Gilbert va-t-il les gagner toutes ? (ANALYSE)
Le Wallon rêve de remporter au moins une fois les cinq grandes classiques. Il lui manque Milan-Sanremo et Paris-Roubaix. Analyse.
- Publié le 04-04-2017 à 09h02
- Mis à jour le 04-04-2017 à 10h09
Le Wallon rêve de remporter au moins une fois les cinq grandes classiques. Il lui manque Milan-Sanremo et Paris-Roubaix La formidable victoire de Philippe Gilbert dimanche au Tour des Flandres a remis dans l’actualité son rêve : remporter au moins une fois chacune des cinq plus grandes classiques. Celles qu’on appelle les Monuments : Milan-Sanremo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie.
Dans l’histoire du cyclisme, trois champions seulement, trois Belges d’ailleurs, ont réussi cet exploit : Eddy Merckx, évidemment, mais aussi Rik Van Looy et Roger De Vlaeminck. En gagnant dimanche, Gilbert a coché une troisième des cinq cases. Il lui manque la Primavera et la Reine des classiques.
Peut-il devenir un jour le quatrième homme de cette prestigieuse liste ? Remporter les deux dernières s’apparente-t-il au domaine du fantasme ou est-ce tout à fait possible pour celui qui est d’ores et déjà un des plus grands chasseurs de classiques de l’histoire ? Replaçons le défi dans son contexte.
Gilbert à Sanremo
C’est paradoxalement, la classique dans laquelle Gilbert s’est révélé en premier et qui, comme pour beaucoup, a semblé longtemps être la première qu’il épinglerait à son palmarès. C’est là qu’il s’est montré la première fois, dès 2004 en attaquant sur le Poggio, là où, l’année suivante il a obtenu son premier Top 10 dans une classique (6e), puis encore où il est monté pour la première fois sur un podium (3e en 2008). Neuf ans plus tard, la Primavera se refuse toujours à lui qui l’a pourtant couru treize fois.
"Je pense que mes meilleures chances sont passées à Milan-Sanremo, dommage…", disait-il cet hiver à propos d’une course qui est devenu la chasse presque toujours gardée (pas cette année) des sprinters.
Gilbert à Roubaix
Il n’a couru sur les pavés de l’Enfer du Nord, qu’une seule fois, en 2007. Il avait terminé 52e. Avec l’âge il a pris du muscle, de la puissance, mais il est encore un peu léger, entre cinq et dix kilos de moins que les spécialistes, pour la Reine des Classiques où il manque aussi de connaissance du terrain. Pour s’imposer il lui faudra sans doute bénéficier de circonstances favorables : une course disputée sur sol boueux, donc lente, dure, où ses qualités d’ancien cyclo-crossman pourront l’aider.
Ce qui ne plaide pas pour lui
La spécialisation à outrance. Quand les trois champions ont gagné les cinq monuments, le cyclisme était très différent. Les mêmes coureurs disputaient toutes les classiques.
Aujourd’hui, personne n’imagine Contador ou Froome au départ de Milan ou d’Anvers. Boonen n’a jamais couru la Lombardie ou Liège. Gilbert fait figure d’exception. Ce siècle-ci, deux coureurs seulement ont gagné, comme Gilbert, trois différents monuments : Paolo Bettini (Sanremo, Liège et Lombardie) et Fabian Cancellara (Sanremo, Flan dres et Roubaix). Prenons l’exemple de son idole Michele Bartoli au profil duquel celui de Gilbert s’apparente. Tous deux ont épinglé les trois mêmes monuments. Le Toscan n’a jamais remporté Sanremo ou Paris-Roubaix qu’il n’a couru qu’une fois, lors de sa dernière saison. Après un excellent début de course, il avait fini 21e…
Enfin, les occasions qui lui restent se comptent sur les doigts d’une main. Gilbert aura 35 ans le 5 juillet. Il peut encore évoluer au plus haut niveau trois, voire quatre saisons…
Ce qui plaide pour lui
Son éclectisme justement, son expérience, sa science de la course, son panache, sa volonté de réussir les défis qu’il se fixe. Il est un des très rares coureurs actuels à avoir gagné sur tous les terrains, du Nieuwsblad à la Lombardie, en passant par les Flandres, Paris-Tours, l’Amstel, Liège ou la Flèche wallonne. Pour réussir, il devra adapter son programme, avancer ses pics de forme en début de saison, comme lorsqu’il courrait à la FDJ, et sans doute ne plus disputer les classiques wallonnes. Pour les gagner en tout cas !
Madiot : "Il est déjà capable de faire le doublé"
"Ben oui !" Notre question surprend Marc Madiot. "Bien sûr que Philippe peut gagner Milan-Sanremo et Paris-Roubaix", dit son premier directeur sportif. "Quand on gagne le Tour des Flandres, on peut gagner à Roubaix. Dimanche, il était à son meilleur niveau, il a sans doute couru la plus belle course de sa carrière. Je savais qu’il en était encore capable, j’aurais aimé le reprendre l’an dernier, mais je n’avais pas le budget. Dommage… Mais je le vois gagner à Roubaix dans les deux ou trois ans. Il a l’expérience, la maturité, il a pris du volume et de la puissance depuis qu’il n’est plus chez nous (photo en 2007). C’est un coureur de classe, il est adroit sur un vélo, il sait courir, il est intelligent. Il a un passé de cyclo-crossman. Je voudrais même le voir sur un Roubaix pluvieux ou boueux…" Madiot se met même à anticiper la décision de Quick Step. "S’il a totalement récupéré de ses efforts du Ronde, il peut déjà réussir le doublé."
Petacchi : "Il peut gagner Sanremo"
Vainqueur de Milan-Sanremo en 2005, Alessandro Petacchi avait vu un jeune coureur belge terminer sur ses talons. Cette année-là, Philippe Gilbert s’était classé 6e sur la côte ligure. "J’ai la photo (notre image) de ce succès chez moi et je repense donc souvent à ce moment, sourit l’Italien. Philippe était alors un peu plus épais et un coureur différent de celui qu’il est devenu aujourd’hui. Après le fantastique numéro qu’il a livré dimanche, je suis un peu plus convaincu encore qu’il est tout à fait capable de gagner Milan-Sanremo. Ce que Kwiatkowski a fait cette année pour s’imposer sur la Via Roma, votre compatriote est tout à fait capable de le reproduire la saison prochaine. Une attaque dans le Poggio reste, à mes yeux, sa meilleure carte à abattre."