plus fragiles. Or, quand on court, le corps est soumis à des forces qui équivalent 2 à 3 fois le poids du corps lors de chaque pas. Pour une heure de jogging à 170 pas par minute, la charge cumulée pour chaque jambe dépassera largement 10.000 fois le poids du corps. Le modèle développé par la Clinique du Coureur au Québec nous permet de comprendre les implications d’une telle sollicitation. En bref, si on est habitué à une telle sollicitation, tout devrait se passer au mieux. Par contre, si le stress appliqué sur les tissus dépasse leur capacité d’adaptation, la douleur risque d’apparaître : c’est un message d’alerte. Et en termes d’adaptation, tous les tissus ne sont pas égaux. Faiblement irrigués, les ligaments, les tendons et le cartilage sont particulièrement à risque car ils s’adaptent plus lentement que les muscles à une augmentation du stress mécanique. Plus vulnérables, ils pourraient ne pas apprécier un changement trop rapide dans votre entraînement (volume modifié, intensité augmentée, changement de surface, nouvelles chaussures,…) et ne pas supporter un nouveau stress appliqué lors de la récupération.
En cas de pépin, levez le pied
Si, malgré toutes les précautions prises, la douleur se manifeste pendant l’entraînement, il se peut que ce ne soit pas si grave. Une légère douleur peut faire partie du processus d’adaptation et la plupart des blessures guérissent rapidement. Il vous faudra peut-être simplement alléger momentanément la charge de votre entraînement. Soyez cependant prudent si la douleur est intense et davantage encore si elle persiste au repos. Il sera dans ce cas nécessaire de consulter un professionnel de la santé et d’appliquer les soins adaptés (cf. encadré). Notons que dans la majeure partie des cas, l’application de glace en aigu est recommandée alors que les anti-inflammatoires ne doivent être prescrits qu’en dernier recours. Quoi qu’il en soit, rassurez-vous ! Même une blessure avérée ne vous empêchera pas nécessairement de continuer un léger entraînement en parallèle. En effet, le repos complet n’est pas toujours indiqué. Que du contraire ! Il pourrait entraîner un déconditionnement de vos tissus et vous amener vers d’autres blessures à la reprise de votre activité, d’autant plus si celle-ci ne se fait pas de manière progressive. Nous vous le disions : tout (ou presque) est une question d’adaptation ou de… désadaptation.
Mieux vaut prévenir que guérir
Pour prévenir l’apparition des blessures dues à une sur-sollicitation, il convient, vous l’aurez deviné, de doser la progression du stress appliqué sur les tissus. S’il ne devrait jamais dépasser leur capacité maximale d’adaptation, le stress appliqué sur les structures biologiques doit toutefois être suffisant et fréquent pour créer une adaptation afin d’entretenir ou de renforcer ces structures. Ainsi, si vous augmentez lentement le volume ou l’intensité de l’entraînement, cela permettra à vos tissus de s’adapter et de progressivement tolérer un stress mécanique plus important. D’une semaine à l’autre, on peut estimer qu’il ne faudrait pas augmenter de plus de 10 % la charge d’entraînement. Respecter le principe de progressivité est de loin la règle la plus importante en matière de prévention. Elle s’applique à tous. Bien sûr, il se pourrait que même en respectant ce principe élémentaire, vous ne soyez pas totalement à l’abri d’une douleur invalidante. Dans certains cas, d’autres stratégies peuvent être mises en place pour diminuer le stress appliqué sur certains tissus (par exemple, augmenter la cadence ou favoriser une attaque médio-pied permet de diminuer le stress sur le genou) ou pour en augmenter la résistance (exercices de renforcement). Une analyse personnalisée de l’individu (façon de courir, souplesse, faiblesse musculaire et antécédents de blessures sportives) peut également aider le spécialiste à mieux cerner les facteurs à éventuellement corriger. Mais, à nouveau, même un "vice biomécanique" important peut ne pas engendrer de blessures si on y est parfaitement adapté.
