"Si je suis connu encore aujourd’hui, c’est pour le fun que j’apportais. Pas pour les médailles ou mes résultats aux Jeux olympiques"
Tel est le message de la légende du triple saut, Willie Banks, à se successeurs Christian Taylor et Will Claye.
- Publié le 05-09-2019 à 15h17
- Mis à jour le 05-09-2019 à 18h23
Tel est le message de la légende du triple saut, Willie Banks, à se successeurs Christian Taylor et Will Claye. Les inconditionnels du Mémorial Van Damme, comme les amoureux de l’athlétisme en général, n’ont certainement pas oublié son visage. Willie Banks est un personnage, un vrai showman! Détenteur entre 1985 et 1995 du record du monde du triple saut (17,97m), dont "le goéland" Jonathan Edwards l’a dépossédé ("je lui en voulais d’avoir pris mon bébé jusqu’à ce qu’il m’envoie un adorable message!"), l’Américain, âgé aujourd’hui de 63 ans, l’a prouvé une nouvelle fois, ce mercredi, en conférence de presse où il a fait plier de rire ses héritiers Christian Taylor et Will Claye, respectivement deuxième et troisième performeurs de l’histoire.
"Être assis à côté de M. Banks, c’est juste incroyable!" lance Taylor, double champion olympique. "Quand je me suis lancé dans la discipline, je n’avais qu’un souhait, c’était faire mieux que ces fameux 17,97m. En 2011, aux Mondiaux de Daegu, je suis retombé à... 17,96m ! À 1 cm."
"Et à présent, c’est moi qui collectionne ses autographes !" rigole Willie Banks.
Will Claye, lui, va plus loin en affirmant que "sans Willie Banks, on ne serait pas là !" Et de compléter : "Ma carrière, je la lui dois et je l’en remercie. Merci à lui d’avoir initié le fameux clapping, une idée qui a complètement modifié le regard et le comportement du public vis-à-vis du triple saut. C’est lui qui a défini la discipline."
Battre les mains en cadence, insuffler de l’énergie aux athlètes et les aider ainsi à repousser leurs limites : c’est bel et bien Willie Banks qui fut à l’origine de ce comportement désormais très répandu dans les tribunes. Mais il faut entendre l’incroyable explication de l’intéressé pour comprendre que cette idée est née complètement... par hasard.
"Pour faire court, tout a débuté lors d’un concours à Stockholm en 1981", raconte Willie Banks. "Je venais d’établir le record des Etats-Unis et j’étais bien décidé à devenir riche en participant à différents grands meetings européens. Malheureusement le triple saut n’était plus au programme des grandes réunions sauf en Suède. Fâché, j’ai alors réuni les autres compétiteurs et je leur ai dit : ok, on va leur montrer que le triple saut est fun. Mais les huit premiers ont mordu leur saut et le concours débutait très mal. C’était ennuyeux. Quand mon tour est arrivé, j’ai fait comme d’habitude, j’ai frappé trois fois dans les mains et cinq gars dans la tribune ayant sans doute un peu trop bu se sont mis à m’imiter. J’ai pris la tête du concours. Au deuxième essai, ils ont recommencé, j’ai fait encore mieux et je les ai remerciés ! Ensuite, c’est toute la tribune qui a commencé à taper dans les mains trois fois. Puis un demi-stade l’a fait ! J’ai alors fait mine de m’attaquer au record du monde, le public était bouillant. J’y ai mis toute mon énergie et, malgré un saut complèment mordu - il y avait de la plasticine partout - tout le monde a explosé de joie. J’ai joué le jeu et je me suis dit que ce cinquième saut méritait bien un tour d’honneur ! Tout le monde était debout et tapait dans les mains en rythme. J’étais surexcité avant mon dernier essai et j’ai atterri à... 17,57m. Un souvenir incroyable."
Bien plus qu’une mode, le clapping était voué à s’installer durablement dans les stades.
"Si je suis connu encore aujourd’hui, c’est pour cette raison, pour le fun que j’apportais, et pas pour les médailles que j’ai pu remporter ou pour mes résultats aux Jeux olympiques", reconnaît l’ancien vice-champion du monde, qui saute encore dans la catégorie Masters. "Le public voyait que j’étais différent, il ne se préoccupait pas de savoir si je gagnais ou si je perdais. À la différence du physique, les personnalités sont sans limite. Si tu ne prends pas de plaisir, ta passion devient un job comme les autres."
Ne perdant pas une miette du discours de l’ancien recordman du monde, Christian Taylor, qui avait opté pour le 400m pendant une saison avant de revenir au triple, acquiesce. "Le plaisir est primordial ! C’est le secret de la longévité sur le circuit. C’est quand j’ai chassé le record du monde, après être passé tout près (18,29m), que j’ai fini par m’en éloigner. Aujourd’hui mon approche a changé. Je me concentre uniquement sur moi, sur la compétition, sur les duels."
Celui qui s’annonce vendredi avec son compatriote, avec le Cubain Pichardo en arbitre, pourrait faire des étincelles. "Je suis dans la forme de ma vie", relève Will Claye. "J’ai fait beaucoup de sacrifices mais je ne suis pas encore là où j’aimerais être. L’événement qui compte cette saison, c’est Doha, sur la grande scène, et ce meeting-ci sera un bon baromètre. Les 18 m? J’en ai rêvé dès mes premiers pas au triple. Et une fois ce cap franchi, je me suis mis à rêver de retomber plus loin."
En attendant, le record du meeting de Jonathan Ewards se situe à 17,60m...
Hall of Fame: avec Gail Devers et Seb Coe
Willie Banks et Gail Devers, ainsi que Lord Sebastian Coe, président de l’IAAF, vont intégrer officiellement le "Hall of Fame" du Mémorial Van Damme ce jeudi, durant un dîner de gala, avant d’être mis à l’honneur au stade le lendemain. Ils rejoignent ainsi Heike Drechsler, Steve Cram, Merlene Ottey, Hicham El Guerrouj, Kim Gevaert, Tia Hellebaut et… Wilfried Meert. "Être à Bruxelles, c’est comme revenir à la maison pour moi !" lance Willie Banks. "Revoir quelques visages familiers et découvrir d’autres personnes, qui m’ont peut-être connu quand ils étaient bébés, c’est un vrai plaisir. L’ambiance est réellement unique ici. Les gens ont toujours adoré participer à cette fantastique compétition."