Johan Museeuw: "Derrière Gilbert et Van Avermaet, les jeunes doivent percer"
Tout au long d’une saison que lance le Nieuwsblad en Belgique, Johan Museeuw va nous apporter son expertise.
- Publié le 02-03-2019 à 07h31
- Mis à jour le 02-03-2019 à 08h16
Tout au long d’une saison que lance le Nieuwsblad en Belgique, Johan Museeuw va nous apporter son expertise.
Comme tous les passionnés, Johan Museeuw trépigne. Entre la fin de la saison dernière et les débuts de celle-ci, le temps a paru se figer pour le Lion des Flandres que la perspective du Nieuwsblad, ce samedi, et de Kuurne-Bruxelles-Kuurne, dimanche, ravit.
Johan, vous serez tout au long de cette saison, notre consultant exclusif, quel regard portez-vous sur son démarrage ?
"Pour les Belges, la saison a bien commencé avec des succès. Pourtant, à part Philipsen, ceux qui ont gagné sont les mêmes que les dernières années, Van Avermaet, Wellens, Gilbert… Aussi Vanmarcke, qu’on attendait depuis longtemps. Cela démontre qu’on est toujours là même si Gilbert n’est plus jeune et Van Avermaet non plus."
Derrière eux, il y a des coureurs qui frappent à la porte, non ?
"J’espère que les autres, les Stuyven, Benoot, Lampaert ou Wellens et Teuns sur un autre parcours, vont bientôt percer. Wellens gagne beaucoup, c’est un vainqueur, mais il lui manque une grande victoire. Ce serait bien qu’il enlève un monument, Liège, l’Amstel, la Flèche, la Lombardie. Les autres classiques, ce sera dur pour lui. J’aime sa manière de courir, très offensive. C’est bien également pour l’équipe Lotto qui a beaucoup de jeunes. Depuis quelques années, il lui manque un vainqueur. Ils ont changé de mentalité, en engageant Caleb Ewan, ils ont compris que c’est important de gagner des courses."
Il n’y a pas que Tim Wellens.
"En effet, Lampaert annonce vouloir gagner cette année le Tour des Flandres ou Paris-Roubaix. C’est un énorme cran plus haut que Waregem ou le championnat de Belgique, mais Yves a prouvé qu’il était là dans la finale des classiques. Il doit être le leader de son équipe dans ces courses. Je pense qu’il en a les qualités mentales en tout cas. On l’a vu au National, il a saisi sa chance à deux mains. Pang ! C’est comme cela une carrière, il ne faut pas laisser filer les opportunités. Elles ne sont pas si nombreuses que cela, si vous les laissez passer, elles repassent rarement."
C’est ce qui manque à Jasper Stuyven ?
"Il peut aussi gagner de grandes courses, il en a les qualités. Stuyven est toujours présent, il est rapide, il est bon aussi dans les grands tours. L’an dernier, il est passé tout près d’une très belle victoire d’étape au Tour (NdlR : à Mende), mais il doit changer de mentalité, devenir un vainqueur, être plus méchant, plus ‘saligaud’. Déjà dans son équipe, où il doit penser plus à lui, avec John Degenkolb et maintenant Mads Pedersen. Il doit prendre le départ pour gagner et s’ils sont à deux ou trois dans la finale, tant mieux, ce n’est pas le problème, chez Mapei nous étions aussi plusieurs leaders à chaque fois. Cette année, Stuyven est dans la position d’un jeune qui doit gagner une grande course pour franchir un palier. Je crois qu’il y est prêt."
Vous diriez la même chose de Tiesj Benoot ?
"Il est plus jeune, mais ce qu’il a montré dans les Strade Bianche laisse penser qu’il va faire de très belles finales cette année. L’an passé, il était en forme trop tôt, il était au top en mars et un peu moins fort en avril. Il est capable d’exploit. Tiesj s’entraîne énormément, peut-être trop, je ne sais pas. Il y a des entraîneurs maintenant."
Qu’attendez-vous de Wout Van Aert ?
"Il va faire une bonne saison sur route. C’est un excellent cyclo-crossman, mais il sera meilleur sur la route. Il a commis une erreur en quittant l’équipe de Nuyens avec fracas. C’est une faute de son manager. Mentalement, c’était compliqué pour lui cet hiver, avec les avocats, les recommandés, ça l’a rendu nerveux, ça a dû peser sur lui. Wout et Van der Poel sont de très grands talents. Il n’y a pas eu de suspense dans les cyclo-cross. Van der Poel a gagné presque tout et il a poursuivi en Turquie pour sa première course sur route. Il a peut-être même un peu plus de talent ou de génie que Van Aert. Leur venue est une très bonne chose pour le cyclisme. Ce sont deux très grands talents, ce qui explique leur passage d’une discipline à l’autre sans problème. Mais, c’est sûr, oui, on a encore de bons coureurs et surtout, ce qui est intéressant, beaucoup de jeunes bons coureurs. Pas un ou deux, plutôt sept, huit… On peut ajouter Naesen, Teuns…"
Y a-t-il dans ce lot un nouveau Philippe Gilbert ?
"Oh, devenir un nouveau Gilbert ou Boonen, ce n’est pas donné à tout le monde. On ne parle pas de gagner une fois le Tour des Flandres. Pour le moment, Van Avermaet n’a gagné qu’un monument auquel il faut ajouter les Jeux Olympiques. Il a été n°1 mondial, il a gagné le WorldTour, il est super régulier… Mais Gilbert et Boonen, c’est une catégorie au-dessus encore. Aucun de ces jeunes n’a montré qu’il serait capable de cela, mais ils ont les qualités et l’ambition. Cette année, un d’entre eux doit gagner une grande course et avec la manière. Van Avermaet gagne toujours avec panache. Boonen aussi, Gilbert aussi… Je suis confiant, il y a du talent."
On parle des jeunes, mais les anciens ont fait parler d’eux.
"Van Avermaet a bien commencé, il est très calme, il est confiant. Je pense que cette année, il va gagner le Tour des Flandres, il marche bien, il est relax et ne vise que le Ronde. C’est plus dur de se focaliser sur une course, mais c’est son statut. S’il gagne dix courses avant, mais perd les deux grandes classiques, on oubliera ses succès. La même chose pour Gilbert, il vient de gagner en France, c’est bon pour le moral, mais qui s’en souviendra si les résultats ne suivent pas au printemps. Philippe a un palmarès long comme le bras, mais il peut encore gagner un monument. Milan-Sanremo, je n’y crois plus beaucoup. Il aura plus de chance à Paris-Roubaix qu’en Italie. À ses débuts, il avait du jump, de l’explosivité, maintenant, il a un énorme moteur et c’est ce dont vous avez besoin pour gagner à Roubaix où ce sont rarement des jeunes qui triomphent."
Il aura 37 ans en juillet…
"C’est un très grand champion, qui a encore la passion, c’est primordial à un certain âge. Il aime encore rouler, s’entraîner, faire la course, gagner… Il fait le métier. Il s’est bien acclimaté chez Quick Step. Ça aurait été plus dur de l’intégrer au groupe quand Boonen était là. J’ai souvent parlé de lui avec Patrick (Lefevere) et Wilfried (Peeters), Gilbert est le capitaine de l’équipe. Il est super intelligent pendant la course, il est à la manœuvre, c’est bien pour les jeunes, il les conseille. Mais il pense encore à ses chances. Prenez le National, il s’est fait brûler l’herbe sous le pied par Lampaert… Philippe sera là au Nieuwsblad, mais mon pronostic, c’est Van Avermaet, Stuyven, Vanmarcke… Ou dans un autre ordre."