Comment Sa Pinto est-il perçu au Portugal?
Suspendu ce soir, le T1 des Rouches est perçu différemment au Portugal qu’en Belgique. Enquête.
- Publié le 12-12-2017 à 11h12
- Mis à jour le 12-12-2017 à 11h13
Suspendu ce soir, le T1 des Rouches est perçu différemment au Portugal qu’en Belgique. Enquête. Les images de Ricardo Sa Pinto se roulant par terre sur la pelouse d’Anderlecht ont fait le tour de la toile. Elles sont donc passées par le Portugal, où elles ont été analysées avec attention. Et le moins qu’on puisse dire est que, si elles n’ont pas véritablement surpris, la réputation de Sa Pinto dans son pays est quand même bien meilleure que l’image qu’il donne chez nous depuis son arrivée au Standard. C’est ce qui ressort d’une enquête que nous avons menée auprès de différents professionnels qui l’ont côtoyé comme joueur ou en tant qu’entraîneur.
Rui Baioneta (45 ans) est journaliste au journal pour A Bola. Il y a près de 20 ans qu’il suit le Sporting Portugal au quotidien et il connaît donc bien Ricardo Sa Pinto. La première image qu’il en a n’est pas celle d’un homme théâtral, bien au contraire.
"Sa Pinto est un homme très bien éduqué, qui a de la conversation et qui se mouille pour ses amis, dit-il. Bien entendu, il vit le match de façon très intensive et il est comme le lait : il bout très vite. Mais c’est un système d’autodéfense qui ne correspond pas au personnage. Il faut parfois gratter la carapace d’un homme pour découvrir sa véritable personnalité, prendre le temps de l’écouter. Et ce n’est pas toujours possible au travers d’une conférence de presse ou d’une flash-interview dans la chaleur du match. Savez-vous, par exemple, qu’il a du sang noble ? Il a même été invité au mariage de Dom Duarte de Bragança, le représentant de la monarchie portugaise, celui qui serait roi si le Portugal était un royaume."
Baioneta assure qu’il n’a jamais vu Sa Pinto faire preuve de mauvaise éducation envers lui ou un confrère. "Il répondait à toutes les questions. Bien entendu, aucun entraîneur n’aime les questions délicates et il s’emportait parfois, mais jamais je ne l’ai vu dépasser les bornes. Peut-être qu’en Belgique, il est perçu différemment. Parce qu’il est handicapé par la barrière de la langue. Et puis, c’est un latin. Preud’homme, par exemple, est beaucoup plus expansif parce qu’il a vu comment les entraîneurs portugais se comportaient. En revanche, nous avons eu Vercauteren qui ne disait jamais un mot plus haut que l’autre. Question de tempérament."
Pour Baioneta, Sa Pinto a encore un avenir comme entraîneur au Portugal. "Parce que c’est un grand professionnel, très sérieux. Et il prend les choses à cœur."
"Un de mes meilleurs entraîneurs"
António Leonel Nogueira Sousa, dit Tonel, a notamment joué à Marítimo, au Sporting Lisbonne, au Dinamo Zagreb et à Belenenses. "J’ai eu Ricardo Sa Pinto comme équipier, comme directeur sportif et comme entraîneur. Je peux même vous dire que c’est un des meilleurs entraîneurs que j’aie eus, un homme qui va dans les détails tant concernant son équipe que l’adversaire. Un jour, nous avons rencontré des Moldaves en Coupe d’Europe. Il n’avait eu que quelques jours pour préparer le match mais nous connaissions chaque adversaire dans le moindre détail. C’est quelqu’un de très sérieux, qui vit les choses à fond, quelle que soit la fonction qu’il occupe, et qui veut toujours être le meilleur. Il fait tout ce qu’il faut pour gagner." Tonel n’est pas surpris quand on lui dit qu’au Standard, les joueurs apprécient beaucoup Sa Pinto. "Il oblige tout le monde à donner le maximum, qu’il s’agisse d’un jeune, d’un titulaire ou d’un réserviste. Si quelqu’un ne suit pas, il peut effectivement s’emporter. C’est un leader naturel. Il est parfois excessif mais ça fait partie de sa personnalité. Bien entendu, il y a toujours un ou l’autre joueur qui n’apprécie pas d’être secoué mais celui qui veut vraiment progresser sait qu’il doit écouter Sa Pinto."
