Les huit secondes entre LeMond et Fignon, c'était il y a 30 ans: pourquoi ce Tour 2019 peut faire mieux
Il y a trente ans jour pour jour, Greg LeMond remportait le Tour de France pour huit secondes face à Laurent Fignon. Un anniversaire d'autant plus marquant que l'édition 2019 de la Grande Boucle postule pour le record le plus connu de la petite reine.
- Publié le 23-07-2019 à 16h00
Il y a trente ans jour pour jour, Greg LeMond remportait le Tour de France pour huit secondes face à Laurent Fignon. Un anniversaire d'autant plus marquant que l'édition 2019 de la Grande Boucle postule pour le record le plus connu de la petite reine.
Bien sûr, c'est très loin d'être gagné d'avance. Pour obtenir un écart plus faible que huit secondes entre le maillot jaune et son dauphin, dimanche soir, il faudrait un énorme concours de circonstances et surtout une bonne dose de "chance" (ou pas, pour celui qui sera le cocu de l'histoire). Mais pour la première fois en dix éditions (et les 39 secondes entre Contador et Schleck en 2010, bien que l'Espagnol ait été déclassé depuis), la promesse d'un classement général plus serré que jamais se fait entendre aux oreilles des plus optimistes.
Ne prétendons pas que ce Tour 2019 est plus sexy que celui de 1989, qui fut un véritable thriller du premier au dernier jour. Pour rappel, Delgado, grand favori de l'épreuve, avait pris le départ du prologue avec 2'40" de retard, après s'être perdu lors de son échauffement. Le lendemain, après une insomnie digne de sa bourde de la veille, l'Espagnol pointait à plus de sept minutes de Fignon au classement général à cause d'un contre-la-montre par équipes très mal négocié.
Allait s'en suivre l'un des plus beaux duels de l'histoire du cyclisme entre LeMond et Fignon. Parce que les deux hommes étaient en plein comeback après des années noires. Parce qu'ils offraient une véritable opposition de style. Parce qu'ils cachaient mal leur désamour, surtout celui du Français à l'égard de l'Américain. Ajoutez-y le dénouement que l'on sait après de magnifiques passes d'armes dans la montagne et les scandales liés à l'utilisation du guidon de triathlète par LeMond dans les chronos et vous obtenez peut-être ce qui reste à ce jour le plus beau Tour de l'Histoire.
Faut-il dès lors se réjouir d'une attaque de Pinot à six kilomètres du sommet du Prat d'Albis et de la résistance d'Alaphilippe, que personne n'imaginait en jaune à la sortie des Pyrénées ? Oui, car cette 106e édition est bien plus vibrante que la moyenne de ce Siècle. Le clou du spectacle serait évidemment un écart dérisoire entre les meilleurs, à Paris. Voici pourquoi il est possible de voir ce record des huit secondes tomber.
Les chasseurs sont plus forts que le chassé...
Ce n'est pas faire injure à Julian Alaphilippe que de dire qu'il est moins bon grimpeur que Geraint Thomas. Et le Gallois semblait lui-même moins en jambes que Kruijswijk, Pinot, Bernal et Buchmann dans les Pyrénées. Si la défaillance d'un ou l'autre des six prétendants est à prévoir, tout porte à croire que les écarts n'ont pas fini de se resserrer. Les positions sur le podium final pourraient se jouer à rien du tout. Avec son expérience acquise l'année dernière et son amour des cols alpestres plus roulants que les pyrénéens, Geraint Thomas devrait avoir le couteau entre les dents. Quant à Thibaut Pinot, il fera tout pour asseoir sa domination en montagne et saisir ce qui pourrait être une chance unique de triompher à Paris.
...mais le chassé pourra s'accrocher
Le Galibier, jeudi, offrira une dernière ascension de 23 kilomètres au coureur. Permettra-t-il pour autant de creuser des écarts définitifs ? Certainement pas. Seuls trois de ses 25 kilomètres d'ascension proposent des pourcentages moyens supérieurs à 6%, et ces trois kilomètres ne se suivent pas. Le phénomène d'aspiration aura donc un plus grand rôle à jouer que dans les Pyrénées ou à la Planche des Belles Filles et pour peu que le vent soit mal positionné, créer des écarts avant la descente vers Valloire sera compliqué.
Vendredi, l'arrivée au sommet de Tignes compte bien des passages à 9% mais elle offre également des portions plus roulantes. Et certains pourraient redouter de gaspiller des cartouches avant l'étape dantesque de samedi. Il n'est donc pas impossible de voir un scénario identique à celui des années précédentes prendre forme, avec des outsiders qui redouteront de tout perdre s'ils attaquent trop vite, durant ce triptyque alpestre.
La calculatrice Ineos
Plus que jamais, les capteurs de puissance ont une part importante dans l'attitude des coureurs. Par contre, pour la première fois, les spécialistes en la matière ne sont pas ceux qui ont une avance à gérer mais plutôt un retard à combler. Il y a donc fort à parier que Thomas et Bernal auront des consignes précises concernant le timing des attaques à placer. Imaginons qu'ils n'aient plus que quelques secondes à reprendre samedi, ils pourront se contenter d'imposer un rythme élevé par l'intermédiaire de leurs équipiers avant de passer à l'offensive dans les derniers kilomètres et même de se servir des bonifications pour se rapprocher de la liquette jaune tant convoitée. Des bonifications, il y en aura d'ailleurs au sommet du Galibier (à 19 kilomètres de l'arrivée), vendredi, et au sommet de l'Iseran (à 37 kilomètres de l'arrivée), vendredi. Elles pourraient offrir des sprints inédits entre les prétendants au maillot jaune...