Mircea Rednic, dernier coach liégeois victorieux à Bruges, se souvient : "Personne ne croyait en nous"
Mircea Rednic est le dernier coach rouche à avoir gagné à Bruges. C’était le 1er avril 2013 (0-2), le Roumain se souvient.
- Publié le 21-04-2018 à 07h49
- Mis à jour le 21-04-2018 à 08h01
Mircea Rednic est le dernier coach rouche à avoir gagné à Bruges. C’était le 1er avril 2013 (0-2), le Roumain se souvient. "Si on attaque à Bruges les gars, on n’aura aucune chance !
C’est par ces mots que Mircea Rednic a entamé sa causerie d’avant-match ce premier avril 2013 pour la première journée des PO1. Après avoir cravaché toute la saison pour rejoindre le Top 6, le Standard entamait la compétition, totalement libéré, par un déplacement périlleux à Bruges.
En guise de poisson d’avril, les Rouches s’imposaient 0-2, quatre ans et quatre mois après le dernier succès en terres brugeoises (1-4 en décembre 2008). À ce jour, il s’agit de la dernière victoire liégeoise à Bruges. Depuis, le Standard reste sur six défaites et deux partages en Pro League en Venise du Nord (21 buts concédés).
"Personne ne croyait en nous", se souvient Mircea Rednic. "Quand j’ai repris l’équipe en octobre, on était 13e. Le Standard en PO1, c’était juste impensable. D’ailleurs c’est simple, dans le contrat que j’avais négocié à l’époque avec Roland Duchâtelet, il ne faisait même pas état d’une éventuelle qualification pour les PO1..."
Une compétition que les Liégeois entamaient à la dernière position tandis que Bruges rêvait encore au titre. "Ce match, je m’en souviens parfaitement car au coup de sifflet final, tout le monde avait salué notre prestation, disant même qu’on avait réalisé le match parfait tactiquement pour une équipe en déplacement."
C’est que Mircea Rednic avait tout prévu. "On faisait face à une très forte équipe de Bruges et de notre côté, il y avait beaucoup de gamins d’un peu plus de 20 ans comme Mpoku, Batshuayi ou encore Ezekiel. Il fallait être parfaitement organisé et discipliné si nous voulions prendre quelque chose à Bruges."
Disciplinés, les Liégeois l’étaient respectant les consignes à la lettre.
"J’avais dit que, si nous allions jouer l’offensive à Bruges, nous n’aurions aucune chance. Il fallait les laisser venir, leur accorder la possession. Toutes proportions gardées, je compare ce match au Clasico Barcelone-Real Madrid. Bruges, c’était le Barça qui jouait le tiki-taka. Nous, nous étions le Real qui procédait en contres et faisait preuve d’un réalisme implacable. Et cela avait fonctionné. Michy Batshuayi avait fait 0-1 avant que Yoni (Buyens) ne double la mise. Yoni, déjà qu’il ne marquait qu’un but par saison celui-là, il avait bien choisi son moment (rires)."
En 2013, Rednic avait bluffé Bruges.
"À domicile, Bruges était vraiment fort, imbattable. Il ne fallait pas leur laisser d’espace, sinon, tu étais mort. On était bien resté dans notre moitié de terrain couvrant bien les flancs car ils y étaient très rapides. On leur avait laissé le contrôle du jeu pour qu’ils pensent qu’ils avaient la mainmise sur la rencontre. Mais dès qu’on avait un peu d’espace, on en profitait avec la vitesse de Michy et Imoh bien alimentés par Mpoku et Bulot sur les flancs. On a privilégié le jeu direct vertical. L’équilibre au cœur de la défense était parfait avec Kanu et Ciman. Diabaté et Opare coupaient parfaitement les angles sur les couloirs. Dans l’axe, Buyens avait couru comme un dératé, réalisant un travail de fourmi. À ses côtés, il y avait assurément le meilleur médian axial que j’ai entraîné, William Vainqueur."
