Voici le bilan de la saison de Lotto-Soudal
Pour Marc Sergeant, la saison de ses troupes a manqué de régularité.
- Publié le 25-10-2017 à 18h56
- Mis à jour le 25-10-2017 à 18h57
Pour Marc Sergeant, la saison de ses troupes a manqué de régularité. Clôturée mardi par la victoire finale de Tim Wellens sur le Tour de Guangxi, la saison 2017 de la formation Lotto-Soudal aura ressemblé à un ascenseur émotionnel supersonique. D’un début de saison en boulet de canon à une campagne des classiques et un Tour de France difficiles, les troupes de Marc Sergeant sont parfois passées du grenier à la cave. Analyse d’une campagne riche en émotions avec le manager brabançon.
Marc Sergeant, le bilan de la saison 2017 de votre équipe fait-il de vous un manager heureux ?
"Oui car notre excellente fin d’exercice a quelque peu gommé les moments difficiles vécus plus tôt dans l’année. Refermer une saison sur une note positive était important à mes yeux car cela permet d’aborder la préparation de 2018 dans un bon état d’esprit, loin de la spirale négative que nous avons connue en mars et avril. Après un début d’année canon, marqué par les succès de Tim Wellens à Majorque ou de Gallopin à Bessèges, nous avons traversé deux mois particulièrement difficiles. Un creux qui est tombé au plus mauvais moment puisqu’il intervenait durant les classiques, si importantes pour nos partenaires… Globalement, notre saison a été constituée de trop de hauts et de bas."
Comment vous expliquez-vous ce long passage à vide ?
"Le pic de forme de nombreux coureurs est arrivé trop tôt. Je me souviens que lors d’un de nos stages de préparation, en décembre dernier, une grosse émulation positive animait l’essentiel des séances. Les gars se faisaient la course dans des bosses espagnoles. Si cela partait évidemment d’une bonne intention, nous veillerons à ne plus tomber dans le même piège. On travaillera un peu plus à l’ancienne avant le 1er janvier, l’essentiel sera d’accumuler les kilomètres. Nous avons su faire cette analyse assez tôt pour comprendre notre manque de performances en mars et avril. Nous savions dès lors qu’il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire que d’attendre que la forme de nos hommes revienne. Sur les classiques, vous ne pouvez espérer briller si vous n’êtes pas à 100 %."
Si son talent est absolument indéniable, on peine toujours à cataloguer Tim Wellens. Quel est, à vos yeux, son terrain de prédilection ?
"Tim sait faire beaucoup de choses et il n’est pas absolument nécessaire de chercher à le ranger dans une case (rires) . Je dirais tout de même que les courses par étapes d’une semaine lui conviennent sans doute le mieux. Ses deux victoires sur l’Eneco Tour et sa seconde place sur l’épreuve qui en a pris le relais (NdlR : le BinckBank Tour) l’attestent. Tout comme son beau succès sur le Tour de Guangxi."
Le pensez-vous capable de briller sur les classiques wallonnes où il n’a pas encore décroché de Top 10 jusqu’ici ?
"Oui, j’en suis convaincu. C’est sa victoire sur le Grand Prix de Montréal en 2015 qui me pousse à l’affirmer. Tom Boonen avait souligné, ce jour-là, qu’il n’avait jamais vécu une course aussi éreintante. Cela en dit long… Lorsque je songe à Tim et aux Ardennaises, je ne peux parfois m’empêcher un certain parallélisme avec Philippe Gilbert. À sa période FDJ, on le trouvait trop dispendieux dans ses efforts, il attaquait parfois à cinquante bornes du but. Mais cet apprentissage lui a permis de faire mouche à l’Amstel, sur la Flèche wallonne et à Liège !"
