Tom De Mul, l'ancien professionnel reconverti en agent de joueur: "Je me sentais redevable envers le Standard"
Reconverti comme agent, Tom De Mul n’a connu que deux clubs en Belgique : le Standard et Genk. Mais son talent aurait dû lui permettre de briller bien plus haut
- Publié le 05-05-2018 à 11h00
Reconverti comme agent, Tom De Mul n’a connu que deux clubs en Belgique : le Standard et Genk. Mais son talent aurait dû lui permettre de briller bien plus haut Théoriquement, les joueurs de son âge sont occupés à réfléchir à leur fin de carrière, à trouver un dernier contrat juteux pour assurer leurs arrières. Mais, à trente-deux ans, Tom De Mul est bien loin de ces préoccupations, du moins pour son cas personnel. Le flamboyant droitier, appelé à devenir le titulaire incontournable du flanc droit de l’équipe nationale, a raccroché les crampons depuis six ans, miné par de graves blessures qui l’ont empêché d’exprimer son talent comme il l’aurait souhaité. Aujourd’hui, il s’épanouit comme agent dans un bureau installé en plein cœur d’Anvers. Un but en modèle réduit, les ballons officiels de l’Europa League et de la Ligue des Champions, et un immense bureau moderne servent de décor. "Je me plais comme agent. Devenir entraîneur ne m’a jamais tenté. On dit que cela représente beaucoup d’heures de travail mais je ne vois pas comment je pourrais plus bosser que maintenant", sourit-il.
Ses déboires semblent digérés. Du moins, suffisamment pour les raconter avec précision pendant près d’une heure. Entre promesses, regrets et même culpabilité.
Éclosion à l’Ajax
Tom De Mul fait partie des meilleurs espoirs du Germinal Beerschot et part, comme c’est souvent le cas à l’époque, à l’Ajax Amsterdam. "C’était une décision difficile à prendre car je n’avais que quinze ans. Tous les grands clubs belges et néerlandais étaient prêts à m’accueillir mais j’ai choisi l’Ajax… car c’était mon club préféré, avec Barcelone. Il y avait aussi une vraie philosophie avec les jeunes et le club développait un football attrayant, porté sur l’offensive", dit-il. "Je n’ai pas été motivé par l’argent… car nous n’avons rien reçu pour ce transfert. J’ai signé mon premier contrat professionnel l’année suivante mais c’était grâce à mes bonnes performances."
Tout va très vite pour lui car en six petits mois, il atterrit chez les moins de dix-huit ans où son entraîneur est un certain Danny Blind. À un point tel qu’il est appelé pour participer au stage hivernal de l’équipe première. "Louis van Gaal et Ronald Koeman ont téléphoné à mes parents pour leur dire que j’avais du talent et qu’il manquait l’un ou l’autre joueur à ma position. Ils voulaient savoir si je pouvais rejoindre le groupe au Portugal et si cela n’allait pas poser de problèmes avec l’école. C’était une chance unique", sourit-il. "C’était déjà le grand Ajax avec Maxwell et Zlatan Ibrahimovic, mais aussi beaucoup de Belges comme Thomas Vermaelen, Wesley Sonck, Jelle Van Damme et Tom Soetaers. Je n’en garde que de bons souvenirs et j’ai été très bien accueilli."
Départ pour Séville
À vingt-et-un ans, Tom De Mul se sent prêt à passer une nouvelle étape dans sa carrière. Il joue régulièrement avec l’équipe première ajacide et plusieurs grandes formations lui font les yeux doux : l’Atlético Madrid, Séville, le Dynamo Kiev et le Dinamo Kiev. "Tottenham également, mais ce n’était pas très concret", précise-t-il. "Je voulais aller en Espagne car le football y est offensif et technique, et la météo agréable. J’ai opté pour Séville, qui était le plus insistant. Monchi, le directeur sportif qui est aujourd’hui à la Roma, est venu jusque chez moi pour me convaincre en m’exposant son projet."
