Thierry Verjans, directeur sportif de l'Académie: "Les jeunes passés ici sont marqués au fer rouge"
Directeur sportif de l’Académie, Thierry Verjans explique pourquoi le club liégeois joue la carte de la jeunesse.
- Publié le 22-08-2018 à 07h06
- Mis à jour le 22-08-2018 à 08h15
Directeur sportif de l’Académie, Thierry Verjans explique pourquoi le club liégeois joue la carte des jeunes.
Cet été, la direction liégeoise a décidé d’axer son mercato sur le recrutement de jeunes joueurs si possible belges. Le Standard a ainsi accueilli Cavanda (prêté la saison dernière), Vanheusden (prêt prolongé), Bastien ou encore Miangue et, prochainement, Oulare. Quatre de ces cinq joueurs ont un point commun : ils sont passés par le centre de formation liégeois. Une académie sur laquelle le président Bruno Venanzi compte, et qui s’est classé 23e au classement européen des écoles ayant fourni le plus grand nombre de joueurs dans les 31 championnats du Vieux Continent (le Standard en avait fourni 36). "D’ici 2020, 35 % du noyau devra être issu du centre de formation et 50 % du noyau pro devra être composé de joueurs ayant passé au moins deux ans à l’Académie", avait affirmé Venanzi en mai 2017. Aujourd’hui, 12 des 26 joueurs du noyau professionnel ont été formés entièrement (comme Carcela et Goreux et Bodart) ou partiellement (Gillet, Vaheusden, Cavanda, Pocognoli, Djenepo, Bastien, Balikwisha, Mpoku et Patoulidis) au Standard...
"Avec Bruno Venanzi, on sent clairement qu’il y a un virage au niveau de la formation", assure Thierry Verjans, directeur sportif de l’Académie du Standard. "Il y a une réelle intention de mettre le centre de formation en avant. La relation entre les pros et les jeunes est bien plus importante. Les premiers signes sont là. Dans pas mal de clubs, les jeunes, on en parle mais sans qu’il y ait vraiment d’actes concrets, c’est davantage un alibi. Ici, pour le moment, j’ai l’intime conviction qu’on est sur le bon chemin. Notre président est occupé à transmettre quelque chose."
Et Venanzi a donc rapatrié Cavanda, Vanheusden ou encore Bastien, tous passés par l’Académie rouche.
"C’est judicieux de la part du président de vouloir récupérer ses enfants", poursuit Thierry Verjans. "Il y a un an, par exemple, nous avons essayé de ramener Nicolas Raskin (alors à Anderlecht). On sentait que le président était soucieux de récupérer son gamin qui, en plus, avait inauguré l’Académie en 2007 en coupant le ruban (NdlR : avec Sergio Conceição et les regrettés Robert Louis-Dreyfus et Michel Daerden). Le signal donné par le président aux jeunes de l’Académie est important."
Après avoir vu partir les plus grands talents de sa génération 99 il y a quelques années, le Standard voit, aujourd’hui, revenir ses jeunes formés au club pour le plus grand bonheur des formateurs liégeois.
"Le Standard dispose déjà d’un atout que d’autres clubs n’ont pas à savoir un pouvoir de séduction à long terme. Un joueur qui quitte le Standard, même déçu, a finalement très envie de revenir. Prenons l’exemple de Samuel Bastien. Il a transité par Anderlecht et l’Italie et durant tout ce temps, il attendait presque que le Standard l’appelle parce qu’il souhaitait revenir. Aujourd’hui, on sent qu’il est heureux au club. D’ailleurs, avant même qu’il ne soit contacté, Eliaquim Mangala, qui est un peu son grand frère, lui avait dit de ne pas hésiter si le Standard se manifestait. On connaît tous la carrière d’Eliaquim mais ce dernier sait combien le Standard a compté pour lui. Les jeunes qui passent par chez nous, même s’ils partent, sont marqués au fer rouge. Des garçons comme Lavalée, Déom, Badibanga ou encore Samy Mmaee, pour ne citer qu’eux, ont sans doute encore le Standard dans un coin de leur cœur."
En plus des jeunes revenus au bercail, le Standard est occupé à lancer William Balikwisha tandis que le jeune Evangelos Patoulidis (16 ans) a également intégré le noyau pro. De quoi faire espérer aux supporters des trajectoires similaires à celles de Mehdi Carcela, Axel Witsel ou encore Marouane Fellaini.