Miné par des problèmes personnels, André Greipel a, lui, vécu une saison compliquée, à l’image de son Tour de France…
"Oui, c’était d’ailleurs la toute première fois de sa carrière que notre sprinter allemand n’enlevait pas au moins une étape sur un grand tour au départ duquel il avait choisi de s’aligner. Sa maman, dont il est très proche, est gravement malade (NdlR : elle souffre de la maladie de Charcot) et cela l’affecte profondément. On oublie parfois que les grands champions restent aussi des êtres humains… Ses cinq victoires conquises en 2017 ne constituent pas une moisson en rapport avec son rang. André n’est pas moins fort physiquement, les valeurs enregistrées lors de plusieurs tests le prouvent très clairement. C’est avant tout une question de confiance. André en est conscient et m’a promis de redevenir en 2018 le sprinter qu’il était l’année dernière…"
Votre politique de développement des jeunes talents a permis l’éclosion d’un autre sprinter : Jasper De Buyst. Ses quatre succès en 2017 constituent-ils une surprise pour vous ?
"Jasper apprend en tout cas très vite ! Il est extrêmement appliqué dans son travail. Nous avons tenu à l’aligner sur des épreuves d’envergure comme le Tour des Flandres afin de parfaire sa formation. Il est très observateur et assimile rapidement les choses. La manière dont il a gagné à Binche-Chimay-Binche face à l’homme en forme du moment, Trentin, m’a impressionné. Ses qualités lui permettent de conclure assez facilement. Son passé de pistard a développé chez lui une forme de flair et une excellente lecture de la course."
A contrario, on attendait beaucoup plus de Louis Vervaecke, présenté comme l’un des plus grands talents du cyclisme belge. Le voir quitter vos rangs sans avoir véritablement éclos constitue-t-il une déception ?
"Oui, bien évidemment. Je reste cependant convaincu de son potentiel et lui souhaite de réussir chez Sunweb la saison prochaine. Un trop grand enthousiasme dans son entraînement l’a littéralement vidé de toutes ses forces. Notre médecin nous a alors invités à le laisser au repos durant trois mois, de fin juin à début octobre. Je me suis refusé de lui faire payer le prix de son erreur et ai suivi l’avis du staff médical en lui permettant de revenir progressivement. J’espère qu’il me remerciera un jour (rires) …"
Vous avez clôturé cette saison 2017 à la 13e place du classement WorldTour par équipes. L’équipe Lotto-Soudal y est-elle à sa place ?
"Nous aurions bien mieux figuré dans ce ranking si notre campagne des classiques avait été plus qualitative, mais c’est là le propre d’un classement de régularité… Chaque année, nous faisons d’un Top 10 un objectif. Je ne peux donc pas dire que notre position me satisfasse…"
Le bilan 2017 en chiffres
WorldTour :
13e avec 5.466 points.
CQ Ranking :
10e avec 8.479 points.
PCS Ranking :
17e avec 2.493 points.
25 victoires
(25 courses UCI) :
Trophée Felanitx-Porreres
(André Greipel), Trophée Serra de Tramuntana (Tim Wellens), Trophée Port de Andrax (Tim Wellens), Étoile de Bessèges (Tony Gallopin), 4e étape Tour d’Algarve (André Greipel), 5e étape Ruta del Sol (Tim Wellens), 5e étape Paris-Nice (André Greipel), 2e étape Giro (André Greipel), 1re étape 4 Jours de Dunkerque (Jens De Busschere), 5e étape Tour de Belgique (Jens Debusschere), Flèche de Heist (Jasper De Buyst), 1re étape Dauphiné (Thomas De Gendt), 2e étape Tour de Wallonie (Jasper De Buyst), 6e étape BinckBank Tour (Tim Wellens), G.P. Zottegem (Jasper De Buyst), 6e, 12e (Tomasz Marczynski), 16e (Sander Armée) et 18e (Thomas De Gendt) étapes Vuelta, G.P. de Wallonie (Tim Wellens), Circuit du Westhoek (André Greipel), Binche-Chimay-Binche (Jasper De Buyst), Famenne Ardenne Classic (Moreno Hofland), Tour de Guangxi + 4e étape (Tim Wellens).
