Les 12 temps forts de la carrière de Boonen (1/12): le jour où l'étoile Tom Boonen est née
À 21 ans, Tom Boonen se révèle dans Paris-Roubaix où, jeune néo-pro, il monte sur le podium aux côtés de Johan Museeuw.
- Publié le 27-03-2017 à 14h54
- Mis à jour le 11-04-2017 à 10h31
À 21 ans, Tom Boonen se révèle dans Paris-Roubaix où, jeune néo-pro, il monte sur le podium aux côtés de Johan Museeuw. "Il ne doit déjà plus rien prouver. Il est lancé pour dix, quinze ans. Pour son premier Paris-Roubaix, il fait mieux que moi, j’avais 22 ans et j’avais fini 5e. Il a 21 ans et monte sur le podium."
C’est le dimanche 14 avril 2002 et la prophétie de Roger De Vlaeminck, Monsieur Paris-Roubaix , consultant ce jour-là pour la télévision flamande, va se révéler totalement exacte.
Quinze ans plus tard, le néo-professionnel d’alors est devenu l’incontestable roi des classiques pavées, l’un des plus grands champions de l’histoire du cyclisme et du sport belge.
Tom Boonen a enlevé ensuite tout, ou presque, ce qu’il pouvait gagner. L’étoile est née ce dimanche du printemps 2002 qui a vu le troisième succès de Johan Museeuw au vélodrome roubaisien. C’était le dernier grand triomphe du Lion des Flandres , le premier exploit du Lionceau. Quinze ans et deux jours séparent les deux hommes. Le cadet est né le 15 octobre 1980, l’aîné le 13 octobre 1965.
En ce début de saison 2002, le jeune Anversois portait depuis trois mois le maillot de l’US Postal de Lance Armstrong, le vétéran flandrien était le leader de l’équipe Domo-Farm Frites. Néo-pro, Tom Boonen avait déjà montré en six semaines tout son talent naissant sur les pavés : 8e à Kuurne, 7e des 3 Jours de La Panne, 24e du Tour des Flandres et 7e à Gand-Wevelgem.
Ce jour-là, Andreas Klier avait fini en même temps que Boonen, mais se rappelle d’une anecdote au Tour des Flandres.
"C’était sur les pavés de Mater" , dit l’Allemand, devenu directeur sportif chez Cannondale. "Il y avait moyen d’emprunter une bande herbeuse sur le côté pour les éviter. J’étais dessus et à côté de moi, sur les pavés, Tom roulait avec, dans sa roue, Lance Armstrong. Il s’est retourné et à dit à Lance : "Saute dans l’herbe" . Armstrong n’a pas bougé. Vingt secondes plus tard, Tom s’est tourné à nouveau et il a insisté : "Je t’ai dit que tu devais sauter dans l’herbe." ça m’a frappé, lui, le gamin, apostropher ainsi le grand Lance Armstrong. Incroyable ! "
Libre à Roubaix, Il fait mieux que son leader
Une semaine plus tard, c’est le Paris-Roubaix qui révèle définitivement celui qui avait obtenu le Vélo de Cristal du meilleur espoir quelques mois plus tôt. Champion de Belgique des espoirs 2001, il avait rejoint US Postal, attiré par Dirk Demol.
"J’avais découvert Tom chez les jeunes, au club de Courtrai, le Kortrijk Groeningse Spurters", raconte son premier mentor, lui-même lauréat de Paris-Roubaix 1988. "Je connaissais ses qualités, mais je ne pouvais imaginer qu’il allait devenir un tel champion. Il m’a suivi naturellement chez US Postal, un an après mon arrivée. En raison de son bon début de saison, je lui avais donné un rôle libre sur Roubaix où George Hincapie était le leader. Finalement, c’est Tom qui fut le meilleur de l’équipe. C’était vraiment impressionnant qu’il monte sur le podium à 21 ans. Je n’ai plus jamais vu un coureur aussi bon à un âge aussi jeune."
Ce 100e Paris-Roubaix est entré dans la légende.
