Marko Marin veut donner des ailes à Anderlecht
En se faisant prêter l'international allemand pour six mois, les Mauves ont peut-être réussi le plus beau coup du mercato hivernal belge. Mais où le placer sur l'échiquier de Besnik Hasi ? Tentative de réponse...
- Publié le 21-01-2015 à 11h31
- Mis à jour le 21-01-2015 à 11h33
Ailier ou numéro 10, Marko Marin offre des solutions supplémentaires à Besnik Hasi.
En réussissant à convaincre Marko Marin de déposer ses valises à Saint-Guidon, Roger Van den Stock vient de réaliser un des fantasmes de son père : transférer un international allemand. A l'époque où Anderlecht s'invitait au banquet des meilleures formations du continent, Constant avait espéré embrigader un meneur de jeu venu d'outre-Rhin, un certain Wolfgang Overath. Celui qu'on surnommait le "numéro 10 par excellence" est alors en conflit avec son entraineur à Cologne. Le président bruxellois enverra une proposition de contrat au brillant meneur de jeu qui ne lui répondra jamais. Il aura donc fallu attendre plus de quarante ans supplémentaires pour qu'un membre de la Mannschaft inscrive son nom dans le livre d'or du Parc Astrid.
Avec 16 sélections et un but contre nos Diables rouges, le CV international de Marko Marin est loin de rivaliser avec celui d'Overath (81 sélections, 17 goals). Surtout que son dernier appel sous le drapeau ligné horizontalement de noir, de rouge et de jaune remonte au 17 novembre 2010 quand il avait disputé une heure de jeu d'un amical contre la Suède avant de céder sa place à Toni Kroos. Depuis lors, la carrière des deux hommes a connu des trajectoires bien différentes.
Un pas en arrière pour mieux sauter et retrouver certains sommets. Voilà l'ambition de ce gamin né à Gradiška, en Bosnie, voici bientôt 26 ans, qui était considéré comme l'une des plus belles pépites d'une génération dorée pourtant composée de Mesut Özil, Marco Reus, Toni Kroos, Thomas Müller ou André Schürrle. Avant de se perdre à Chelsea dans les blessures musculaires et de ne pas ressusciter lors de ses prêts à Séville et à Florence.
Du coup, Anderlecht fait-il une bonne affaire ou risque-t-il de connaître un fiasco semblable à celui connu avec Demy De Zeeuw il y a deux saisons? Et surtout, où placer le nouveau venu dans une organisation offensive bien huilée mais qui sera privée de son maître à jouer Dennis Praet dans les semaines à venir? Tentons donc d'analyser le jeu du nouveau numéro 11 mauve pour répondre à ces questions.
Rapidité, verticalité, créativité : Mönchengladbach qualität
Membre du centre de formation de l'Eintracht Francfort jusqu'à ses 15 ans, Marin décide de poursuivre son écolage du côté du Borussia Mönchengladbach. Un club prestigieux réputé pour son football attractif et pour y avoir révélé quelques grands joueurs comme Günter Netzer ou Jupp Heynckes. Rapidité, verticalité, créativité sont les mots d'ordre chez les Fohlen. Des exigences qui siéent parfaitement au style du jeune et de son mètre 70. Explosif et habile dribbleur, il se révèle être un joueur d'action, toujours en recherche de cette efficacité chère au football allemand.
Ironie de l'histoire, c'est contre Francfort qu'il dispute ses premières minutes en Bundesliga en mars 2007. Il offre l'égalisation aux Fohlen qui seront cependant relégués à l'étage inférieur à la fin de la saison. Mais cette expérience dans l'antichambre de l'élite est bénéfique. Marin devient concret et délivre 13 passes décisives, la plupart depuis le côté gauche.
Malgré le fait qu'il n'évolue pas en Bundesliga, il est repéré par Joachim Löw qui l'intègre progressivement dans le groupe de la Mannschaft. Après avoir confirmé ses bonnes dispositions parmi l'élite, il file au Werder Brême qui compte dans ses rangs une autre grande promesse en la personne de Mesut Özil.
Pendant que l'actuel joueur d'Arsenal distribue le jeu et les caviars, Marin fait office de détonateur sur la gauche où sa percussion, sa capacité d'éliminer un adversaire et de combiner en une-deux font merveille. Présentant une feuille de "stats" de 4 goals et 10 assists, l'ailier de poche délivre aussi 1,7 "passes clé" par match et réussit 2,9 dribbles en moyenne. Il apparaît comme le parfait complément d'Özil, mais verra ses prérogatives évoluer avec le départ de ce dernier au Real Madrid.
Thomas Schaaf, Unai Emery et la lubie du numéro 10
Orphelin de son playmaker, Thomas Schaaf pense trouver le successeur idéal en la personne du Brésilien Wesley. Un flop qui pousse le technicien à moustache à confier les clés du camion à Marko Marin dans un 4-4-2 en losange où il est épaulé par Hunt alors que Fritz et Bargfrede font le "sale boulot". La formule marche puisque le club hanséatique relève la tête, mais son nouveau 10 ne brille pas. Moins à l'aise dans un registre où il doit plus faire parler sa vista que sa percussion dans les petits périmètres, le rendement de Marin en pâtit. Plus précis dans le "passing" en touchant plus de ballon, le joueur de poche voit son rendement offensif baisser. De quoi lui valoir quelques détours sur le banc. Car en Allemagne, on ne pardonne pas les baisses de rendement.
