Les Belges du bout du monde: Kevin Ntika (2/10) est un "miraculé" passé tout près de la mort "mais je suis footballeur pro"
Après avoir échappé miraculeusement à la noyade au début de son adolescence, Kevin Ntika (23 ans) s’est battu pour passer professionnel. Cette saison, il a même joué la Ligue Europa avec un club… lituanien.
- Publié le 02-01-2019 à 22h54
- Mis à jour le 02-01-2019 à 22h59
Après avoir échappé miraculeusement à la noyade au début de son adolescence, Kevin Ntika (23 ans) s’est battu pour passer professionnel. Cette saison, il a même joué la Ligue Europa avec un club… lituanien. La première fois que le nom de Kevin Ntika est apparu dans les journaux, ce n’était pas dans la rubrique sportive mais dans les faits divers. "À 13 ans, je me suis noyé dans la mer du Nord à Ostende", raconte-t-il. "C’était en 2009 lors d’un voyage avec le patro Notre-Dame de la Joie de Bruxelles. On était sorti du groupe avec des copains pour aller se baigner. Mais c’était une zone interdite. Mes copains ont réussi à sortir de l’eau mais pas moi. Je suis resté entre sept et huit minutes sous l’eau avant que les sauveteurs me trouvent et me sortent."
Sept-huit minutes sous l’eau, c’est un délai trop long normalement, non ?
"Oui, je suis un miraculé. Tout le monde pensait que j’allais mourir, les docteurs aussi. Au quatrième essai, j’ai enfin eu une réaction. Les médecins disaient à mes parents que, si je m’en sortais, j’allais garder de graves séquelles. Comme ne plus pouvoir marcher ou ne plus pouvoir réfléchir. Mais aujourd’hui, je suis footballeur professionnel (sourire)."
Et votre parcours a commencé à… Ostende !
"Oui, un clin d’œil du destin ! Je suis Bruxellois mais j’ai fait ma formation à Zulte Waregem puis à Ostende où je suis parti quand j’étais chez les U21."
Quand vous étiez à Ostende, la mer ne vous faisait pas peur ?
"Non car je n’ai gardé aucun souvenir de cette noyade. J’habitais d’ailleurs sur la digue à Ostende (rires) ! Chaque matin en me levant, je repensais à cette histoire. Encore aujourd’hui, ça me donne de la force dans la vie et sur le terrain. Ça me permet aussi de relativiser certaines choses."
Comme quand Ostende ne vous offre pas de contrat pro à la fin de votre formation ?
"Oui, voilà. Je ne me trouvais pas moins méritant que certains jeunes qui montaient dans le noyau A pourtant. Sébastien Siani, un ami, ne comprenait pas non plus pourquoi je ne recevais pas ma chance. Mais bon, je n’ai pas baissé les bras. Je suis parti à Coxyde mais sans oublier mon envie de percer chez les professionnels."
Cet été, vous avez touché au but en signant un contrat à Trakai, un club de D1 lituanienne. Comment vous retrouvez-vous là-bas ?
"Le Belge Étienne Mukanya (NdlR : ex-Union) jouait déjà à Trakai. Via son agent, j’ai pu obtenir un test. Au bout de trois jours, j’ai reçu un contrat jusqu’à la fin de la saison (NdlR : la saison se joue sur l’année civile en Lituanie). Il s’est terminé à la fin du championnat y a quelques semaines."
Comment ça s’est passé ?
"C’était une superbe expérience. J’ai même disputé des tours préliminaires en Ligue Europa. On a joué au Kazakhstan et en Serbie."
Le niveau du foot lituanien est bon ?
"Avant de signer à Trakai, je jouais à Alost en D1 amateur. Le top 3 en Lituanie est bien plus fort et aurait sa place en D1B. En Belgique, on ne connaît pas bien mais il y a de très bons joueurs dans ce championnat. Dans mon équipe, il y avait pas mal de gars passés par des championnats plus relevés."
Et même un ancien international russe qui a joué trois saisons à Everton : Diniyar Bylyaletdinov !
"Oui, il est vieux maintenant mais on voit qu’il a encore du football. C’est quasi impossible de lui prendre la balle. En tant que défenseur central, j’étais souvent face à lui à l’entraînement et on apprend beaucoup à ses côtés."
C’est comment la ville de Trakai ?
"C’est une petite ville près de la capitale, Vilnius. D’ailleurs, on s’entraînait et on jouait à Vilnius, dans le stade national. C’est un terrain synthétique. Je vivais aussi à Vilnius."
Avez-vous eu des soucis avec le racisme ?
"Pas vraiment. Enfin si, une fois dans un stade. Des cris de singe. Mais bon, ça peut arriver en Belgique aussi. Ce qui pouvait parfois m’énerver, c’est le regard des gens en rue. Ce n’est pas du racisme mais les Lituaniens ne sont pas habitués à voir des Noirs et ils te dévisagent. Enfin, on finit par s’y habituer."
On gagne bien sa vie dans le championnat lituanien ?
"Ce sont des salaires moyens, sauf dans les deux plus gros clubs, Zalgiris et Suduva où tu peux vraiment bien gagner. Mais c’était pas mal quand même à Trakai. Pendant ma demi-saison, j’ai réussi à mettre de l’argent de côté. On était toujours payé en temps et en heure. Ce n’est pas le cas partout en Lituanie apparemment. J’ai eu de la chance."
Qu’allez-vous faire maintenant que votre contrat à Trakai est terminé ?
"Je cherche un nouveau club. J’ai envie de rester en D1, même si c’est à nouveau dans un championnat moins connu comme la Lituanie. J’ai beaucoup appris là-bas. Je suis un défenseur costaud mais avec une technique développée dans la rue. Je prenais parfois trop de risques derrière mais j’ai progressé."
Vous avez déjà eu des propositions ?
"Oui mais c’était au Vietnam. Je veux rester en Europe pour le moment, sauf si c’est pour un salaire incroyable. Mais ce n’était pas le cas."
Ce n’est difficile de vivre sans savoir si on va retrouver un club ?
"Le foot pro d’aujourd’hui est ainsi, il faut l’accepter. C’est parfois compliqué quand tu fais un test et que tu ne reçois pas de nouvelles, comme ça m’est arrivé à Pétange au Luxembourg, juste avant de partir à Trakai. Ou pire encore : j’ai fait un test au RKC Walwijk. Tout s’est bien passé, notamment lors d’un amical contre QPR. Mais un agent que je ne connais même pas a dit au directeur sportif que le club ferait une erreur en me prenant. Il se passe parfois des choses bizarres dans ce milieu."
Il faut être fort mentalement.
"Exactement. J’ai étudié à l’IPES de Waremme, en section football. On était trois classes de vingt élèves, tous à rêver d’une carrière pro. Sur les soixante, je suis le seul professionnel. Et encore, via le championnat lituanien. C’est pour ça que je m’accroche."
C’est vrai que vous avez déjà joué une Coupe du Monde ?
"Oui (rires). En fait, c’était les championnats du monde interscolaires de futsal. On s’était qualifié avec l’IPES de Waremme et on avait joué la phase finale en Turquie. Si mes souvenirs sont bons, on avait fini à la cinquième place."