"Il est important de ne pas comparer les deux époques. Il y a un peu plus de dix ans, ces jeunes, Fellaini et Witsel, ont été lancés dans l’urgence. Aujourd’hui, nous ne sommes pas du tout dans l’urgence. On est dans une situation de formation et d’évolution programmées. Les arrivées de Balikwisha et Patoulidis constituent donc un bon signal. Enfin, il ne faut pas être trop gourmand. Si, chaque année, on peut avoir un joueur qui s’installe dans le noyau pro, c’est parfait."
"Dimata aurait pu faire comme Michy"
Pour Thierry Verjans, l’attaquant aurait dû s’armer de patience à Sclessin.
Avec cinq buts et un assists en quatre matches, Landry Dimata crève l’écran sous le maillot anderlechtois. De quoi susciter l’énervement dans le chef de certains supporters liégeois qui reprochent encore à la direction le départ de l’attaquant en 2016.
"Quand un jeune quitte le club, on entend toujours ceci : ‘Ah, le Standard a encore laissé partir un de ses jeunes.’ Mais ce que les gens ne savent pas, c’est que nous avons tout fait pour le conserver, avec nos arguments et nos moyens. Malheureusement, certains agents, pas tous, aveuglent les gamins qui se rendent compte, par la suite, que le conseil a été mauvais. On ne peut pas reprocher à un enfant ou un adolescent d’être perturbé par des informations qu’on lui donne de l’extérieur et qui le font rêver", précise Thierry Verjans. Pour ce dernier, Landry Dimata a manqué de patience. "Nous voulions clairement le garder car nous avions un projet pour lui et nous avons tout fait pour qu’il en soit ainsi. Mais à un moment donné, il n’a pas saisi ce signal et s’est dit qu’il ne jouerait jamais au Standard et il est parti à Ostende où il a reçu des apaisements au niveau de son temps de jeu."
Pour le directeur sportif de l’Académie liégeoise, il ne fait aucun doute que Dimata aurait pu percer au Standard. "Aujourd’hui, il est titulaire à Anderlecht mais s’il était resté, même si on ne le saura jamais, je pense qu’il aurait suivi un parcours similaire à celui de Michy Batshuayi. Tôt ou tard, il aurait mis les pieds en équipe première et, avec sa mentalité et ses qualités, il serait devenu un titulaire au Standard. Je sais que, pour les supporters, Dimata est un échec pour le Standard mais ce n’est pas mon point de vue. C’est dommage que le joueur n’ait pas eu cette patience."
"On ne forme pas que pour nous"
Si le Standard compte en ses rangs 12 joueurs passés par son centre de formation, d’autres joueurs de l’élite ont également passé une ou plusieurs saisons à l’Académie Robert Louis-Dreyfus.
"En début de saison, j’avais fait le relevé des joueurs ayant transité par notre centre de formation et qui font, aujourd’hui, le bonheur d’autres clubs. On ne forme pas que pour le Standard mais bien également pour d’autres, souligne Thierry Verjans. Partir n’est pas toujours synonyme d’échec. Certains reviennent tandis que d’autres deviennent tout de même pros."
À l’heure actuelle, 21 joueurs ayant transité par l’Académie sont devenus pros dans d’autres clubs de Pro League prouvant l’efficacité du centre de formation liégeois. "On dispose d’un outil de pointe pour lequel, avec le comité de direction, nous cherchons les moyens pour l’améliorer. En matière de formateurs, on essaie d’avoir un recrutement pointu avec l’ADN et la mentalité du club", conclut Thierry Verjans.
"Balikwisha est un ouvre-boîte"
À 19 ans, le jeune ailier vient d’effectuer ses premiers pas comme pro.
Passeur décisif (pour Bastien) pour une de ses premières touches de balle lors de sa première apparition comme pro, William Balikwisha n’est pas près d’oublier le match de samedi dernier à Lokeren.
"Ce qui lui arrive ne me surprend pas du tout", lance Thierry Verjans qui connaît parfaitement bien l’ailier de 19 ans. "William a très vite compris où se trouvaient ses intérêts. On parlait de patience dans le cas de Landry Dimata. Ici, William a parfaitement saisi le projet que nous avions pour lui. La saison dernière, il était en U19 et n’est pas monté en U21 car, morphologiquement parlant, il était un peu plus frêle que les autres, ce qui ne veut pas dire qu’il était moins bon. Mais il a ravalé sa déception et a continué à bosser."
