Un Belge aux portes de l’élite du football américain : “Il faut s’accrocher pour poursuivre son rêve”
Sylvain Yondjouen est aux portes de l’élite du football américain. Le Bruxellois pourrait rejoindre la grande ligue l’année prochaine.
- Publié le 05-02-2021 à 07h46
- Mis à jour le 05-02-2021 à 10h27
Pour la première fois de l’histoire, une franchise de NFL disputera le SuperBowl à domicile. Les Tampa Bay Buccaneers de l’éternel Tom Brady défieront en effet dans la nuit de dimanche à lundi les champions en titre : les Kansas City Chiefs de Patrick Mahomes. Un duel qui sent la poudre entre le meilleur quarterback de tous les temps, qui a remporté 6 SuperBowl et disputera son 10e, et celui qu’on présente comme sa relève, prêt à établir une dynastie dans le Missouri comme Brady a pu le faire au début du siècle dans le Massachussets avec les New England Patriots. Il s’agira d’un duel de génération, d’un passage de relais, qu’on pourra voir dès 23 h 30 dimanche sur les antennes d’Eleven. La relève pointe en tout cas le bout de son casque. Et de relève, notre petite Belgique peut en rêver. Un de nos compatriotes est en effet aux portes de la grande ligue. Découverte…
Sylvain Yondjouen, puisque c’est bien de lui dont il est question, est originaire de Bruxelles et fait ses classes en ce moment à Georgia Tech. Et si le solide bonhomme rêve de NFL pour commencer, et de participer à un SuperBowl ensuite, il garde la tête bien ancrée sur ses épaules. Grâce à une éducation réaliste et sensée. "Je viens de Ruisbroek, nous confie le jeune homme. J’y ai vécu toute mon enfance, bien que j’aie habité avec mes parents à Saint-Josse mais je n’en ai pas vraiment de souvenirs. Je suis arrivé à Ruisbroek à 3-4 ans. Mes parents voulaient vraiment qu’on connaisse aussi le néerlandais. J’y ai vécu jusqu’à mes 19 ans. J’ai joué au football européen toute ma jeunesse. Puis, un jour, un voisin, qui est également un ami, m’a proposé de jouer au football américain. Son père regardait des rencontres à la télévision. Il était intéressé par tout ça. Une année, il m’a proposé de venir à un entraînement, je m’y suis retrouvé et j’ai vraiment aimé."
La belle histoire pouvait commencer. Il n’y a pas tellement longtemps en plus puisqu’à l’époque Sylvain Yondjouen n’avait que… 17 ans ! "J’ai commencé aux Brussels Bulls, club qui a ensuite fusionné avec les Black Angels. Lors de mon premier entraînement, quand j’ai mis le casque et les épaulières, l’un des plus âgés m’a montré en quoi consistait un contact (rires). C’était intense à vivre. J’ai vraiment aimé, notamment la manière de jouer en équipe. Ce n’est pas la même chose que le soccer. C’est vraiment une famille. C’est à vivre et tu ne peux qu’aimer ce sport. Le truc, c’est que personne ou presque ne sait qu’il y a du football américain en Belgique. Ce n’est pas connu. Plein de jeunes pourraient essayer puis vraiment aimer ce sport."
La carrure du papa
Sylvain Yondjouen, lui, a accroché, directement. Le football américain et les valeurs que ce sport véhicule : c’était fait pour lui. En plus, le Bruxellois a la carrure pour s’imposer. "Mon père jouait au handball, confie-t-il. Ma mère faisait de la gymnastique. Mon père est très grand, sportif. Il a une bonne carrure. On a sûrement hérité cela de mon père (rires). À l’école (Don Bosco), j’étais un élève agité. Je ne savais pas vraiment rester sur ma chaise. Quand on en arrivait au sport, je n’avais que de bons résultats. J’avais le plaisir de jouer, d’y aller. J’étais excité à l’idée d’aller à ce cours. Quand il fallait rester assis et écouter, ce n’était pas vraiment mon truc. Mais il faut le faire parce que c’est ton futur aussi, non ? (sourires)"
Est-ce son gabarit de 1,93 m pour 105 kg qui lui "offre" son poste sur le terrain ? Il en est sans doute question mais c’est aussi une question de préférence, Sylvain Yondjouen n’étant certainement pas du genre à se laisser imposer quelque chose. "J’ai directement été en défense, rembobine l’international belge. Une fois que j’ai commencé à connaître un peu plus le jeu, les coachs ont remarqué que j’avais de la vitesse. Ils pouvaient me mettre un peu partout. Mais j’étais focalisé sur la défense. Si je n’ai jamais rêvé d’être le running back qui inscrirait un touch-down ? C’est une idée qui m’est passée par la tête (sourire). Je me suis dit : ‘Pourquoi pas ? Cela doit être cool ; j’ai envie de prendre une balle et de faire un touchdown. ’ Mais après, je ne sais pas pourquoi, je suis vraiment resté accroché sur la défense, avoir ce contact avec le gars en face de toi, le fait d’aller te battre pour chercher la balle."
Et le jeune homme d’évoluer rapidement, de grandir. Sur le terrain, mais aussi en dehors de celui-ci. "J’ai commencé le football américain vers 17 ans. À 18 ans, j’évoluais avec les plus âgés et un an plus tard, j’étais en équipe nationale."
Son jeune âge, son gabarit et son talent à polir attirent les regards et attisent les convoitises. Sylvain Yondjoen sera-t-il le premier Belge à évoluer sur les terrains de NFL, et pas dans une équipe "bis" ? Le rêve prend le TGV lorsque le Bruxellois, trilingue, est contacté par Brandon Collier, qui gère PPI Recruits, une plateforme internationale de recrutement et de placement pour le football américain, qui croît dans les capacités des Européens à percer dans ce sport outre-Atlantique. "Brandon a beaucoup de contacts en Amérique, il a lui-même joué en collège. Il a dû arrêter à cause d’une blessure."
