18 avril 1999 : Frank Vandenbroucke gagne son paradis, avant de plonger en enfer
Le 18 avril 1999, il y a 20 ans, Vdb remporte Liège-Bastogne-Liège, la plus belle de ses victoires, en attaquant exactement à l'endroit où il l'avait prédit, la veille. Rien ne semblait alors pourvoir lui barrer la route vers les plus grands succès. Si ce n'est lui-même...
- Publié le 18-04-2019 à 09h17
- Mis à jour le 29-11-2021 à 07h54
Le 18 avril 1999, il y a 20 ans, Vdb remporte Liège-Bastogne-Liège, la plus belle de ses victoires, en attaquant exactement à l'endroit où il l'avait prédit, la veille. Rien ne semblait alors pourvoir lui barrer la route vers les plus grands succès. Si ce n'est lui-même...
Frank Vandenbroucke fut l’un des cyclistes les plus doués que la Belgique enfanta. Et son destin fut l'un des plus tragiques. Il y a exactement vingt ans, le 18 avril 1999, le Ploegsteertois survolait la Doyenne, et remportait la plus belle de ses victoires, sur les routes de Liège-Bastogne-Liège. Un succès avec panache: Vdb attaqua exactement à l’endroit où il l’avait promis... la veille. Et Boogerd, le seul qui parvint à suivre son train d’enfer, dut le laisser filer, dans la mythique côte de Saint-Nicolas.
La veille, lors de la reconnaissance du samedi, le Hennuyer était redescendu à hauteur de Francis Van Londersele, qui suivait ses coureurs dans la voiture Cofidis, et il lui avait lancé : "Regarde, c'est là que je vais attaquer dimanche, et nulle par ailleurs !" Alors, quand Vdb déposa le lendemain Boogerd, le dernier de ses rivaux, à l'endroit précis de sa confidence de la veille, le directeur sportif adjoint de l'équipe française, qui regardait la course à la télé dans un camping-car non loin de la ligne d'arrivée, doit se pincer pour y croire. "Un coureur qui annonce de cette façon la couleur franchement, c'est la seule fois de ma carrière que je l'ai entendu." D'autant que ses adversaires étaient prévenus : en conférence de presse, toujours la veille, à la question d'un journaliste qui lui demandait si c'était vrai qu'il avait reconnu trois fois le parcours et qu'il pensait attaquer dans la côte de Saint-Nicolas, Frank avait sourit. "Que voulez-vous que je réponde à cette question, à part que c'était vrai..." se souvint le Hennuyer, de retour sur la côte de son exploit, à l'invitation de L'Équipe en 2009, pour l'anniversaire des 10 ans de son succès sur La Doyenne.
"J'étais à 100 % de ma condition, et j'avais le top du matériel", confia Vandenbroucke, qui avait notamment investi lui-même, notamment dans une roue-libre en titane, du matériel non-fourni par les partenaires de Cofidis, afin que son vélo soit le plus léger possible. "Je voulais ce LBL. Je voulais un victoire magistrale", confia encore Vdb. "Je savais que j'étais le plus fort physiquement, je l'avais prouvé sur les courses qui avaient précédé Liège. Notamment au Tour des Flandres : j'avais terminé 2e (NdlR : derrière Peter Van Petegem) en tombant deux fois, mais j'étais le plus costaud (NdlR : il avait gagné le Circuit Het Volk, et terminé 7e de Paris-Roubaix). Et puis, c'était la guerre avec les Mapei, que j'avais quitté pour Cofidis. Notamment avec Michele Bartoli : dès que je bougeais une oreille, il roulait sur moi. C'était normal. Et cette année-là, l'Italien avait souvent été plus fort que moi. Mais pas à Liège. Il avait attaqué le premier, dans la Redoute, mais je suis revenu sur lui. Dans ma tête, je savais que je devais attendre Saint-Nicolas pour faire la différence. Il y a eu ce mano a mano, avant que Michele plie. Psychologiquement, j'ai gagné mon duel avec lui à ce moment-là. Mais je me suis alors retrouvé seul devant, trop tôt. Comme je voulais que tout se passe comme je l'avais décidé, j'ai attendu le groupe des favoris dans lequel se trouvait mon équipier Farazijn à qui j'ai demandé de rouler jusqu'au pied de Saint-Nicolas. C'est là que Bogeerd a attaqué, à 6 km de l'arrivée. J'ai l'ai laissé prendre 10 à 15m, exprès, et je suis revenu seul pour l'attaquer là où je l'avais dit, à 5,3km de l'arrivée. Rien ne pouvait plus m'arrêter..."
