Mouhammad Gazaloev, le véritable phénomène tchétchène du judo belge
Le Bastognard de 19 ans représentera la Belgique à l’Euro -23 ans.
- Publié le 16-11-2023 à 10h35
- Mis à jour le 16-11-2023 à 11h16
Limal. Lundi soir. Alors que le centre sportif résonne au rythme des ballons de volley-ball et des balles de tennis de table, Mouhammad Gazaloev arrive, sac de sport sur l’épaule, pour l’entraînement de judo. Souriant, le jeune homme de 19 ans est visiblement heureux d’être là, car, ce week-end, il représentera la Belgique à l’Euro -23 ans, à Potsdam, en -73 kg. Il n’y sera pas seul puisque sept jeunes judokas ont été sélectionnés. Et, parmi eux, deux gars d’origine tchétchène, Zelemkhan Batchaev et Mouhammad donc, que son coach, Miguel Toril Garcia, surnomme affectueusement “Momo”.
”C’est plus facile quand il me donne les consignes en bord de tatami !”, sourit le cadet de la famille Gazaloev, dont les deux frères, Suleiman (28 ans) et Ramzan (21 ans), pratiquent également le judo.
Dans la foulée de Malik Umayev (23 ans/-73 kg), un véritable phénomène tchétchène s’est développé, tant au nord qu’au sud du pays. Arrivé en Belgique alors qu’il n’avait que quelques mois, Mouhammad a commencé le judo à 5 ans.
”C’est un sport qui a toujours été bien vu en Tchétchénie, où mon père pratiquait la boxe. C’est lui qui nous a amenés, mes frères et moi, au judo pour les valeurs qu’il représentait. La discipline se mariait bien avec la culture tchétchène. Quand nous sommes venus en Belgique en raison de la guerre, il nous a mis au judo.”
C’est à Bastogne que les Gazaloev ont effectué leurs premiers pas et leurs premières prises sur les tatamis.
”En fait, ce n’est pas nous qui avons décidé. À l’époque, nous sommes arrivés à Bruxelles. Ce sont les autorités belges qui nous ont envoyés à Bastogne. C’est donc là que j’ai grandi, que j’ai effectué mes études, primaires et secondaires, avant d’entamer une année à l’université, en droit, à Louvain-la-Neuve. Mais ça ne collait pas avec le judo. Je n’avais pas le temps pour les études. Je les ai mises en pause pour un an, pendant lequel je vais me concentrer à fond sur mon sport.”
À 19 ans, Mouhammad est encore junior, mais il s’est déjà frotté aux seniors, notamment aux championnats de Belgique où il a eu la médaille de bronze, début novembre.
"Ma progression décidera de mon avenir. J’ai les JO 2028 dans un coin de la tête."
”Ma progression décidera de mon avenir, de ma carrière, que j’espère dans le judo. J’ai les JO 2028 dans un coin de la tête. Il faudra que je prouve ma valeur, mais pas directement en Grand Chelem.”
Avec sa sélection pour l’Euro -23 ans, le Bastognard brûle les étapes.
”C’est ma médaille de bronze au Mondial juniors début octobre, à Odivelas, qui a tout déclenché. Elle m’a ouvert quelques portes, dont cet Euro et, dans la foulée, le stage au Japon, où je partirai du 30 novembre au 16 décembre. Une première pour moi !”
Mouhammad est déjà aux portes du top 100 mondial… seniors.
”Étant junior, le Mondial est la seule compétition à entrer en ligne de compte et le bronze m’a rapporté 350 points. Je suis à la 105e place.”
Mouhammad Gazaloev n’est pas le seul gars d’origine tchétchène à figurer au ranking mondial sous le drapeau noir-jaune-rouge.
”Je pense qu’on a tous plus ou moins la même histoire. Les Tchétchènes ont toujours été attirés par les sports de combat et, en Belgique, le judo est l’un de ceux qui sont le plus développés. C’est pourquoi on est quelques-uns… On entretient de bons contacts.”
Toujours affilié à Bastogne, Mouhammad ne s’y entraîne plus.
”J’y retourne pour dire bonjour, pour y retrouver l’ambiance. Aujourd’hui, je vis à Louvain-la-Neuve et c’est là que je m’entraîne. Ce sont mes parents qui assument financièrement, mais j’aimerais bien essayer de bénéficier d’un contrat à l’Adeps. Il faudra que je sois performant en décrochant des médailles.”
Pour y parvenir, il pourra compter sur son frère, Ramzan, même si celui-ci est un peu sorti du parcours menant au haut niveau.
”Il n’a pas reçu les mêmes opportunités que moi, mais il va de soi que c’est un avantage de l’avoir à mes côtés. Ramzan est mon partenaire d’entraînement numéro un depuis la période Covid, pendant laquelle j’ai pu continuer à progresser alors que la plupart des judokas avaient du mal à s’entraîner. Nous formions une bulle à deux et c’est, en grande partie, pourquoi j’en suis là aujourd’hui.”
Mouhammad essaie de prendre le meilleur de tous les judokas.
”Il n’y en a pas un qui m’inspire en particulier. Le style de l’Est me convient. Si je vois une technique qui me paraît bien, j’essaie de l’appliquer. Je pense avoir déjà une bonne palette. Au début, je n’étais pas très fort au sol. Mais je commence à apprécier et j’y gagne souvent sur un mouvement de retournement.”
Épargné par les blessures jusqu’en début de saison, il a souffert d’une lésion au ménisque qui l’a handicapé pendant quelques mois et, plus récemment, d’une douleur à la main gauche, où il porte un tape. Ce qui ne l’empêchera pas de s’aligner ce week-end, à Potsdam.