"On dit Merckx, comme on dit Picasso ou Mozart"
José De Cauwer voue une grande admiration au Bruxellois qui fut son adversaire et son prédécesseur comme sélectionneur national.
- Publié le 30-06-2019 à 08h45
- Mis à jour le 30-06-2019 à 13h03
José De Cauwer voue une grande admiration au Bruxellois qui fut son adversaire et son prédécesseur comme sélectionneur national. Ancien coureur, directeur sportif, sélectionneur national et désormais consultant pour la télévision flamande Sporza, José De Cauwer a quatre ans de moins qu’Eddy Merckx dont il a été l’adversaire de ses débuts chez les pros, en 1973, jusqu’à l’arrêt de la compétition du Cannibale.
"J’étais un équipier, d’abord de Lucien Van Impe ou Willy Teirlinck, chez Sonolor, puis d’Hennie Kuiper, chez Frisol et ensuite chez Raleigh et Peugeot", rappelle le Waeslandien qui a pourtant gagné une étape de la Vuelta (et porté le maillot de leader) ou une autre du Tour de Belgique.
De quatre ans le cadet du Bruxellois, José De Cauwer lui voue un énorme respect.
"Mais mon idole de jeunesse, c’était Rik Van Looy", avoue-t-il. "Car mon père, qui vit encore, était déjà supporter de Van Looy. Dans la famille, on n’était pas des fous de sport mais quand il y avait une course dans les environs, à l’époque, il y avait beaucoup de kermesses, mon père m’emmenait la voir. C’est en partie là qu’est né mon amour du cyclisme. Quand Merckx est passé professionnel, moi je commençais à courir dans les catégories de jeunes. Je pouvais alors très bien me rendre compte de tout ce qu’il réalisait, de tous ses exploits. J’étais chez les amateurs quand il a gagné son premier Tour de France. En Belgique, c’était la folie, cela faisait trente ans qu’on attendait ça…"
José De Cauwer a d’ailleurs couru, parmi les cinq que lui-même a disputés, les deux derniers Tours de France du Bruxellois, en 1975 et 1977. Les deux que Merckx a perdus.
"En 1977, c’était la fin, Eddy avait encore la volonté, mais plus tout à fait le physique", dit-il. "Moi, j’étais à cette époque chez Raleigh, équipier de Didi Thurau qui a porté le maillot jaune pendant deux semaines, et d’Hennie Kuiper qui finit deuxième à moins d’une minute de Thévenet. Deux ans plus tôt, Merckx était encore au sommet. Il a perdu avec le coup-de-poing sur le Puy de Dôme, puis sa fracture de la mâchoire."
Pour le Flandrien, qui suit le cyclisme au plus près depuis plus d’un demi-siècle, Eddy Merckx n’a pas d’égal.
"Je ne peux pas dire autre chose que Merckx, c’est Merckx", affirme-t-il. "On dit c’est Merckx, comme on dit, c’est Picasso ou Mozart. On peut discuter de tout le monde, comparer différents coureurs de différentes époques, Charly Gaul, Anquetil, Coppi, Hinault, ceux de maintenant ou d’avant, Eddy est au-dessus du lot. Poulidor, c’est le standard, un très bon coureur qui gagnait de temps en temps, Merckx personne n’arrive à sa cheville. Un sport a toujours des vedettes mais je ne crois pas qu’il y a des Eddy Merckx dans les autres sports. (Il réfléchit) Peut être Pelé ou Mohamed Ali, mais même eux, ils n’ont pas réalisé ce qu’il a fait avec cette incroyable soif de victoires, encore et toujours, dans n’importe quelle course, une petite, une grande, le Tour, le Mondial, une kermesse ou un critérium, il voulait tout gagner, sur la route, sur la piste…"
De Cauwer, qui plus tard allait succéder à… Merckx, comme sélectionneur de l’équipe nationale belge, prend un exemple.
"Imaginez qu’on réunisse les cent meilleurs coureurs de tous les temps et qu’on leur demande de se mettre eux-mêmes dans une file en se positionnant selon la place qu’ils pensent occuper dans la hiérarchie, ça va être l’anarchie et la bagarre", rigole-t-il. "Sauf pour une place : la première ! Personne n’osera se mettre devant Merckx, pas Hinault, pas Indurain, pas Froome, ni n’importe qui d’autre."
Confronté , pendant une demi-douzaine d’années au Cannibale, qui écrasait tout, De Cauwer n’en garde aucune rancœur ou amertume, au contraire.
"C’était la norme qu’il attaque sans arrêt, qu’il cherche toujours à tout gagner et il avait aussi une équipe très forte", explique-t-il. "Ceux qui ont roulé à son époque sont fiers, ceux qui l’ont battu s’en valorisent. Et puis c’était le cyclisme, c’était comme ça. Si ça avait été du foot, que Merckx avait dribblé trois fois un joueur comme Jelle Van Damme, que je connais bien, ou Gilles Van Binst autrefois, la quatrième fois, il se serait retrouvé par terre. Là, tout le monde acceptait sa domination et cherchait à le battre et à se motiver pour y arriver."
José De Cauwer termine par une boutade.
"J’ai vraiment énormément de respect pour Eddy", répète le Waeslandien. "Comme tout le monde et on le voit encore maintenant, même chez les jeunes. Je rigole souvent en rappelant que j’ai terminé devant lui la dernière course de sa carrière, le Circuit du Pays de Waes, à Kemzeke, en 1978. En lisant le résultat dans les journaux, il a dû se dire : "Si De Cauwer est devant moi, j’arrête immédiatement…"