Marina Granovskaia, la dame de fer de Chelsea
Aussi redoutable en affaires que discrète, la directrice de Chelsea, Marina Granovskaia, est devenue la femme la plus puissante du football mondial. Portrait de celle qui détient entre ses mains une grande partie de l’avenir de Michy Batshuayi ou Eden Hazard.
- Publié le 22-01-2019 à 07h43
- Mis à jour le 22-01-2019 à 09h06
Aussi redoutable en affaires que discrète, la directrice de Chelsea, Marina Granovskaia, est devenue la femme la plus puissante du football mondial. Portrait de celle qui détient entre ses mains une grande partie de l’avenir de Michy Batshuayi ou Eden Hazard. Son sourire ultra-bright a l’air plus enjôleur et charmeur que carnassier. Mais s’y fier serait une grave erreur. Sur les rares photos d’elle qui filtrent ou plutôt qu’elle doit laisser filtrer, Marina Granovskaia apparaît rayonnante. Sans doute parce que la Russe obtient très souvent ce qu’elle veut. Et qu’elle n’hésite pas à montrer les dents pour parvenir à ses fins. Interrogé sur le surnom de la dirigeante qui rappelle le côté inflexible de Margaret Thatcher, Patrick De Koster s’en amuse. "Oui, c’est un peu la Dame de fer. Elle est dure en négociations, elle sait ce qu’elle veut mais elle est super correcte", explique l’agent qui a traité avec elle lors du passage de Kevin De Bruyne à Chelsea. "Les discussions avec elle sont toujours agréables. Elle est compréhensive dans les négociations, elle vous écoute, entend vos arguments. Mais, à la fin, comme chaque dirigeant de club, elle défend sa position. Elle fait tout pour franchir en première la ligne d’arrivée."
Michy Batshuayi peut en témoigner : lui qui est d’accord avec Monaco depuis plus d’une semaine sur la base d’un prêt sans option d’achat se trouve bloqué par ses dirigeants qui privilégient une vente. "Elle n’est pas facile en négociations, les clubs le savent", nous explique un autre intermédiaire qui a négocié avec elle. "Mais c’est parce qu’elle est d’abord payée pour défendre les intérêts de son club."
Pour Chelsea , Granovskaia ne fait pas de sentiment. L’institution d’abord, les joueurs ensuite. Même les plus emblématiques. Au moment des négociations autour d’une prolongation avec John Terry, la Russe, qui détient aussi un passeport canadien, n’avait pas fait de sentiment. Le défenseur était déçu des conditions - à la baisse - proposées. Réponse cinglante selon le Daily Mail : "Tu acceptes ou tu prends la porte." L’international anglais n’avait pas cherché à discuter, signant assez facilement au final…
Ce savoir-faire et cette loyauté lui permettent de bénéficier de la confiance aveugle de Roman Abramovitch. Entre les deux, l’histoire dure depuis près de 22 ans.
Passée dans une école spécialisée en musique et en danse, Granovskaia obtient son diplôme de langues étrangères à l’université d’État de Moscou et intègre en 1997, dans une URSS en plein démantèlement, la compagnie pétrolière Sibneft que l’oligarque détient. Une vraie relation de confiance naît et l’ambitieuse dirigeante arrive en même temps que les pétro-roubles d’Abramovitch à Chelsea en 2003.
Femme de confiance du propriétaire, à l’origine de la politique d’achats massifs de jeunes talents disséminés un peu partout en prêt en Europe dans l’espoir de juteuses reventes, elle voit sa sphère d’influence s’accroître au fur et à mesure. Le départ du directeur sportif Michael Emenalo fin 2017 qui n’a pas été remplacé ou les soucis de visa d’Abramovich qui l’empêchent de se rendre au Royaume-Uni font désormais d’elle le vrai patron sportif du club au quotidien.
Un rôle qu’elle a endossé à sa manière. Avec élégance. Charme. Mais surtout un très haut degré de compétences.
"En fait, elle est brillantissime", résume un agent qui a souvent traité avec elle. "La résumer à son physique avantageux est une erreur. Comme à sa condition de femme. Des hommes sont dans le milieu depuis 20 ans et n’y connaissent rien. Elle, en étant une femme, en n’étant pas issue du milieu, a acquis un tel niveau de compétences qu’elle en est impressionnante."
Avec une discrétion certaine. Les médias anglais qui l’ont également surnommée la Tsarina n’ont jamais réussi à percer le mystère. Ce qui doit parfaitement convenir à celle qui vient de fêter ses 45 ans, qui apprécie la cuisine du restaurant Sumosan qui assure le catering des loges VIP à Chelsea et qui avait fait de Diego Costa et Didier Drogba ses chouchous.
Déterminante dans le retour de José Mourinho au club alors que le Portugais ne voulait plus entendre parler d’Abramovich, la Russe, qualifiée par la vice-présidente de West Ham Karren Brady de "femme la plus puissante du football", a endossé naturellement ce rôle de patron. Intransigeante avec Antonio Conte à qui elle n’a pas hésité à s’opposer sur le recrutement au point qu’elle n’échangeait plus sur la fin avec l’ancien manager que par l’intermédiaire de l’entraîneur des gardiens Carlo Cudicini, Granovskaia n’a pas changé son mode de fonctionnement avec Maurizio Sarri. Ni son sourire.
Jonathan Lange