Benoot se livre avant les Strade Bianche: "Pas besoin de boue pour que cette course soit terrible"
Vainqueur en 2018, Tiesj Benoot est impatient de remettre son titre en jeu.
- Publié le 09-03-2019 à 08h04
- Mis à jour le 09-03-2019 à 10h51
Vainqueur en 2018, Tiesj Benoot est impatient de remettre son titre en jeu. Au milieu de l’intermporelle et sublime Piazza del Campo, les regards des touristes japonais se sont détournés, pour quelques instants, de la Torre del Mangia. Vainqueur des Strade Bianche il y a douze mois, Tiesj Benoot prend la pose en compgnie de la championne du monde Anna Van der Breggen face à une nuée de photographes avant d’enchaîner les selfies. "C’est par des moments comme celui-là que je mesure un peu mieux la portée internationale de mon succès", sourit le coureur de chez Lotto-Soudal. À quelques heures de remettre sa seule et unique victoire chez les pros en jeu, le Gantois a pris le temps de préfacer, en toute décontraction, une épreuve qui l’a totalement envoûté par "sa magie". Entretien.
Tiesj, la première question tient à votre état de santé. Comment allez-vous après votre chute sur le Circuit Het Nieuwsblad ?
"Bien, je vous remercie. Je me suis entraîné tout à fait normalement cette semaine et mes sensations étaient même très bonnes. Sur le Nieuwsblad, j’ai eu le sentiment d’étre plus fort qu’en 2018. On a dû me poser trois points de suture au niveau du genou, ce dont je me serais évidemment volontiers passé, mais la gêne n’est pas trop importante et je serai en mesure de pleinement défendre mon titre. L’inquiétude de l’équipe, qui a préféré attendre le milieu de la semaine pour officialiser ma participation, tenait surtout dans le potentiel risque d’infection que cette épreuve pouvait présenter avec ses chemins de terre. Sur ce plan, les conditions sèches et clémentes annoncées pour ce samedi sont une bonne chose."
Quel impact aura, précisément, la météo sur le déroulement de l’épreuve ? L’année dernière, vous vous étiez imposé dans des conditions dantesques... Sera-t-il plus difficile de faire la décision ce samedi ?
"Si je n’avais souffert de cette plaie au genou, je vous aurais répondu que j’aurais préféré qu’il pleuve, mais ma blessure change quelque peu la donne… (rires). Je reste cependant persuadé que les plus costauds auront suffisamment d’occasions pour faire des différences. Cette course n’a pas besoin de boue pour être terrible vous savez. Avec près de 3 000 mètres de dénivelé positif pour un peu plus de 180 kilomètres, elle est extrêmement exigeante. Même si cela peut apparaître quelque peu paradoxal, cette épreuve est souvent plus dangereuse quand il y fait sec car la vitesse moyenne est alors plus élevée et le gravier se dérobe plus facilement sous les boyaux. C’est lorsqu’on l’attend le moins que la chute fait souvent le plus mal... En 2016, lors de ma première participation (NdlR : 8e) , je me souviens qu’une gamelle avait condamné plusieurs dizaines de coureurs avant même l’entrée dans le final."
Cette épreuve présente, selon Greg Van Avermaet, la particularité de se décanter plus rapidement que de nombreuses autres courses et ne se disputerait pas avec la même tactique. Partagez-vous son analyse ?
"Oui, c’est vrai. On pourrait tenter un parallélisme avec Paris-Roubaix par exemple. L’écrémage s’opère après une centaine de bornes déjà. Les Strade Bianche sont toutefois bien moins nerveuses qu’une classique flandrienne par exemple car le placement à l’entrée des secteurs y est moins déterminant. Il ne faut évidemment pas traînailler en queue de peloton, mais si vous souhaitez regagner quelques places dans un tronçon empierré c’est assez facilement faisable car certains font plus de dix bornes."
Depuis le début de la saison des classiques, la formation Deceuninck-Quick Step réalise une véritable razzia. Sera-t-elle à nouveau la grande favorite sur ces Strade Bianche ?
"Oui je pense bien. Elle peut s’appuyer sur un redoutable duo en la personne de Stybar et Alaphilippe, deux coureurs dont les qualités explosives peuvent faire merveille sur ce tracé. Le Français n’a jamais disputé cette course, mais il est extrêmement adroit sur sa machine et je ne me pose aucune question quant à ses qualités d’adaptation : il sera là. J’ai pu mesurer de visu son niveau de forme lors du Tour de San Juan et je vous assure qu’il possédait déjà une condition étincelante. Quant à Stybar, il s’est imposé ici en 2015 et n’est jamais sorti du top 10 en quatre participations. Et comme il semble être dans la forme de sa vie… Mais les choses changent parfois très vite, heureusement, dans le vélo (rires) ! La vérité d’un jour n’est pas toujours celle du lendemain"
Quels sont les autres rivaux que vous tiendrez particulièrement à l’œil ?