"Une crème de gars sur qui on peut compter"
Comme André Cruz, Mbo Mpenza a été l’équipier de Sa Pinto en 2002. C’était il y a près de 16 ans, mais il n’a pas oublié. "Moi, Ricardo, je l’adore, dit-il. Parce qu’il incarne la gentillesse des Portugais que j’ai découverts à Lisbonne. C’est un type qui fait tout pour les autres, une crème de gars sur qui on peut compter quand on en a besoin. Mais une fois qu’il monte sur un terrain, ce n’est plus la même personne. C’est un gagneur pour qui le moindre jeu se transforme en guerre. Dans les toros (4 contre 2) à l’entraînement, celui qui ne jouait pas sérieusement se faisait tuer mais, dès la fin de la séance, c’était terminé, il redevenait lui-même. On ne peut pas le juger sur ce qui s’est passé à Anderlecht car ce n’est pas lui, c’est une carapace."
"Apprendre à se contrôler, comme Conceição"
Joaquim Rolão Preto a été l’adjoint de Bölöni au Standard, mais aussi au Sporting Portugal, où il a côtoyé Ricardo Sa Pinto. Comme tant d’autres, il le décrit comme un professionnel talentueux et passionné, parfois à l’excès. "Je l’ai connu à ses débuts au Sporting, où il avait été amené par Carlos Queiroz (ex-sélectionneur du Portugal) , dont je suis très proche. C’est un excellent professionnel, explosif, mais direct et surtout honnête. Je pense cependant qu’il doit apprendre à se contrôler, comme Sergio Conceição y est parvenu. Un entraîneur est un leader et un leader doit donner l’image de quelqu’un qui garde toujours le contrôle de la situation, même dans les moments délicats."
"Il s’est fait greffer le ligament d’un mort"
Voici pourquoi Laszlo Bölöni n’a pas aimé la conduite de Sa Pinto au Sporting Portugal.
Les déclarations de Bölöni dans l’émission La Tribune , après Standard-Antwerp, au sujet de Sa Pinto sont aussi arrivées au Portugal. Notamment celles selon lesquelles le président du Sporting de l’époque aurait affirmé : "Nous avons été champions, mais notre chance est que Sa Pinto se soit blessé au premier match."
Miguel Ribeiro Teles ne souhaite pas revenir sur cet épisode, si ce n’est pour dire : "Je n’ai jamais souhaité qu’aucun joueur du Sporting se blesse. Ce n’était bon ni pour lui, ni pour le club."
Un témoin de la scène qui souhaite conserver l’anonymat confirme, néanmoins, la version de Bölöni. "Mais il est évident que ce n’était pas l’aspect sportif qui était en cause car Sa Pinto était un joueur important. D’ailleurs, il ne s’est pas blessé au premier match, il a joué presque deux mois. Mais entre Bölöni et certains joueurs, ça ne collait pas vraiment. Sa Pinto était l’un d’eux. Il aimait avoir son mot à dire sur tout alors que Bölöni aime les joueurs obéissants. Le point de rupture a été atteint le jour où, blessé au genou, Ricardo est parti se faire greffer le ligament d’un mort en France, contre l’avis du staff médical."
"Tout avec cœur et conviction"
André Cruz a apprécié l’année passée avec le coach du Standard au Sporting Portugal.
André Cruz a côtoyé Ricardo Sa Pinto pendant un an au Sporting Portugal, l’année où celui-ci fut champion. "J’étais même assis juste à côté de lui dans le vestiaire, je ne pouvais pas l’éviter et c’est sûr que, quand il n’était pas de bonne humeur, ça se voyait tout de suite sur son visage. Dans ces cas-là, nous savions tous qu’il fallait faire attention à ce que nous disions car il était prêt à exploser. Mais c’était aussi un garçon très sérieux, toujours très correct dans ses attitudes. Un très bon joueur doublé d’un gros bosseur. Quand il a été blessé, il s’est battu pour revenir au premier plan. Tout ce qu’il fait, il le fait avec cœur et avec conviction."
Il a aussi aimé l’homme. "Il est sincère. Les pires équipiers, ce sont ceux qui vous font des coups par derrière. À mes débuts au Standard, j’en ai connu quelques-uns comme ça. J’étais tombé dans un grand club, mais certains avaient des mentalités petites et malades. Personne n’aura jamais ce genre de problème avec Sa Pinto."
Au sujet de la relation entre Sa Pinto et Bölöni, le Brésilien est plus nuancé. "Bölöni n’est pas un type facile non plus. Depuis que je ne joue plus, je m’entends bien avec lui, j’ai compris certaines choses que je ne comprenais pas à l’époque, mais nous sommes plusieurs à avoir eu des problèmes."