C’est à l’été 2019 que Sylvain Yondjoen tente sa chance lors des camps organisés par les collèges pour repérer les jeunes talents. "Je suis resté un mois et demi, avec des camps quasi tous les jours, se souvient notre interlocuteur. C’était compliqué. Il faut s’accrocher pour poursuivre le rêve. Mes parents et moi, quand on a été aux USA, on s’était vraiment dit que ce serait parfait si on obtenait une offre. Je me donnais à fond à chaque camp. J’écoutais les conseils de la personne qui m’a recruté en Europe. Je faisais attention. Dans les camps, les jeunes sont vraiment là pour leur place. En venant d’Europe, dans un camp avec des Américains, tu as encore beaucoup plus de pression, en mode : ‘que faites-vous ici ?’ . C’était intense mais je me suis amusé."
Études de business et d’informatique
Et Sylvain Yondjoen de recevoir plusieurs offres. Le choix se porte sur Georgia Tech et est sans doute facilité par les études possibles. "C’était compliqué en soi de débarquer en collège à 20 ans quand tous ont 18-19 ans quand ils arrivent. Je suis en business et en informatique. Ce sont des branches qui m’intéressaient déjà à la base. Plein d’étudiants réussissent et ouvrent leur compagnie ; c’est une bonne motivation pour commencer ta vie une fois que le collège est terminé."
Sylvain Yondjoen découvre alors la vie américaine. Il se fait sa place, sur le campus comme dans le vestiaire. "On a une limite de points à atteindre afin de pouvoir être sélectionné dans l’équipe, évoque-t-il. La première année, je suis arrivé en pesant 104 kg. Lors de ma première année, j’ai raté le premier match. Tous les autres, je les ai joués. J’étais directement à 117 kilos. C’était une année où il y avait entraînement à la salle, mais aussi entraînement pour courir, pour la condition, aspect dont je ne disposais pas avant, en Europe. Quand je jouais en Belgique, c’était l’école jusque 17 h, puis tu restais à la maison jusqu’à 19-20 h. L’entraînement consistait en un petit échauffement, des exercices en défense. On s’entraînait ensuite pour le match. On n’allait pas à la salle, soulever des poids, travailler sur des sprints, la mobilité…"
Covid et soutien d’une petite amie
Le Bruxellois a pu compter dans un premier temps sur le soutien de ses parents et de ses deux petits frères. Mais depuis le coronavirus, Sylvain Yondjoen n’a pas vu sa famille. Cela fait plus d’un an qu’il n’est pas rentré en Belgique. Heureusement, le Bruxellois n’est pas tout seul. "En arrivant aux USA, c’était compliqué les premières semaines mais il faut choper le rythme. Sur le campus, ils savent qu’on joue. Ce n’est pas comme dans les films où ils se ruent sur toi pour demander un autographe. Venant d’Europe, arriver en Amérique, jouer au football : cela aide pour rencontrer des personnes du sexe opposé. Ma première année, je ne connaissais personne. J’ai appris à savoir avec qui rester, qui fréquenter ou ne pas fréquenter. Maintenant, cela va faire deux ans que je suis ici. Je suis concentré sur l’école, le football et puis, il y a ma petite amie. On va rester ensemble ; on est bien."
Celle-ci connaît les sacrifices qu’une carrière sportive impose puisqu’elle est dans l’équipe de tennis de Georgia Tech. "Cela fait un an et quelques mois que je ne suis pas rentré en Belgique à cause du coronavirus. Moralement, cela allait parce que j’ai ma petite amie ; j’ai passé du temps dans sa famille. Alors, oui, mes parents, mes frères, ma sœur et mes grands-parents me manquent. Comme mes amis, avec qui j’avais l’habitude de rester quand j’étais là. C’est dans un petit coin dans ma tête. Mais je me concentre sur l’école qui a recommencé, comme l’entraînement."
Et le but est clair pour Sylvain : être drafté par une franchise de NFL. Mais s’il pourra tenter la draft à la fin de cette année, le Bruxellois préfère prendre son temps. "La NFL, cela se joue plutôt le dimanche. J’essaie de regarder quelques matchs, de voir comment les autres joueurs évoluant à mon poste le font. Un modèle ? JJ Watt, le defensive end des Houston Texans. Il a une très grosse carrure. Il est connu pour le fait de ne pas abandonner. J’ai envie que les gens voient cela en moi. Mon but est vraiment d’aller en NFL. Je vais donner tout ce que j’ai les 2-3 dernières années dont je dispose encore sur le campus pour m’améliorer dans ma technique, dans mon savoir. Et de m’améliorer mentalement comme physiquement pour être préparé à jouer sur le prochain niveau."
La NFL, le rêve ultime de Sylvain Yondjoen. Peu importe si peu de joueurs de Georgia Tech sont draftés chaque année. Peu importe l’équipe. L’amour du jeu et montrer ce qu’il vaut : voilà ce qui guide notre compatriote. "Je n’ai pas vraiment d’équipe préférée, conclut le sympathique jeune homme. Je veux juste arriver en NFL et montrer ce dont je suis capable. Oui, bien sûr que je serais prêt à aller voir des équipes et m’y entraîner afin de montrer ce que je vaux si je n’étais pas pris à la draft. Mais voilà, le but maintenant est vraiment d’être drafté. Ce n’est pas le plus simple, mais c’est le plan."