Samba Diawara, le coach des espoirs de Charleroi: "C’est plus gratifiant de faire éclore des jeunes que d’entraîner en D1"
Samba Diawara, T3 de Belhocine et entraîneur de l’équipe réserve de Charleroi, se confie sur sa vie zébrée.
- Publié le 10-09-2019 à 08h13
- Mis à jour le 10-09-2019 à 12h19
Samba Diawara, T3 de Belhocine et entraîneur de l’équipe réserve de Charleroi, se confie sur sa vie zébrée. Un vent nouveau a soufflé sur le staff du Sporting Charleroi en ce début de saison. Après le départ de Felice Mazzù vers le Racing Genk, l’entraîneur des gardiens, Michel Iannacone, a été limogé fin juin. Dans la foulée, Mario Notaro a quitté son poste d’adjoint principal pour se consacrer à un rôle de conseiller sportif.
Seuls deux membres du staff sont restés à leur place : le préparateur physique, Philippe Simonin, et Samba Diawara.
Le Malien d’origine, arrivé à Charleroi durant l’hiver 2018, a gardé sa double casquette reçue durant l’ère Mazzù. "Je suis l’assistant de Karim Belhocine et l’entraîneur des U21" , explique-t-il. "Mon rôle est de faire le lien entre l’Académie et la section professionnelle."
Un poste devenu d’autant plus important que le Sporting veut miser de plus en plus sur les jeunes. Entretien avec celui qui veut devenir une référence de la post-formation.
Comment vous sentez-vous dans votre rôle depuis votre arrivée au Sporting ?
"Je me sens vraiment très bien. J’habite Charleroi depuis 2007, je travaille donc dans ma ville d’adoption belge. J’adore l’atmosphère qu’il y a dans ce club. Il y a un côté très simple et familial qui facilite mon travail."
Quelles sont les grandes différences entre le mode de fonctionnement de Karim Belhocine et celui de Felice Mazzù ?
"Pour moi, il y a un mode de fonctionnement qui est celui de Charleroi. Les deux ont intégré l’environnement du Sporting et essayent de s’y faire. Chacun a sa propre approche mais il n’y a pas de comparaison à faire entre ces deux entraîneurs. Felice s’est adapté au mode de fonctionnement de Charleroi et Karim est en train de faire la même chose. Après, leurs idées ne sont peut-être pas les mêmes."
Comment décririez-vous la philosophie de Belhocine en quelques mots ?
"Karim est quelqu’un de très naturel qui dit ce qu’il a sur le cœur. C’est le cas dans son coaching mais aussi dans la vie de tous les jours. Au contraire de Felice, qui sait qu’il y a des choses à dire et à ne pas dire, Karim est sans filtre. Et cela peut plaire aux joueurs. Je ne pense pas que cela pourrait lui jouer des mauvais tours car il a de l’expérience. Il est allé à Courtrai et à Anderlecht. Si sa manière de faire a fonctionné dans ces deux clubs, il n’y a aucune raison que cela lui joue des mauvais tours à Charleroi."
En début de saison, Mario Notaro a fait un pas de côté et a quitté son rôle d’adjoint principal. Il n’y avait pas l’envie chez vous de devenir T2 ?
"Ce qu’il faut comprendre, c’est que je n’ai aucune ambition de devenir entraîneur principal. C’est quelque chose qui ne me convient pas. Je n’ai pas envie de ce mode de vie avec les contraintes que cela engendre d’un point de vue familial ou de la santé. Le rôle que j’ai actuellement est celui qui me convient le mieux car je peux continuer à m’occuper des jeunes. Si j’étais devenu T2, je ne suis pas certain que j’aurais pu continuer ce que je fais avec les U21."
On vous a quand même proposé ce rôle d’adjoint ?
"Disons que si j’avais eu cette ambition, je serais devenu T2. Mais la question ne se pose même pas parce que je suis très bien dans mon rôle actuel. Certains diront qu’il s’agit d’un manque d’ambition, mais j’adore ce que je fais. Pouvoir m’occuper des jeunes et être dans le staff des pros, c’est ce que j’aime. Cela me fait des journées bien remplies mais je préfère cela aux tracas d’un entraîneur principal. Personnellement, je trouve plus gratifiant d’essayer de faire éclore des jeunes que d’entraîner en D1. J’espère devenir une référence au niveau de la post-formation. Mon rêve est d’être dans un club qui mise sur la post-formation et qui lance tous les ans des jeunes : Lyon, l’Ajax, Athletic Bilbao, Dinamo Zagreb… Pour moi, c’est cela le plus valorisant."
Plusieurs jeunes comme Nkuba et Keita ont été intégrés au noyau pro. C’est une volonté du club ou c’est la génération qui est meilleure que les saisons précédentes ?
"C’est une vraie volonté du club. Mon engagement est allé dans ce sens-là. On essaye d’améliorer le centre de formation et le club veut s’appuyer de plus en plus sur nos jeunes talents mais cela va prendre du temps. Ce n’est pas encore assez concret à l’heure actuelle. Les clubs qui ont l’habitude de jouer avec des jeunes issus de leur académie n’ont pas fait cela du jour au lendemain."
L’écart entre les U21 et le monde professionnel est encore trop grand ?
"L’écart est encore important mais nous sommes en train de le combler au fur et à mesure. Des efforts énormes sont faits par le club et ils finiront par porter leurs fruits dans les années à venir. Je suis persuadé que nos meilleurs jeunes finiront par éclore dans notre équipe première."
Quels sont les objectifs de l’équipe U21 cette saison ?