A Chelsea, José Mourinho avait l'intention de l'utiliser comme ailier de percussion mis en concurrence avec Eden Hazard qui présente un style quasi identique. Mais ce plan ne pourra jamais être mis en pratique, la faute aux adducteurs de Marin qui le priveront des premiers matches de la saison, laissant ainsi le champ libre à notre compatriote.
Prêté à Séville, l'Allemand retrouve le rôle de playmaker. Car dans l'esprit d'Unai Emery, c'est dans le rôle confié par Schaaf à Brême que Marin est susceptible d'apporter quelque chose. Mais le technicien espagnol, qui l'essaiera aussi en deuxième attaquant aux côtés de Bacca, déchantera très vite, faisant très rapidement de son renfort un remplaçant à l'image de cette finale de l'Europa League où il montera à la 78e avant de céder sa place à la...104e.
Plutôt Praet ou Boussoufa ?
L'arrivée de Marko Marin en a surpris plus d'un surtout que la priorité de recrutement du côté bruxellois semblait être un défenseur central. Néanmoins, vu les interrogations autour du rétablissement de Matias Suarez, le nom d'un certain Mbark Boussoufa avait circulé dans les travées du Parc Astrid au début du mercato. Mais le deal s'était vite révélé impossible. Avec l'absence de Dennis Praet, certains ont vu en Marin la doublure idéale. Mais finalement de qui est-il le plus proche ? De Praet ou de Boussoufa ?
Pour Besnik Hasi, c'est le Marocain. Les similitudes ne manquent pas, à la différence près que ce dernier est un véritable "bouffeur" de ballons qui a besoin d'en avoir un maximum dans les pieds pour s'exprimer. En moyenne, il en joue deux fois plus que l'Allemand.
Une boulimie qui aurait pu s'avérer embêtante pour Dennis Praet, désormais dépositaire du jeu des Mauve mais qui ne distribue en moyenne que 28 à 29 ballons par rencontre, préférant concentrer ses efforts sur la recherche de l'espace. Autant dire que le style du tout nouveau Soulier d'or pourrait s'avérer très complémentaire avec la nouvelle recrue allemande qui recherche l'axe avec la balle au pied. Des courses croisées des deux gaillards pourraient s'avérer une arme redoutable pour faire bouger des blocs défensifs très regroupés.
Car malgré ses nombreux talents offensifs, Anderlecht manque d'un "passe-partout" quand le coffre est fermé à double tour. Suarez squatte l'infirmerie, Najar n'a pas l'explosivité d'un Acheampong qui ne peut la faire parler que lors des phases de contre. Quant à Ibrahima Conte, il pourrait avoir le profil, mais il manque cruellement d'efficacité et de confiance.
Autant dire qu'en plus de sa polyvalence et de son expérience, les dribbles du "Messi allemand" dans les petits périmètres risquent de souvent soulager à l'ombre de Saint-Guidon.
Gauche caviar au Parc Astrid ?
Où donc positionner Marko Marin sur l'échiquier de Besnik Hasi ? Le flanc droit est la propriété d'un Andy Najar qui s'avère moins intéressant dans l'axe comme on a encore pu s'en rendre compte contre Galatasaray. De même, Ibrahima Conte, souvent aligné à gauche au premier tour, pourrait s'épanouir sur l'autre flanc, là où il force moins les dribbles pour privilégier le geste juste.
L'axe semble promis à Dennis Praet et les derniers matches montrent que le remplacement du Soulier d'or par un triangle composé de Dendoncker en 6 avec Defour et Tielemans en 8 tient la route. Certains scénarios de matches pourraient obliger Hasi à positionner Marin dans l'axe, près de son avant-centre. Mais comme expliqué précédemment, ce n'est pas dans ce rôle que l'international teuton excelle le plus. N'en déplaise à Schaaf et Emery.
C'est donc à gauche, où Anderlecht a peiné à trouver des solutions au repostionnement axial de Deschacht et Praet, que Marin pourrait combler le manque de régularité du duo Conte - Acheampong et l'inexpérience de Kawaya. Et comme le nouveau numéro 11 bruxellois n'est pas contre le fait de combiner avec un latéral assez porté vers l'offensive, il devrait se régaler avec N'Sakala, voire Acheampong derrière lui.
Marko Marin ne sera donc pas superflu à Anderlecht comme l'affirment certains. Le gros bémol, c'est qu'il ne pourra pas disputer l'Europa League puisqu'il a disputé 4 duels avec la Fiorentina lors desquels il a fait trembler les filets à deux reprises (contre Minsk et Guingamp). Mais si les Mauves veulent avoir des ambitions sur les trois fronts où ils sont engagés, il fallait renforcer les postes offensifs. La récente blessure de Praet et les absences pour cause de CAN de Conte et Acheampong en sont les meilleurs exemples.
Si les qualités et le talent de l'international allemand ne font aucun doute, on peut néanmoins se poser des questions sur son physique. Souvent gêné par de nombreux problèmes musculaires, en particulier aux adducteurs, le Bosnien de naissance pourra-t-il retrouver son niveau brêmois ? C'est toute la question, surtout quand on repense au flop constitué par Demy De Zeeuw, autre grand nom récemment passé par Saint-Guidon mais qui avait connu une blessure plus lourde et ne semblait plus concerné à 100% par son métier.
A Séville et à Florence, Marin ne fut que l'ombre de ce qu'il a pu être. Mais, il ne semble pas du domaine de l'impossible qu'il puisse retrouver toutes ses sensations en Pro League, surtout à 25 ans. Car finalement, n'avait-on pas dit aussi de Kevin Mirallas, qui évolue dans un registre assez proche du Teuton, qu'il s'enterrait à l'Olympiacos après son échec à Saint-Etienne ?