Fanta, kebab, Pampers, Doku, équipe nationale et son avenir, Ciske Amuzu se livre à coeur ouvert : “Vazquez sprinte à 36 km/h comme moi”
Prêt à remplacer Thorgan et héros contre l’Union, Ciske Amuzu parle pour la première fois depuis son opération
- Publié le 19-04-2024 à 03h00
- Mis à jour le 19-04-2024 à 07h24
Le numéro 7 magique du PSG est porté par Kylian Mbappé, celui d’Al Nassr par Cristiano Ronaldo et celui d’Anderlecht par Francis Amuzu. Sans vouloir comparer Ciske aux plus grands footballeurs de la planète, le Belgo-Ghanéen à l’éternel sourire est bien parti pour devenir une légende à Anderlecht s’il offre le premier titre en sept ans au Sporting en marquant des buts comme contre l’Union dimanche passé. Et dire qu’il vient de loin. De très loin. Voici sa première interview depuis son opération.
Le rendez-vous est fixé au Supercup Lounge du Lotto Park, où est exposée l’énorme Supercoupe européenne que le Sporting a remportée en battant le Bayern Munich (2-1 à Munich, 4-1 à Anderlecht) et Liverpool (3-1 à Anderlecht, 2-1 à Anfield). Amuzu : “Anderlecht a gagné cela dans le passé ? En quelle année ?”
En 1976 et 1978. Pour le Sporting actuel, ce serait déjà un petit miracle de remporter le titre, après tant d’années de galère. Vous les avez toutes vécues de près.
”J’ai une faim énorme de remporter le titre. Cela fait presque dix ans que je suis à Anderlecht. En jeunes, on était presque toujours champion. Et depuis que je suis dans le noyau A – fin 2017 –, je n’ai plus rien gagné.”
Vazquez est aussi rapide que moi : dès qu'il a sa foulée, il fait aussi du 36 km/h."
Vous vous étiez entraîné avec le groupe de René Weiler qui avait gagné le dernier titre ?
”À 17 ans ? Non. Je jouais la Youth League. Je n’étais même pas présent à la fête du titre qui avait lieu dans le stade. Je ne sais pas ce que c’est d’être champion avec les grands.”
Contre l’Union, vous avez marqué un but qui pourrait rapporter le titre. Cette saison, vous ne marquez que des buts importants ou de grande classe.
”On voulait absolument la gagner, cette finale contre l’Union. Surtout après la longue série de défaites. Mais le plus beau de mes quatre buts, c’était quand même mon lob contre Malines. Je crois que c’est le plus beau de ma carrière. Je crois l’avoir revu dix fois. Contre Charleroi, je marque le 2-1 de la tête (NdlR : sur centre de Sardella, comme dimanche) après avoir raté une énorme occasion auparavant. Et à Genk, ma frappe enroulée n’était pas mal non plus (rires).”
Justement, c’est à Genk que vous allez ce samedi. Entre-temps, Anouar Aït El Hadj a marqué un but similaire, contre l’Antwerp.
”Je veux de toute façon gagner contre Anouar. On se parle beaucoup. C’est mon meilleur ami, avec Doku. Il y a deux semaines, il est encore passé chez moi. On a mangé ensemble pendant le Ramadan.”
Doku et moi, on se parle tous les jours. Parfois, je me fâche quand il ne peut pas jouer."
Vous savez qui est votre bête noire en D1A ?
”Non. C’est Genk ?”
Oui. 11 défaites en 18 matchs. Mais vous savez contre qui vous avez fait le sprint le plus rapide de votre carrière, en 2021 ?
”C’est aussi Genk, hein ? C’était du 36,5 km/h ? C’est encore mon record. J’avais atteint cette vitesse dans un long sprint.”
Vous êtes encore le plus rapide de l’équipe ?
”J’espère être le plus rapide du championnat (rires). Vous savez qui sont mes principaux concurrents à Anderlecht ? Vazquez et Ashimeru. On ne le dirait pas, mais Vazquez fait aussi du 36 à l’heure. Pas dans ses premiers mètres, mais dès qu’il est lancé. Et Majeed, lui, est très rapide balle au pied. Je suppose qu’on a cela dans nos gènes, en tant que Ghanéens. Jérémy (Doku) en est le meilleur exemple.”
Qui est le plus explosif, Jérémy ou vous ?
”Il est phénoménal sur ses premiers mètres. De 0 à 100, c’est comme une bombe. Si moi, je fais ça, je me déchire tout (rires). On avait un peu le même problème : on était rapide, mais on se précipitait au lieu de lever la tête. Mais quand on voit son évolution… On se parle tous les jours. Il voit tous mes matchs et il me donne des conseils. Parfois, je me fâche un peu quand il ne peut pas monter au jeu, comme au Real Madrid, où il aurait fait la différence, vu les espaces qui se créaient (l’interview a eu lieu avant le match retour). J’aimerais tant aller voir un de ses matchs à City, mais mon programme ne me le permet pas.”
Vous rêvez d’un transfert comme le sien ?
”Quand il était encore à Anderlecht, je savais qu’il atteindrait le top en Europe. Moi, je vais suivre un autre parcours que le sien. Chacun a sa propre route. Mais vu ma longue inactivité, je ne pense pas à un transfert en ce moment. J’ai un contrat jusqu’en 2025. Dans ma tête, je me dis que je vais rester une saison supplémentaire. Mais bon, on ne sait jamais ce qui se passe dans les sept derniers matchs des playoffs.”