"Être champion en U21, cela ne rapporte rien… Je préfère qu’on soit derniers en U21 et qu’on amène de l’école des jeunes un joueur titulaire chez les pros dans un an. Si on pose la question à tous nos entraîneurs et dirigeants, ils préféreront ne pas avoir de résultats en jeunes mais qu’on parvienne à alimenter notre équipe première."
Quelle est la philosophie que vous essayez d’inculquer aux U21 ?
"En termes de technique, tactique, physique ou mental, le gros du travail est déjà fait par les formateurs de l’école des jeunes. En U21, nous essayons surtout de les confronter un maximum à ce qui pourrait les attendre au sein d’un noyau professionnel. Nous devons leur montrer ce que c’est d’être pro. Le plus important est de leur faire comprendre qu’arriver une minute en retard à un entraînement, cela ne passe pas chez les professionnels. La différence se fait par ces détails qui font que l’on peut voir si un joueur est fiable ou non. Car dans le football, le moindre petit écart peut pénaliser définitivement."
"Je suis arrivé en Belgique grâce à Enzo Scifo"
Si Samba Diawara est maintenant un visage connu au Sporting Charleroi, tout le monde ne connaît pas son parcours en tant que footballeur. Né à Paris de parents maliens, c’est au Red Star que le défenseur a débuté sa carrière. "J’y ai fait toute ma formation, c’est le deuxième club phare à Paris après le PSG", se souvient-il. "J’ai été lancé en Ligue 2 à l’âge de 17 ans avant d’être recruté par Troyes en Ligue 1. Et même si cela peut sembler bizarre, j’étais plus heureux en Ligue 2 qu’en Ligue 1… J’étais plus épanoui un cran en dessous. En Ligue 1, je ne me suis pas senti dans mon élément."
Après deux prêts en France, Diawara atterrit en Belgique grâce à… Enzo Scifo. "Scifo reprenait la gestion de Tubize à cette époque et essayait de mettre une équipe en place", explique le Malien. "Je ne le connaissais pas personnellement et il m’a demandé si j’étais intéressé de le rejoindre. Il m’a accueilli comme un roi en étant très humble. Avec un tel accueil, je ne pouvais pas refuser… J’ai passé trois belles saisons là-bas avant de rejoindre l’Olympic Charleroi quand Enzo était en partance de Tubize."
Après un passage à l’Union saint-gilloise et un retour à Tubize, Samba Diawara a une idée bien précise en tête durant sa carrière de joueur : celle de devenir entraîneur. "J’étais même pressé d’être entraîneur", sourit le Malien. "J’ai débuté très tôt chez les professionnels et il m’est arrivé pas mal de galères durant ma carrière qui m’ont fait comprendre que le monde du football ne dure pas longtemps pour un joueur. J’ai passé mes diplômes à Clairefontaine assez tôt avec cette idée de devenir formateur."
Aujourd’hui à Charleroi, celui qui a été international malien durant sa carrière n’oublie pas son pays d’origine. Un pays pour lequel il pourrait travailler… mais pas à court-terme. "J’ai envie d’avoir un jour un projet de formation en Afrique", explique l’homme de 41 ans. "Mais cela me semble compliqué pour l’instant. Tant que les dirigeants actuels, qui étaient déjà en place quand j’étais joueur, sont à leur poste, je ne veux pas travailler pour le Mali. Mais quand les joueurs maliens que j’ai cotoyés prendront le pouvoir de la gestion du football malien, pourquoi pas. Mais à court-terme, je suis bien à Charleroi : tant que je peux travailler dans les conditions actuelles, je n’ai aucune raison d’aller voir ailleurs."
"Mazzu voulait que je l'accompagne"
Diawara a préféré rester à Charleroi plutôt que de suivre son mentor à Genk.
Le 3 juin, une page se tournait au Sporting Charleroi avec le départ de Felice Mazzù vers le Racing Genk. Après avoir passé six saisons à la tête du club, le Carolo a décidé de se tester un cran plus haut, chez les champions en titre.
"Ce départ n’a pas été évident aussi bien pour le club en lui-même que pour les gens qui ont travaillé avec lui", avance Samba Diawara. "C’est lui qui m’a fait venir à Charleroi et le feeling est très bien passé entre nous. Je sentais qu’il pouvait partir d’un moment à l’autre. Il a fait un super travail à Charleroi, il avait des sollicitations et il se devait de franchir le pas."
Dans la foulée de ce départ, le nom de Samba Dawara circulait dans les travées de la Luminus Arena pour accompagner Mazzù comme adjoint.
"Felice m’avait dit, avant de partir, qu’il voulait que je l’accompagne où qu’il aille", continue le T3 carolo. "Cela m’a flatté qu’il veuille continuer avec moi. Mais ici à Charleroi, je suis arrivé au sein d’un club où l’on m’accorde beaucoup de confiance et où on me laisse faire mon travail. C’est un luxe que je ne suis pas sûr de pouvoir retrouver ailleurs. C’est peut-être un manque d’ambition mais je l’assume totalement."
Même le fait que le Racing Genk jouera la Ligue des champions en septembre n’a pas fait changer Samba Diawara d’avis. "Je coacherai peut-être en Youth League avec les U21 de Charleroi…" sourit-il. "Je n’ai pas joué la Ligue des champions en tant que joueur, mais bien la Coupe Intertoto avec Troyes, et je n’en ai jamais fait une obsession. Je remets toujours tout ce que je fais à l’échelle de ce que j’ai envie de faire. J’espère simplement être dans un club, Charleroi ou un autre, qui fera la part belle aux jeunes et avec lequel je pourrai avoir un rôle important dans cet environnement."