"Nous étions partis à une trentaine de coureurs après 30 kilomètres", se rappelle Thierry Gouvenou. L’actuel directeur de course de Paris-Roubaix, courrait chez BigMat sa dernière saison. Il allait finir 7e. "Après le premier secteur, nous étions encore quinze, puis à la sortie d’Arenberg à huit ou neuf dont Tom Boonen que je n’avais pas spécialement remarqué jusqu’alors. Puis j’ai crevé et je ne l’ai revu que quand je suis revenu vers le 200e kilomètre, avec le groupe des favoris, Museeuw, Hincapie, Knaven, Michaelsen, Wesemann, sortis derrière nous. Je me souviens que quand Museeuw a attaqué dans le secteur de Mérignies, c’est Boonen qui, de suite, s’est mis à rouler avec Hincapie. Plus loin, j’ai chuté, à 30 km du but, et j’ai dû les laisser filer. Mais il avait marqué la course et on a compris aussitôt qu’il deviendrait un grand. Sur le pavé, il était déjà félin, souple et puissant à la fois, tellement aérodynamique."
Andreas Klier figurait aussi dans cette longue échappée.
"J’étais avec Tom" , se souvient l’Allemand. "Sur un secteur pavé, il menait grand train en tête. J’ai pensé : "Roule bien, mon petit gars". Et il a roulé, roulé… J’ai fini par me dire : "Il devrait peut-être ralentir, car cela va très vite." Un peu plus loin, j’ai bien dû accepter que je n’en pouvais plus. J’ai dû lâcher prise. Lui, il continuait à rouler à bloc. De plus en plus loin…"
Le souvenir ému de son père
Johan Museeuw envolé, c’est le jeunot qui assuma la plus grande partie de la poursuite, au point que, totalement exténué, Hincapie tomba dans un fossé et qu’il ne revit son jeune équipier qu’au vélodrome. Boonen sortit encore deuxième du Carrefour de l’Arbre, avant de voir revenir Steffen Wesemann.
"Je n’oublierai jamais ce Paris-Roubaix qui reste un souvenir unique", s’émeut André Boonen, le père du champion. "Nous supportions Tom en voiture, avec sa maman, Agnès, comme on l’a fait à chaque fois. Nous coupions de secteur en secteur, en étant persuadés qu’on allait finir par le ramasser totalement épuisé. Et lui, il a continué, continué… jusqu’au vélodrome. J’ai été moi-même coureur, je savais ce que cela voulait dire. Tom marchait bien chez les jeunes, mais le passage chez les pros c’est un énorme cap à franchir. C’était fait, à 21 ans à peine !"
Aussi fort qu’il fut ce jour-là, Tom Boonen ne put rien contre la puissance brutale de Johan Museeuw, mais la performance du cadet fut saluée par tous.
"Sur le podium, je lui ai dit : le nouveau Museeuw est né. Tu seras mon successeur" , répète l’ancien champion du Monde.
Un peu époustouflé lui-même par son exploit, Tom Boonen accepta les félicitations et les marques de sympathie avec une lucidité peu commune. Quinze ans après, il se souvient.
"Si Hincapie avait été aussi bien que moi, on serait rentré sur Museeuw" , persiste-t-il à penser. " J’étais super-fort, je me souviens qu’à partir du 200e kilomètre, je regardais sans cesse mon compteur, persuadé que j’allais bientôt m’effondrer. À l’arrivée, j’étais surtout déçu d’avoir perdu. Avant l’entrée du secteur où je pensais que Museeuw allait attaquer, j’ai crié à Hincapie de se rapprocher. À ce moment précis, Johan a démarré. Je crois que j’aurais pu le suivre, mais pas plus tard dans la finale, j’étais complètement mort dans les dix derniers kilomètres."
Sur le vélodrome, fourbu, le jeune homme ne contestera pas la deuxième place à Wesemann.
"J’étais super-content, car jamais je n’avais imaginé cela pour mon premier Roubaix, mais je me rendais compte qu’il y avait mieux à obtenir encore. Déjà, chez les espoirs (NdlR : il avait fini 3e et 4e) , j’avais une préférence pour Paris-Roubaix, mais, c’est ce jour-là que ça a vraiment commencé. "