Sur papier, le droitier ne peut refuser cette proposition et il signe un contrat de cinq années en Andalousie. "Mais, avec le recul, j’aurais peut-être dû rester un an de plus à l’Ajax. J’étais encore trop irrégulier, c’est-à-dire que je faisais des prestations à neuf sur dix puis à cinq sur dix. Je devais encore grandir pour faire des matches à sept sur dix et parfois monter jusqu’à huit ou neuf. Mais, à l’époque, je voulais partir."
Il connaît un premier coup d’arrêt dans sa carrière en n’étant que le deuxième choix pour le flanc droit. Il faut dire que le titulaire n’était pas n’importe qui : Jesus Navas, parti par la suite à Manchester City. "Je me disais qu’il allait y avoir tellement de matches à notre programme que nous jouerions tous les deux. Mais l’entraîneur lui a souvent accordé sa préférence. Je ne pense pas qu’il était plus fort que moi, mais il prestait à un haut niveau et n’était jamais blessé. En plus, c’était un vrai enfant de Séville, donc c’était le chouchou du public", raconte-t-il. "Sur le plan sportif, ce n’était pas évident à gérer car je ne jouais pas beaucoup alors que j’avais le sentiment d’avoir le niveau pour évoluer dans cette équipe. Mais je ne pouvais pas me plaindre car Séville était une magnifique ville et je gagnais bien ma vie."
Location à Genk
Après un an et demi, il veut retrouver du temps de jeu et sollicite donc un prêt. "Après les Jeux Olympiques, durant lesquels j’avais livré de bonnes performances, j’ai pensé qu’il était préférable de partir pour aligner les matches. À Séville, j’étais sur le banc quatre matches sur cinq", se souvient-il. Mais, là aussi, il prend une décision qu’il regrette aujourd’hui. "Deux clubs de première division espagnole étaient intéressés par un prêt. Valladolid et Tenerife, si mes souvenirs sont bons. Pour moi, le plus important était de jouer et Genk voulait vraiment que je signe pour six mois. C’était un bon club, mais j’aurais dû rester en Espagne. À l’Ajax, j’avais été prêté à Vitesse Arnhem avant de m’imposer et ici, j’aurais dû faire la même chose : rester en Espagne pour revenir plus fort à Séville."
Ce choix est d’autant plus regrettable que le 3 mai 2009, il se blesse lors d’un match contre Courtrai. Le verdict tombe : déchirure musculaire. "Au début, je pensais que c’était une question de quelques semaines mais c’est en rentrant à Séville que j’ai compris que la situation était plus compliquée…"
Location au Standard
Il rentre en Espagne avec l’espoir de participer à la préparation estivale. "Mais j’ai commencé à ressentir la douleur. Cela a duré des mois. Chaque fois que je retrouvais le groupe, je rechutais. J’ai dû me résoudre à passer sur le billard et être sur la touche pendant de longs mois. J’étais frustré et j’ai énormément travaillé pour revenir au plus haut niveau. Les journées étaient éprouvantes avec de la gym, de la piscine et des soins mais je pensais véritablement pouvoir retrouver mon meilleur niveau. Je n’ai pas douté, même lorsque la douleur est revenue après l’opération."
Il ne dispute pas la moindre rencontre durant la saison 2009-2010, mais cela n’empêche pas le Standard de l’accueillir durant une année. "Le début de préparation s’était bien passé avec Séville et j’avais envie de revenir en Belgique pour gagner du temps de jeu et relancer ma carrière. À cette époque, le Standard était le plus grand club de Belgique, à égalité avec Anderlecht", dit-il. "Malheureusement, j’ai de nouveau eu mal quelques semaines après mon arrivée et je n’ai pas eu le choix, il fallait subir une deuxième opération. J’avais encore l’espoir de revenir mais j’étais frustré car le Standard avait fait des efforts pour faire signer alors que je sortais d’une année blanche. Et moi, je ne pouvais rien faire pour remercier les dirigeants. Je me sentais redevable… mais impuissant."