Podiums : 60 (16 hors UCI)
Top 10 : 164 (24 hors UCI)
Meilleurs coureurs classement UCI
20. Tim Wellens 1.864 points
24. André Greipel (All) 1.674 points
41. Tony Gallopin (Fra) 1.310 points
52. Tiesj Benoot 1.071 points
61. Jasper De Buyst 960 points
147. Moreno Hofland (P-B) 453 points
151. Sander Armée 442 points
174. Jens Debusschere 388 points
228. Rafael Valls (Esp) 313 points
248. Thomas De Gendt 300 points
La déception: "À l’arrivée du Ronde, j’avais le moral à plat…"
"Dans la foulée de l’arrivée du Tour des Flandres, je me souviens être monté dans le bus où attendaient déjà cinq ou six coureurs après leur abandon. Cela en disait long… Nous avions été pratiquement transparents (NdlR : Gallopin, meilleur Lotto-Soudal, avait fini 17e) lors d’une des courses les plus importantes de la saison pour l’équipe. Il m’a fallu dix à quinze minutes pour reprendre mes esprits avant de m’adresser au groupe tant j’étais sonné et avais le moral à plat… J’ai voulu rester positif dans mon discours en insistant sur le fait que cet échec appartenait au passé et qu’il fallait désormais rebondir au plus vite. Roelandts a pris la quatrième place du sprint du GP de l’Escaut trois jours plus tard et nous avons livré une très belle course d’équipe le dimanche suivant sur Paris-Roubaix."
La satisfaction: "Le succès de De Gendt sur la Vuelta m’a ému"
"Je savais à quel point Thomas De Gendt rêvait de s’imposer sur une étape de la Vuelta après avoir déjà levé les bras lors du Giro et de la Grande Boucle. Un peu moins de cent coureurs comptent à leur palmarès un succès d’étape sur chacun des trois grands tours. La joie qu’il portait sur son visage au moment de franchir la ligne à Gijon en vainqueur m’a réellement ému. C’était la toute première fois de sa carrière qu’il enlevait le sprint d’un groupe tout de même conséquent (NdlR : neuf coureurs). Certains de ses précédents employeurs l’ont parfois dépeint comme un coureur difficile à gérer, mais il semble que nous ayons trouvé la bonne formule avec lui (rires) . Je le sens épanoui et ses résultats l’attestent d’ailleurs. Au-delà de la victoire de Thomas, c’est toute notre Vuelta qui a été fantastique puisque nos coureurs y ont enlevé quatre étapes."
Le noyau 2018
Arrivent (4) : Victor Campenaerts (Lotto NL - Jumbo), Jens Keukeleire (Orica - Scott), Bjorg Lambrecht (néo-pro), Lawrence Naesen (WB Veranclassic - Aqua Protect).
Restent (21) : Sander Armée, Lars Bak (Dan), Tiesj Benoot, Japser De Buyst, Thomas De Gendt, Jens Debusschere, Frederik Frison, André Greipel (All), Adam Hansen (Aus), Moreno Hofland (P-B), Nikolas Maes, Tomasz Marczynski (Pol), Rémy Mertz, Maxime Monfort, James Shaw (G-B), Marcel Sieberg (All), Tosh Van der Sande, Jelle Vanendert, Jelle Wallays, Tim Wellens, Enzo Wouters. Partent (7) : Kris Boeckmans (Vital Concept), Sean De Bie (Vérandas Willems - Crelan), Bart De Clercq (Wanty - Groupe Gobert), Tony Gallopin (Fra/Ag2r), Jürgen Roelandts (BMC), Rafael Valls (Movistar), Louis Vervaeke (Sunweb).
Notre avis : L’équipe Lotto-Soudal a perdu un sponsor important (mydigipass) et doit donc composer avec un budget moindre. C’est pour cela qu’elle a notamment dû laisser filer Tony Gallopin et Jürgen Roelandts, partis se relancer ailleurs comme Louis Vervaeke. On peut considérer que la venue de Jens Keukeleire est pourtant un sérieux renfort pour les classiques printanières et même pour la suite de la saison. Arrivé à maturité, le Brugeois pourra enfin jouer sa carte personnelle. Victor Campenaerts peut aussi devenir une carte importante, dans les chronos bien sûr, mais également dans les petites courses à étapes. On est curieux aussi de voir comment va progresser Lawrence Naesen, frère du champion de Belgique, au niveau WorldTour. Enfin, on veut croire que l’équipe donnera au très jeune (20 ans) et talentueux Bjorg Lambrecht l’occasion de grandir et de progresser étape par étape.