"Des gars comme Van Avermaet ou Van Aert seront, eux aussi, dans le coup. Il faudra également se méfier du duo Fuglsang-Lutsenko de chez Astana."
Votre formation Lotto-Soudal comptera également un second atout dans sa manche en la personne de Tim Wellens, 3e en 2017. Préférez-vous cette situation à une position de leader unique ?
"Sans vouloir user de la langue de bois, il est toujours plus confortable tactiquement pour l’équipe de posséder plusieurs cartes. Nous formons, à mes yeux, un duo complémentaire avec Tim."
"Il faut être à 100% pour gagner"
Benoot comprend que Peter Sagan a choisi de faire l’impasse sur les Strade.
Pour la première fois depuis 2011, Peter Sagan a décidé de faire l’impasse sur les Strade Bianche, une épreuve que le Slovaque apprécie pourtant particulièrement pour la singularité de son parcours. Selon son entraîneur Patxi Vila, elle serait trop exigeante pour une entame de saison lors de laquelle le triple champion du monde n’a pas encore totalement acquis le rythme de la compétition.
"Je peux comprendre et recevoir cet argument, juge Benoot. Pour espérer gagner ici, il est clair qu’il faut être à 100 % de ses moyens. On parle d’une épreuve de prestige de niveau WorldTour qui réunit les meilleurs coureurs du monde. Cette saison, Sagan souhaite pousser sa saison des classiques jusqu’à Liège-Bastogne-Liège et il est clair qu’il est compliqué de conserver un niveau de forme constant du 9 mars au 28 avril. J’en ai fait l’expérience l’année dernière où j’avais un peu piqué du nez après la Flèche brabançonne."
Si la liste des engagés de cette 13e édition des Routes blanches comblerait de nombreux organisateurs, le plateau apparaît un peu moins relevé que l’année dernière par exemple. "Je crois qu’il faut chercher l’explication à ce phénomène dans le parcours de Tirreno Adriatico, une épreuve avec laquelle beaucoup de coureurs enchaînent dans la foulée des Strade, analyse le coureur de chez Lotto-Soudal. Il n’y aura pas de véritable étape de montagne avec de longs cols cette année et des gars comme Bardet ont, du coup, préféré s’aligner sur Paris-Nice."
"Une vitrine pour son vélo"
Vainqueur de sa première et seule course chez les pros lors de la dernière édition des Strade Bianche, Tiesj Benoot en a conservé quelques souvenirs originaux. "Le constructeur Ridley qui nous équipe m’a offert le vélo avec lequel j’ai gagné à Sienne il y a douze mois, raconte le Gantois. Il n’a pas été nettoyé et la boue doit désormais être bien incrustée à la peinture (rires). Cette machine est actuellement exposée au musée du Tour des Flandres, à Audenarde, mais je devrais la récupérer dans quelques mois. J’ai prévu de faire construire une vitrine spéciale pour le protéger et l’installer dans la maison que je suis en train de bâtir. Cela aura un joli cachet je pense. Dans mon salon actuel, j’ai encadré le maillot que je portais ce 3 mars 2018. Je ne l’ai pas lavé non plus car la terre qui le macule fait partie de l’histoire de mon succès. Le trophée du vainqueur est, lui, posé sur une armoire dans la pièce où est installé mon home-trainer. Je le vois pratiquement chaque jour quand je suis à la maison (sourire)…"
Des truffes blanches en cadeau
Tiesj Benoot jure qu’il ne faut y lire aucune forme de superstition. Comme en 2018, pourtant, l’équipe Lotto-Soudal a choisi de s’installer dans le très pittoresque hôtel Pieve a Salti. Un endroit plein de cachet qui domine la plaine toscane et est installé au bord du sixième secteur empierré que les coureurs parcourront ce samedi. “Je suis déjà venu six à sept fois dans cet endroit que j’apprécie pour son cadre, son calme et son charme. J’y ai même passé des vacances à plusieurs reprises car l’Italie est un pays que j’adore. Je suis devenu ami avec le propriétaire de cet établissement qui est un fan de cyclisme. Cet hiver, il m’a même fait envoyer un colis contenant de superbes truffes blanches, l’une des spécialités de la Toscane. Râpées sur des pâtes, c’était un régal absolu ! (rires).”