À l’arrivée, Balikwisha a porté cette équipe des U19 vers le titre de champion. "Je dis toujours aux jeunes qu’ils doivent jouer tous les matches comme s’ils étaient observés, évalués. William a compris le message et a été décisif à tous les matches pratiquement. Est venu un moment dans la saison où il était évident qu’il devait sauter de catégorie. Mais il m’a dit qu’il souhaitait rester en U19 pour aider son équipe à rafler le titre. Cela en dit long sur les qualités humaines de ce jeune garçon."
D’un point de vue purement footballistique, William Balikwisha fait, dans un autre style, penser à un certain Mehdi Carcela à ses débuts.
"C’est vrai qu’il y a des similitudes car William est ce qu’on appelle un ouvre-boîte. Il est capable d’être décisif sur une seule action. C’est le genre de joueur que j’apprécie fortement. S’il arrive à ajouter des statistiques à son jeu, il se fera encore plus remarquer."
Arrivé d’Anderlecht en 2017, Evangelos Patoulidis (16 ans) a également intégré le noyau pro cet été. Le Standard croit également énormément en ce numéro 10. "Lorsqu’il avait 12, 13 ans, l’Europe était à ses pieds. Des clubs comme Manchester City le voulaient. Il a su garder la raison et a poursuivi son chemin. Doué techniquement, il a opté pour notre projet afin de s’aguerrir au niveau physique. Il comblera rapidement ses manquements. Tout comme Balikwisha, c’est un jeune très humble."
MPH n’a pas peur des jeunes
Le coach a toujours aimé lancer un espoir dénué d’expérience dans ses clubs.
Partout où il est passé, Michel Preud’homme a été dans l’obligation d’aligner des résultats tant les ambitions de ses différentes directions étaient importantes. Beaucoup d’entraîneurs n’auraient donc pas eu l’audace de donner un petit peu de confiance à des jeunes, par crainte que leur rendement, parfois irrégulier, soit insuffisant au cours d’une rencontre. La saison dernière, Ricardo Sa Pinto avait d’ailleurs expliqué, juste avant le début de la campagne, qu’il n’aurait pas l’occasion de donner une chance à un espoir.
Visiblement, le nouveau technicien liégeois ne partage pas cette philosophie. Certes, la victoire était déjà acquise sur la pelouse de Lokeren lorsqu’il a offert une première apparition à William Balikwisha mais il n’avait déjà pas hésité à le placer sur le banc lors de la visite de La Gantoise. Ce n’est pas une surprise car depuis ses débuts sur le banc, Michel Preud’homme surveille avec beaucoup d’attention ce qui se passe dans les centres de formation.
Lors de son premier passage au Standard, il avait offert un vrai temps de jeu au jeune Jonthan Walasiak (333 minutes), qui n’avait disputé qu’une seule minute au cours de la campagne précédente. Ce n’était pas une exception car lors de son deuxième passage à Sclessin, c’est un certain Axel Witsel qui avait été lancé sous sa tutelle face au Brussels. Réginal Goreux, Yanis Papassarantis et Vito Villano avaient suivi dès la saison suivante pour participer pleinement au titre décroché par les Liégeois. "Il fallait montrer une bonne mentalité et écouter ce qu’il disait", explique Vito Villano.
Tous n’ont pas réussi à survivre au départ de MPH. Les deux derniers nommés sont rapidement retombés à l’échelon amateur, mais pratiquement tous sont parvenus à survivre dans le football moderne. Cela a été le cas d’Ibrahima Conte, par exemple, qui avait reçu ses huit premières minutes professionnelles avec La Gantoise grâce à l’ancien meilleur gardien du monde.
Ce fut aussi le cas d’Ola John, lancé à Twente et qui évolue maintenant au Vitoria Guimaraes, ou encore, bien entendu, d’Obbi Oulare. Hormis le puissant attaquant, les autres Brugeois qu’il a lancés n’ont pas confirmé tous les espoirs placés en eux, que ce soit Nikola Storm (aujourd’hui à Malines), Sander Coopman (de retour de prêt au Club) ou encore Ahmed Touba (cinq apparitions en 2017/2018).