Les PO1 des Rouches étaient lancés et ils se mettaient même à rêver. "Au bout de quelques journées, on était en lice pour le championnat. Il me manquait un Carcela et un Edmilson. Avec eux, j’aurais peut-être gagné le titre…"
"La carrière de Michy est logique"
Batshuayi et Mpoku ont pris leur envol sous la houlette de Mircea Rednic
En octobre 2012, lorsqu’il débarque à l’Académie, Mircea Rednic fait l’inventaire de son noyau. Un jeune attaquant lui tape dans l’œil à l’entraînement. Mais le Roumain se pose des questions puisque ce gamin ne joue que très rarement. Il s’agit de Michy Batshuayi.
"Trois jours avant mon premier match à Genk, je l’ai appelé dans mon bureau et je lui ai demandé pourquoi, avec le talent qu’il avait, il ne jouait pas. Il m’a alors trouvé toutes les excuses du monde : les terrains, le coach, le vent, la pluie, etc. Je lui ai dit : ‘tu es pétri de qualités, mais tu ne te donnes pas à fond en semaine. Moi je vais te faire confiance et tu vas jouer à Genk.’ Trois jours plus tard, il marquait et on s’imposait 0-2."
Pour le Roumain, la trajectoire prise par son ancien attaquant est tout sauf une surprise. "Sa carrière n’est que logique au vu de son talent. Il a compris que l’amusement avait ses limites et qu’il fallait aussi être professionnel. Je suis content de lui avoir ouvert les yeux à ce sujet."
"Comme Michy, il n’était pas discipliné dans son jeu, se souvient Rednic. Il adorait dribbler. Il passait un homme et l’attendait pour le dribbler de nouveau. Alors, je lui disais : ‘Polo, aujourd’hui, tu ne vas pas philosopher dans ton jeu, hein, tu ne tricoteras pas.’ Il m’écoutait mais dès qu’il était en confiance ou que le match était plié, il recommençait à dribbler. Il aurait même pu dribbler le banc (rires)."
"Pourquoi avoir interdit une banderole ?"
Actuellement en Belgique, Mircea Rednic est revenu brièvement sur son aventure mouscronnoise. Le Roumain a moyennement apprécié le traitement qui lui a été réservé au moment de sa sortie en février dernier.
"J’aurais souhaité pouvoir laisser un mot aux supporters via le site du club. Cela m’a été refusé. Je le regrette dans la mesure où j’ai tout de même réveillé Mouscron."
Le match qui a suivi son licenciement, les supporters mouscronnois ont, eux aussi, souhaité rendre hommage au coach roumain. Mais là encore, la direction s’y est opposée. "Les fans avaient préparé une banderole pour me dire merci. Il leur a été interdit de la déployer dans le stade. Je me demande encore pourquoi."
Aujourd’hui, Rednic est en discussion avec deux clubs de Pro League ainsi qu’une formation étrangère.
"Ils peuvent faire mal à tout le monde"
Mircea Rednic évoque le Standard de 2018 et décèle des parallèles avec celui de 2013
Cette saison, Mircea Rednic a rencontré le Standard à deux reprises pour autant de défaites (1-3 et 4-3) avec Mouscron. "Je pense d’ailleurs que c’est le match retour à Sclessin qui leur a servi de déclic avec cette égalisation de Carcela qui sortait de nulle part. Si cela avait été mon petit protégé Fai (NdlR : il l’a entraîné au Dinamo Bucarest) , le ballon aurait terminé en tribunes (rires) ."
Comme en 2013, le Standard a cravaché pour rejoindre le top 6 à la différence que, aujourd’hui, le club a déjà son ticket européen en poche via la Coupe.
"Gagner la Coupe, c’est bien, mais si tu ne joues pas les PO1, c’est tout de même catastrophique. Car croyez-moi, personne ne prête attention aux PO2..., commente Mircea Rednic. Aujourd’hui ils y sont et, si on regarde le classement, ils ont une chance de jouer le titre. Ce sera extrêmement compliqué mais le football est imprévisible. Souvenez-vous de Barcelone et du PSG en Ligue des Champions…."
Pour le coach roumain, l’arrivée de Carcela a tout changé à Sclessin. "C’est le meilleur transfert du Standard. Il est revenu avec la rage et a de suite été décisif."
Aujourd’hui, le Standard dispose d’un effectif suffisamment étoffé aux yeux de Rednic pour réaliser de belles choses dans ces PO1. "Carcela, Edmilson et Mpoku, c’est ce qui se fait de mieux en Belgique. Ils ont les qualités suffisantes pour faire mal à tout le monde."