Fin de carrière et reconversion
Il ne joue pas un match au Standard et retourne à Séville, bien conscient qu’il n’allait plus recevoir sa chance. "Cela faisait deux ans que je n’avais plus joué un match de football, je n’avais plus de rythme. Les médecins essayaient de trouver une solution mais la décision de prendre ma retraite me revenait. Je ne me souviens plus spécialement du jour où je l’ai prise mais cela n’a pas été un moment évident car je ne quittais pas seulement un job, j’abandonnais une passion."
Aujourd’hui, Tom De Mul ne tape plus dans le ballon. "Parfois avec des amis, mais je le paie au prix fort la semaine suivante", sourit-il. L’ancienne grande promesse du football belge s’est reconvertie comme agent et gère notamment les intérêts de Jan Vertonghen et Moussa Dembélé. "Au début, je ne voulais plus rien savoir du football, mais j’ai rapidement changé d’avis. Cela me permet de suivre des joueurs, partager mon expérience, qu’elle soit positive ou négative. Mes mauvais choix, comme mon départ de l’Ajax ou mon prêt à Genk, constituent un vécu utile dans ma nouvelle fonction. Mon passé m’aide aussi à mieux comprendre les joueurs car je sais ce qu’ils pensent et ressentent."
"Les Diables ? Plus une frustration pour moi"
Avec moins de poisse, Tom De Mul aurait pu accompagner les Diables Rouges en Russie. Le droitier faisait partie de cette fameuse génération dorée et a pleinement participé au Championnat d’Europe (2007) et aux Jeux Olympiques (2008). "Au début, j’étais frustré de ne plus pouvoir faire partie de ce groupe mais, aujourd’hui, je n’ai plus ce sentiment", dit-il. "J’ai encore des contacts avec plusieurs joueurs, comme Vincent Kompany et Thomas Vermaelen, en plus de Jan (Vertonghen) et Moussa (Dembélé), bien entendu."
Il n’est pas spécialement étonné par la réussite de ses anciens équipiers. "Je savais qu’il y avait du talent dans ce noyau, même s’il était impossible de savoir qu’autant de joueurs évolueraient dans les meilleures formations européennes. Marouane Fellaini était physiquement très fort, mais je ne l’aurais pas imaginé réaliser un tel parcours. Pareil pour Radja Nainggolan", avoue-t-il. "Je ne sais pas si c’est la dernière chance de cette génération, mais c’est LA chance. La Belgique peut aller très loin et même devenir championne du monde, tout comme le Brésil, l’Espagne, l’Allemagne ou la France. Il faudra être en forme… et avoir de la chance également. Tout est possible et je sens que les joueurs sont optimistes."
"Le Standard a la meilleure équipe des playoffs"
Pour son travail, Tom De Mul suit de près la compétition belge. Et il est séduit par la qualité des matches du Standard. "Les Liégeois ont connu quelques difficultés en début de saison, mais ils se sont très bien repris. Je dirais même que c’est la meilleure équipe de Belgique depuis le début des playoffs. Ils peuvent légitimement rêver de la deuxième place du classement général."
L’un de ses clients évolue chez les jeunes du Standard : Keith Groeneveld. Il s’agit d’un défenseur central de dix-huit ans arrivé en bord de Meuse avec une solide réputation. "Il prendra peut-être part à la prochaine préparation estivale, on verra bien. Il doit franchir un nouveau palier dans sa carrière mais il a beaucoup de qualités. Un prêt ? Non, je pense que c’est encore trop tôt pour lui."
Genk, l’adversaire des Liégeois ce dimanche, a plus l’habitude de donner une chance à ses espoirs. "C’est vrai mais cela dépend également de la politique du club. Le Racing, c’est un petit peu l’Ajax Amsterdam de Belgique au niveau de la philosophie et de la place laissée aux jeunes en équipe première", confirme-t-il. "Mais je pense que le club ne pourra pas atteindre la deuxième place cette saison. Je le vois juste intégrer le Top 4 ."