Riemer vous voyait comme joker pour ne pas vous brûler mais la blessure de Thorgan va changer votre statut.
”Normalement, je n’aime pas être un joker. Mais vu que je sors d’une longue blessure, je comprends sa vision des choses. Or, je me sens bien. S’il a besoin de moi au coup d’envoi, je répondrai présent. J’aime les playoffs.”
Quel est votre secret ? Vous étiez déjà le meilleur Anderlechtois lors des playoffs en 2022…
”J’avais marqué quatre buts en six matchs, mais je peux encore jouer mieux que ça. Depuis que je parle avec un psychologue, je suis plus calme sur le terrain. Quand mon agent me l’a conseillé, je pensais que ce ne serait rien pour moi. Je me suis trompé. Il m’aide vraiment. Je ne réfléchis plus trop, je fais mes actions. Je me souviens d’une période dans ma carrière où je n’osais pas faire d’actions. Chaque fois que j’avais le ballon, je donnais une petite passe en retrait.”
J'étais un buveur de Fanta. Mais comme les kebabs, c'est fini."
Il paraît que vous avez aussi changé votre hygiène de vie.
”En effet. Depuis deux ans, je me rends compte du fait que je suis un joueur pro et qu’il faut donc vivre comme un pro. Les sodas, c’est fini. Si je bois un Fanta, c’est quand j’ai un jour de congé. Avant, j’étais un buveur de Fanta. Les kebabs, c’est fini aussi. Je mange beaucoup de légumes et de fruits, je prends mes vitamines, je bois beaucoup d’eau pour éviter les crampes.”
On ne voit plus de trous dans vos chaussettes de foot ?
”C’est interdit ! C’est un peu embêtant, parce que je sens vraiment la tension sur mes mollets. J’essaie d’étirer au maximum mes chaussettes avant de les mettre, mais ce n’est pas la même chose.”
Il paraît aussi que vous avez chez vous l’appareil “Robocop” promu par Haaland, qui accélère la récupération et ravive vos muscles.
”Oui, j’investis beaucoup dans des choses pareilles. Je suis des traitements chez le physio après les entraînements, je fais de la cryothérapie (un traitement qui utilise le froid pour améliorer la récupération).”
Amara, ma petite fille de 5 mois, me faisait oublier que j'étais blessé."
L’opération à vos adducteurs était la première de votre vie ?
”Oui, c’était un petit choc. J’avais d’ailleurs la tête qui tournait quand je me suis réveillé après mon anesthésie (rires). Mais l’opération était vraiment nécessaire. En fait, j’avais mal aux abdominaux depuis le début de la saison, à cause des entraînements intensifs. J’ai subi une première petite intervention en novembre, mais ma montée au jeu en décembre contre le Standard s’est mal passée. Les trois mois et demi de rééducation étaient longs. Mais je n’ai pas perdu mon sourire. Surtout grâce à ma petite fille, Amara, qui est née le 21 novembre. Elle me faisait oublier que j’étais blessé. Entre-temps, elle a cinq mois. Elle est adorable.”
Elle ne vous empêche pas de dormir ?
”Non. Elle ne pleure que quand elle a faim ou pour changer sa couche et, oui, je l’ai déjà changé ! Mais c’est généralement madame (Nora Chadili, qui a un institut de beauté) qui s’en occupe (rires).”
Revenons au foot. Vous appelez encore Luc Nilis, qui vous a aidé pendant son très court passage à Anderlecht en tant qu’entraîneur des attaquants ?
”Non, on n’est plus en contact. C’est vrai qu’il m’avait donné de bons conseils. J’avais été voir ses buts sur YouTube et je dois dire qu’il a inscrit quelques perles. Du pied droit et du pied gauche. Un entraîneur des attaquants peut aider à rester calme devant le but.”
Et votre papa, il vous suit encore de près ?
”Oui. Il regarde mes matchs à la télé. Quand on perd, il ne m’appelle pas le jour même, mais le lendemain. Après ma montée au jeu au Club Bruges, par exemple, il m’a appelé le lundi pour dire que j’aurais dû lober le gardien quand je me suis retrouvé seul devant lui. Vous savez qu’au Ghana – je suis retourné deux fois à Accra, où je suis né –, mon papa est plus populaire que moi ? C’est parce qu’il a joué en D1 là-bas (Théophilus Amuzu a joué quelques matchs au Standard et à Malines).”
Si le Ghana vous avait sélectionné pour la Can, vous seriez allé ?
”Ils l’ont plus ou moins demandé, mais ils savaient que j’étais blessé. J’aurais peut-être dit oui. Vu que je n’ai pas su y aller, j’ai encore le choix entre la Belgique et le Ghana. J’ai le temps avant de trancher entre ces deux pays pour lesquels j’ai un grand respect. Il est clair que j’ai suivi le Ghana à la Can. Il y a une autre ambiance qu’ici, notamment avec la musique africaine.”
Et votre frère de 19 ans, Joseph ?
”Malines l’a prêté à Helmond Sport (13e en D2 aux Pays-Bas). Il a connu un petit creux, mais il va mieux. Il joue au même poste que moi, mais il est plus grand et plus musclé. Non, il n’est pas aussi rapide que moi. Mais il a une bonne frappe aussi ! Ce serait un rêve de jouer un jour avec lui dans la même équipe.”