Les blessures les plus fréquentes
- Flash sur les ampoules
Les ampoules constituent le pépin physique le plus observé chez les coureurs à pied. Plus fréquentes par temps humide et sur de longues distances, elles sont dues aux frottements de la peau sur le tissu de la chaussette. On parle de brûlure mécanique. Pour les éviter, il faut avant tout diminuer les frottements en portant des chaussettes adaptées et des chaussures assez larges (une pointure en plus que vos chaussures de ville). L’application de talc (pour assécher la peau), d’une crème lubrifiante (pour protéger des frottements) ou d’un pansement "double peau" peut aussi s’avérer utile.
- Syndrome fémoropatellaire
C’est la blessure la plus fréquente. Les coureurs qui en souffrent ressentent une douleur à l’avant du genou (précisément au niveau de la patella, mieux connue sous le nom de "rotule") généralement plus prononcée dans les escaliers, à genoux, en position accroupie ou assise prolongée. Des changements récents dans l’entraînement, non progressifs, en sont la cause principale (augmentation de la distance, de la vitesse, des pentes descendantes,…) et des forces d’impact élevées ou des particularités anatomiques peuvent accroître le risque. Le syndrome fémoropatellaire ne nécessite pas un arrêt complet de la pratique, mais il implique de diminuer la vitesse, d’éviter les descentes, de limiter la durée et de fractionner l’entraînement en périodes de marche et de course. Si une faible douleur est autorisée lors de la course, elle doit être résorbée dans les 60 minutes qui suivent l’activité. Si ce n’est pas le cas, il faut diminuer davantage encore la charge d’entraînement. Notons encore que les exercices de renforcement des muscles fessiers et quadriceps sont recommandés et qu’une augmentation de votre cadence de course (le nombre de pas par minute) peut agir positivement sur votre douleur en diminuant la force au niveau de l’articulation.
- Entorse de la cheville
L’entorse de cheville, les traileurs qui s’aventurent sur des chemins au sol irrégulier la redoutent. Avec la fatigue, la vigilance diminue et il n’est pas rare de faire un "faux" mouvement du pied qui va étirer excessivement les ligaments de la cheville, voire les rompre dans les cas les plus graves. Votre cheville va rapidement gonfler et il est important d’appliquer de la glace le plus vite possible. La reprise se fait en fonction de l’évolution des symptômes, dépendante de la gravité de l’entorse. Pour éviter la récidive, il est conseillé de réaliser des exercices de proprioception de la cheville, d’abord simples (en appui sur un pied) et ensuite plus compliqués (en appui sur un pied sur une surface instable avec les yeux fermés). Les tissus de soutien naturel de la cheville étant affaiblis chez l’Homme moderne souvent équipé de chaussures trop protectrices, ces exercices sont d’ailleurs conseillés à tous comme moyen de prévention.
- Fracture de fatigue au métatarse
Vous venez d’acheter une nouvelle paire de chaussures magnifiques, légères, minimalistes : vous vous sentez pousser des ailes. Et puis, brutalement, vous ressentez une douleur au toucher sur l’avant du pied et vous vous rendez compte que cette douleur augmente quand vous êtes en appui sur votre pied. Cette douleur sur l’avant du pied est assez invalidante et "mécanique" au bout de quelques jours. Vous souffrez alors peut-être d’une fracture de stress ou de fatigue au métatarse (les os de l’avant-pied). La cause ? Vos structures se sont désadaptées suite au port de chaussures amortissantes et, sans transition adéquate, vous n’avez pas laissé suffisamment de temps à ces petites structures osseuses pour se renforcer naturellement. Dans l’urgence, il vous faudra éviter tout ce qui provoque la douleur, utiliser des béquilles quelques jours et porter des chaussures plus épaisses. Lors de la reprise, pensez une fois encore à être progressif !
