Erik Comas : “Je suis le dernier pilote à avoir vu Senna”
Le pilote français a été secouru par “Magic” lors des essais du Grand Prix de Belgique 1992.
- Publié le 01-05-2024 à 13h30
Nous sommes le 28 août 1992. Ayrton Senna s’apprête à boucler un tour de son circuit fétiche, Spa-Francorchamps, lors des essais du Grand Prix de Belgique. Soudain, à la sortie de Blanchimont, la McLaren-Honda n°1 freine brutalement. Une Ligier git au milieu de la piste dans un nuage de poussière. À son bord, le jeune Erik Comas qui dispute sa deuxième saison en F1.
”J’étais le premier à arriver à Blanchimont après que JJ Letho a viré large et mis des graviers partout sur la piste”, se remémore le Français qui a ensuite connu une magnifique carrière au Japon et en endurance. “À partir du moment où j’ai passé le virage, je ne me souviens plus de rien. J’ai tiré tout droit dans les murs de pneus”.
Une roue a frappé le casque du malheureux pilote qui finissait son embardée folle au milieu de la piste. “J’ai dû regarder la vidéo par la suite parce que je ne me souvenais pas du tout de ce qui s’était passé. Ma mémoire n’a pas enregistré ce qui s’était passé quelques secondes avant l’accident. Ma roue avant droite a frappé mon casque et j’ai donc été mis K.-O. J’étais inconscient dans la voiture, mais j’avais toujours mon pied sur l’accélérateur”.
La suite est entrée dans la légende avec Senna bondissant hors de sa monoplace et se ruant vers Comas pour lui porter secours. “Ayrton est ensuite passé et s’est immédiatement arrêté quand il a entendu que mon moteur tournait encore entre 7 000 à 8 000 tours. Il a enlevé ses ceintures et a couru sur la piste vers moi alors que plusieurs monoplaces surgissaient. Il s’est penché vers moi et a cherché le coupe-circuit pour éteindre le moteur. Il y avait un risque d’explosion parce que beaucoup d’huile et d’essence fuyaient de la voiture. Personne ne savait ce qui pourrait arriver si tout avait pris feu. Tout aurait pu exploser, Ayrton m’a sauvé la vie à ce moment-là”.
Dix ans pour en parler
Le 1er mai 1994, à Imola, un incroyable imbroglio voulut que Erik Comas se retrouve à quelques mètres de l’épave de Senna. “Ce matin-là, pour la première fois de ma carrière, je me suis assis à côté de lui lors du briefing des pilotes. Nous étions tous sous le choc à cause des événements de ce week-end. Quand je suis arrivé au virage de Tamburello, j’ai vu l’hélicoptère, les ambulances et la voiture d’Ayrton. Ils étaient tous là. J’ai vu qu’Ayrton était déjà sur un brancard et j’ai arrêté ma voiture. Je savais que quelque chose de très grave s’était passé. J’ai été tétanisé parce que je me tenais à côté de l’homme qui m’avait sauvé de la mort deux ans plus tôt. Mais je ne pouvais rien faire et je me sentais impuissant. Ce fut si traumatisant qu’il m’a fallu dix ans pour en parler. J’ai gardé cela pour moi pendant très longtemps. J’étais le dernier pilote à l’avoir vu. Pour moi, le livre de la Formule 1 était fermé à ce moment-là”.
Et de fait. Choqué, Érik Comas refusera de prendre le deuxième départ d’Imola avant de définitivement quitter la F1 en fin de saison sans se retourner.