Les Belges du bout du monde (5/10): Luca Polizzi, du centre de formation de Genk à Chypre en passant par la Croatie
Passé par le même club que le Ballon d’Or, Luca Polizzi se retrouve dans une impasse à Chypre.
- Publié le 06-01-2019 à 12h02
- Mis à jour le 06-01-2019 à 12h03
Passé par le même club que le Ballon d’Or, Luca Polizzi se retrouve dans une impasse à Chypre. Le garçon est trop bien élevé pour nourrir de la rancune. Ou du moins l’exprimer.
Au moment de se retourner sur son parcours, sur cette carrière qui a pris une route autrement plus sinueuse que celle d’autres produits du centre de formation de Genk, Luca Polizzi, 22 ans, soupire. Lui qui fait partie de la génération 96 comme Bryan Heynen, qui a côtoyé Yannick Carrasco dans sa famille d’accueil limbourgeoise lâche : "il n’y a pas de jalousie. Chacun suit son chemin. Certains ont eu leur chance, pas d’autres. Cela fait partie du foot. On dit souvent qu’on laisse la chance aux jeunes en Belgique mais ce n’est pas tout le temps le cas. Pas assez je trouve. Après, si j’en veux aux dirigeants de Genk ? Oui et non. Je ne vais pas cracher dans la soupe non plus. J’ai été bien formé durant cinq ans, il m’a manqué cette opportunité d’avoir ma chance. Ne serait-ce que faire la préparation avec les pros…"
Mais cette main tendue s’est refusée au Bruxellois, passé par le RWDM jusqu’à 13 ans et qui a rallié Genk où il a également joué avec Anthony Limbombe.
Ce milieu offensif gaucher y a cru pourtant au sortir de sa bonne saison 2015/16 où il était allé chercher et trouver du temps de jeu au MVV Maastricht. 34 matchs dont 24 titularisations pour cinq buts et deux passes décisives : le bilan de sa première saison chez les grands était loin d’être infamant. Mais n’a débouché sur aucune offre de contrat, lui qui arrivait en fin de bail.
"Je m’y attendais pas trop. Comme quoi, le foot, ce n’est pas facile", avoue-t-il. "À ce moment-là, je n’avais plus trop de propositions en Belgique ou en Hollande ou alors à des niveaux trop bas. J’ai donc décidé de partir un an en Croatie."
Un agent lui propose alors la Croatie. Le choix est délicat. Le risque assumé. "Mais je n’avais pas énormément d’option : soit j’allais en Croatie, soit je perdais une saison, ce qui n’est jamais bon. Ce n’est pas facile à gérer. Tout le mois de juillet, je n’avais rien. Aucune proposition. Arrivé en août, il fallait vite trouver. Quand tu vois tout le monde reprendre et pas toi, c’est stressant. Pour la famille, pour toi."
Après un essai au Slaven Belupo où le courant ne passe que moyennement avec l’entraîneur, Luca Polizzi signe à l’Inter Zapresic, club fréquenté par un autre Luka, Modric, douze ans plus tôt.
"Quand j’ai signé à Zapresic, on m’a dit que je serai peut-être le futur Modric. Mais ce n’est pas le cas", sourit le milieu qui se retrouve dans un environnement qui tranche avec celui connu en Belgique ou aux Pays-Bas. "Quand on parle de la Croatie, on pense toujours d’abord à la sélection. Je me suis dit qu’ils avaient une bonne équipe. Je ne connaissais pas le niveau."
Qui se rapproche, à l’exception des trois grosses équipes, le Dinamo Zagreb, l’Hadjuk Split et Rijeka, "au bas de classement de la D1A ou à celui de la D1B".
Le tout dans des ambiances loin d’être passionnelles et dans un environnement pas vraiment professionnel.
"On n’avait qu’un terrain pour les matchs et les entraînements, pas de salle de fitness, on s’entraînait une fois par jour, et encore, avec toujours les mêmes séances. Ce n’était pas pro. En Croatie, on était deux étrangers, il y avait un Allemand qui parlait anglais. Lui aussi était habitué à un encadrement plus pro et on avait pris un coach personnel pour faire deux ou trois séances par semaine", explique le Bruxellois qui a apprécié la douceur de vie, la proximité de la capitale Zagreb, à 20 minutes de route seulement, mais qui, après une saison, a préféré mettre le cap vers l’Apollon Limassol.
Polizzi débarque à Chypre en août dans un club qui franchit les tours préliminaires de la Ligue Europa jusqu’à se hisser en poules. Mais ce qui s’apparente à une bonne nouvelle se transforme en coup dur.
"Avec cette qualification, un gros recrutement a été effectué en fin de mercato avec des joueurs d’expérience et je n’ai pas eu l’occasion de jouer".
En janvier 2018, il se fait prêter à l’Olympiakos Nicosie où, de son propre aveu, il vit "ses meilleurs mois".
"Je rejouais tous les matchs, j’étais décisif." Ce prêt stimule ses envies de temps de jeu et le pousse, l’été dernier, à son retour à l’Apollon à en solliciter un nouveau, à Pafos.
Où, après trois journées et deux titularisations pour lui, l’entraîneur est remercié pour être remplacé par un certain Zeljko Kopic, l’ancien coach de Slaven Belupo qui ne voulait pas forcément du Bruxellois… "Il ne m’aime pas et depuis, du coup, je ne joue pas".
"Quand j’ai vu qu’il était cité, j’ai compris que cela ne sentait pas bon pour moi. Et cela s’est confirmé", lâche un brin fataliste le milieu. "Je m’entraîne bien mais il a son a priori de Croatie. Ce n’est pas évident."
Et surtout très problématique d’un point de vue réglementaire : avant son prêt, Polizzi a évolué deux petites minutes en Ligue Europa avec l’Apollon et la Fifa interdit à un joueur de jouer pour trois clubs sur une même saison.
"Du coup, je suis bloqué, je ne peux partir nulle part et même pas revenir à l’Appolon car ce n’est pas possible à Chypre. Ce n’est pas évident du tout. Je peux aller nulle part. Sauf dans les pays comme la Finlande qui vont reprendre leur championnat en février mais cela ne m’intéresse pas. Je n’ai pas envie de repartir sans être sûr de jouer. Je vais terminer la saison ici, faire le point car j’aurai encore un an de contrat et si j’ai des propositions plus proches de la Belgique, pourquoi pas ? C’est ce que j’aimerais bien. Mais ce n’est pas évident, surtout quand on ne joue pas", précise-t-il, très lucide sur son cas. Mais aussi combatif et bien aidé par la présence de sa petite amie qui le suit depuis la Croatie.
"Si j’ai la crainte d’être oubliée ? C’est déjà un peu le cas je pense. Mais dans le foot, ça va vite. Je ne lâcherai pas. Il y a toujours ce facteur chance qui n’est pas encore de mon côté. J’espère que ce sera bientôt le cas."