Simple, non ? Tellement évident en tout cas pour Frank, qui atteignait son paradis, les bras levés vers le ciel, au sommet de la côte d'Ans. Sans savoir que l'enfer l'attendait, et qu'il allait en prendre pour dix ans…
Cette saison-là, Vdb joua encore les "monsieur-soleil" en annonçant ses succès : deux fois sur la Vuelta, en septembre, avec deux victoires d'étape à la clé ; et lors des Championnats du monde à Vérone. Mais en Italie, il chuta en début de course, et se cassa le poignet : il termina néanmoins 7e , au courage, malgré une double fracture des scaphoïdes (petits os de la main) ! "Depuis, je ne me suis plus jamais fait de promesse. Ni à moi, ni à personne. Jamais !" lança le Hennuyer en 2009, en pensant en avoir fini avec l'enfer qui attendait le neveu de Jean-Luc Vandenbroucke dans la décennie qui suivit son sacre liégeois.
Bien vite, Frank fut rattrapé par des affaires de dopage, lui qui n’eut pas toujours l’heur de bien choisir ses fréquentations. Il défraya ensuite davantage la chronique des faits divers que les colonnes des pages sportives, en raison, aussi, d’une vie privée chaotique. Vandenbroucke ne s’en cachait pas, il l’a même couché sur un livre : oui il avait pris des produits, notamment des amphétamines ; oui il avait tenté plus d’une fois d’en finir. Ses aveux avaient alors résonné comme une rédemption. L’homme disait avoir changé. Et, une fois de plus, on eut envie de le croire. D'autant que, cette fois, Frank concrétisa ses paroles par des actes. Le 4 avril 2009, presque dix ans jour pour jour après son sacre liégeois, le Hennuyer remporta enfin une course du circuit UCI avec le contre-la-montre de la Boucle de l’Artois. À 34 ans, Vdb semblait enfin redevenu coureur cycliste. Pour quelques semaines seulement. À l'été 2009, il quitta l'équipe qui l'employait. Et le 12 octobre 2009, rattrapé par ses addictions, il meurt, dans une sordide chambre d'hôtel à Saly Portudal, au Sénégal, ses dernières vacances…
1999 restera à jamais la plus belle année de sa trop courte vie. Et pas seulement pour sa victoire sur LBL. En février, sa compagne de l'époque, Clotilde, donna naissance à la première fille de Frank, Cameron. Vingt ans plus tard, cette ancienne championne de Belgique de cross-country veut à nouveau faire briller les trois lettres magiques, Vdb, pédales aux pieds...
Top 10 LBL 1999
- Frank Vandenbroucke (BEL) Cofidis 6h25'36"
- Michael Boogerd (P-B) Rabobank à 30"
- Maarten Den Bakker (P-B) Rabobank 41"
- Michele Bartoli (ITA) Mapei - Quick Step 44"
- Paolo Bettini (ITA) Mapei - Quick Step 54"
- Niki Aebersold (SUI) Rabobank 55"
- Markus Zberg (SUI) Rabobank mt
- Oscar Camenzind (SUI) Lampre - Daikin 56"
- Udo Bölts (All) Deutsche Telekom mt
- Laurent Roux (FRA) Casino mt