- Syndrome de l'essuie-glace
Très fréquent chez le marathonien, le syndrome de l’essuie-glace est dû aux frictions répétées d’un épaississement fibreux (la bandelette ilio-tibiale, d’où le nom scientifique de syndrome de la bandelette ilio-tibiale) sur une proéminence osseuse du fémur lors de chaque mouvement de flexion-extension du genou. Il se reconnaît par l’apparition de fortes douleurs au niveau de la face latérale du genou qui apparaissent progressivement lors de la course, mais qui peuvent encore se manifester lors d’une position assise prolongée. La cause est simple : vous en avez fait trop, trop vite et vous avez dépassé la capacité d’adaptation de votre bandelette. Il s’agira donc de reprendre l’entraînement en douceur en le fractionnant avec des minutes de marche fréquentes et en évitant les descentes qui augmentent la flexion du genou. Comme pour le syndrome fémoropatellaire, une augmentation de votre cadence de pas pourrait jouer un rôle bénéfique car elle diminue la flexion du genou et donc la friction de la bandelette. Pour que votre bandelette soit plus résistante, un renforcement des muscles fessiers peut être indiqué. Et pour ceux dont la bandelette présente une raideur excessive, qu’ils pensent à l’assouplir.
- Périostite tibiale
La périostite est une inflammation du périoste (sorte d’enveloppe osseuse) qui survient surtout chez ceux qui débutent la course à pied ou lors de la reprise après un break pour les coureurs plus expérimentés. La douleur, qui peut persister 3 à 4 jours après l’effort, est localisée à l’intérieur du tibia, au-dessus de la malléole interne de la cheville. Elle est causée généralement par des changements récents dans votre entraînement qui engendrent une tension excessive et répétée sur le périoste (comme, par exemple, une course davantage sur l’avant du pied). La douleur a tendance à réapparaitre avec la reprise de l’activité et, si vous négligez ces symptômes, l’indisponibilité pourrait être plus longue que prévue. Il vous faudra dans un premier temps prendre un peu de repos et appliquer de la glace. Ensuite, reprenez la course en réduisant le volume et en supprimant momentanément les exercices de vitesse et les côtes. Si la douleur persiste, un renforcement des mollets et éventuellement un assouplissement de ces derniers s’ils sont raides pourrait vous aider à reprendre plus rapidement votre sport favori.
- Tendinopathie achilléenne (tendinite d’Achille)
Au sommet de votre art, vous augmentez la vitesse de vos entraînements, le nombre de côtes et, pour être plus performant encore, vous avez décidé de courir davantage sur l’avant du pied. Et puis, votre tendon devient sensible au toucher, il est douloureux au réveil alors que l’inconfort est variable durant la course. Le verdict tombe : vous souffrez d’une tendinite au tendon d’Achille. En fait, sans le savoir, vous avez appliqué un stress trop important sur votre tendon et il vous le fait savoir. Vous pouvez continuer à courir (c’est même parfois recommandé), à condition que la douleur ne dépasse pas un score de 2 à 3 sur une échelle de 0 (aucune douleur) à 10 (douleur insupportable). Il est donc indispensable d’adapter la charge d’entraînement. Pour favoriser la réparation du tendon, il est vivement conseillé de le stimuler progressivement avec des exercices de renforcement des mollets en excentrique. Assouplissez éventuellement vos mollets s’ils sont raides, mais faites-le à distance des entraînements.
- Fasciapathie plantaire
Sous notre pied, un tissu élastique relativement épais (le fascia plantaire) relie notre talon à la base de nos orteils. Si vous courrez davantage sur la pointe des pieds ou sur piste, le stress appliqué sur le fascia peut devenir trop important et mener à un étirement excessif voire une rupture de celui-ci : c’est la fasciapathie plantaire, plus généralement appelée fasciite plantaire. La douleur apparaît souvent graduellement au niveau de l’arche du pied ou du talon et peut être assez intense au réveil, plus encore à la course. La fasciite plantaire est plus fréquente chez les coureurs de longue distance ou chez ceux qui portent des chaussures avec moins de support. En plus des conseils habituels destinés à adapter votre charge d’entrainement, il est recommandé d’appliquer de la glace et de porter momentanément des chaussures avec support d’arche pour soulager le fascia. D’autres interventions doivent être réalisées si la douleur persiste : renforcement quotidien, massage local, assouplissement des mollets dans certains cas…