La chronique de Thomas Chatelle : Deila et Bruges se sont perdus
Pour notre analyste, l’équilibre entre intérêts financiers et stabilité sportive est devenu bancal dans la Venise du Nord.
- Publié le 09-03-2024 à 16h01
Au Standard, Ronny Deila s’était créé un personnage dont la signature était son salut au public, le poing fermé et le torse bombé. Il représentait un coach à la fois sûr de lui mais proche de ses joueurs, sévère mais indulgent, fonceur mais réfléchi. Aujourd’hui, il y a très peu de traces de cet entraîneur “entraînant” et rassembleur à Bruges. L’image renvoyée par le Norvégien est plutôt celle d’un coach déboussolé, subissant les déconvenues les unes après les autres dans un Club qui semble avoir perdu le nord depuis les déboires et le départ de son CEO, Vincent Mannaert.
Car si Deila parait à ce point sans réponse, c’est d’abord parce que le sommet du club est en restructuration. Avec un nouveau CEO, Bob Madou, mais toujours sans patron sportif puisque Mannaert cumulait les deux fonctions. Or, un entraîneur sans interlocuteur sportif crédible dans un club, c’est un peu comme un entrepreneur sans architecte. Cela suffit pour des petits travaux, mais pas pour modifier les fondations. Denis Odoï résumait bien son mal-être et le malaise brugeois dans son interview d’après-match contre Genk le week-end dernier quand il décrivait un coach incapable de faire des choix forts en privilégiant souvent les jeunes artistes aux vieux serviteurs, les passements de jambes aux tacles appuyés. Et c’est vrai qu’il a fallu attendre très longtemps pour que des garçons comme Skov Olsen et Philip Zinckernagel soient rappelés à l’ordre alors qu’ils donnent parfois l’impression d’être plus attentifs à leur brushing qu’à leurs replis défensifs.
Il faut dire que le “No Sweat no glory” brugeois n’est plus vraiment la priorité depuis quelques années. Les gains pharaoniques et récurrents accumulés grâce au flair de Vincent Mannaert et de sa cellule de scouting ont, en quelque sorte, mis de la poudre aux yeux de la direction brugeoise et de ses supporters. Car si la combinaison des résultats sportifs et des gains financiers a tourné à plein régime les dernières saisons, ce n’est plus le cas actuellement. Le Club n’est plus une machine à gagner mais une machine à transférer.
La faute, donc, à un équilibre entre intérêts financiers et stabilité sportive devenu bancal mais aussi à des choix d’entraîneurs. Car les Preud’homme, Leko et autre Clément qui ont fait de Bruges le premier club en Belgique, ont laissé leur place à Hoefkens, Parker et… Deila. Il n’y a donc pas que Deila qui s’est perdu à Bruges ces derniers temps…