Comment le drone révolutionne le sport à la télévision: “J’ai directement vu un potentiel à ces machines”
Des images filmées à l'aide de drones arrivent depuis quelques mois sur nos écrans lors de compétitions sportives.
- Publié le 23-04-2024 à 14h57
- Mis à jour le 23-04-2024 à 15h11
Que ce soit lors de compétitions de ski, de cyclo-cross ou encore de sports moteurs, vous avez peut-être déjà été surpris par la qualité des images filmées au drone. Ces caméras volantes peuvent-elles devenir incontournables à la production d’événements sportifs ?
Les sports qui l’utilisent déjà ont tous un point commun : la notion de mouvement. Le drone permet de suivre des athlètes très rapidement, cela a donc plus de sens d’y avoir recours dans des sports où il y a un déplacement, surtout si celui-ci est spectaculaire. Anthony Forestier, réalisateur de Paris-Nice, confirme : “On suit des coureurs qu’on n’a jamais suivis à des vitesses pareilles. Pour moi, ce sont les sports en mouvements qui nécessitent le drone.”
C'est en 2015 qu'un drone a été utilisé pour la première fois en Coupe du Monde de ski alpin... mais cela aurait pu être la dernière. Lors de la descente de Marcel Hirscher à Madonna di Campiglio, un drone s’est écrasé sur la piste à quelques centimètres du skieur autrichien. L'appareil avait alors été mis de côté durant plusieurs années pour des raisons évidentes de sécurité. Avant de refaire son apparition il y a deux ans avec des règles plus strictes. “On ne se permet jamais d’être au-dessus du sujet qu’on va filmer mais on pourrait être sur le côté de la piste avec une zone de sécurité” explique Martin Bochatay, pilote de drone professionnel.
Qu’apporte-t-il de nouveau ?
Pour ce fournisseur d'images à sensations fortes, la qualité première de ces machines est l'immersion: “On emmène le téléspectateur avec le sujet qu’on est en train de filmer. En ski alpin, par exemple, on est à hauteur des skieurs, on ressent plus ce qu’éprouve l’athlète dans les moments chauds.”
Anthony Forestier évoque, lui, la sensation de vitesse : “J’ai entendu quelques cyclistes en parler et il semblerait qu’on se rapproche très fortement des sensations des coureurs sur leur vélo. On se rend encore plus compte des performances grâce à ces drones. Je trouve qu’en termes de sensations et de subjectivité ce sont des outils très intéressants.”
Si ces petits bijoux de technologie munis d’une caméra apportent une perspective différente, ils permettent également de moderniser certaines disciplines selon Martin Bochatay : “Ce sont des sports qui sont filmés depuis 30 ou 40 ans de la même manière. La technologie a évolué et on rajeunit la manière de filmer.”
Le commentateur du cyclisme et du ski sur Eurosport, Guillaume Di Grazia, va dans le même sens. “Le drone apporte quelque chose à l’image et à la façon de narrer le sport.”
Une autre qualité non négligeable du drone est son aspect écologique. Martin Bochatay, explique en quoi cette arrivée est positive : “Il y a des compétitions où un hélicoptère venait pendant cinq heures pour filmer des skieurs dans la montagne. Sur les drones, il y a des batteries au lithium et on sait très bien que ce n’est pas la matière la plus écologique mais on a tout de même réduit l’impact.”
Tout n’est pas rose
Le drone a beau avoir de nombreux avantages, il a également des contraintes auxquelles il va falloir s’adapter. Guillaume Di Grazia évoque celle de la météo. “Pour une partie des sports, je prends l’exemple de la F1; s’il pleut trop, la course va être annulée. On a déjà des problèmes avec la météo sans drone. En cyclisme, cela arrive que l’avion relais ne puisse pas décoller, on est alors privé des images de l’hélicoptère.”
Autre pierre d'achoppement: les autorisations. Martin Bochatay explique: “C’est un peu le point noir de la discipline pour les professionnels. Les démarches pour obtenir ces autorisations varient d'un pays à l'autre et nous font perdre beaucoup de temps. Cela peut arriver qu’on ne puisse pas tourner. Des organisateurs d’événements comme la F1 s’intéressent au drone. Peut-être que ces entités-là vont pouvoir aider les professionnels dans leurs démarches.” Depuis 2021, il existe une réglementation européenne appliquée par tous les membres de l'UE. Pour piloter dans les autres pays, il faut se référer à l'aviation civile locale.
Si l’hélicoptère est plus polluant, il peut par contre voler plus longtemps. Pour Guillaume Di Grazia, le drone doit être entouré d’autres caméras : “Il n’a pas l’autonomie d’un hélicoptère donc on ne peut pas imaginer avoir demain une course cycliste réalisée entièrement pas des drones.”
Quel futur pour le drone ?
Le drone n’est pas encore parfait mais il est considéré comme un objet d’avenir dans l’audiovisuel. Guillaume Di Grazia, fait partie des commentateurs enthousiastes. “C’est le début du drone et cela ne s’arrêtera pas. Cela fait partie des différentes innovations qui ont révolutionné l’histoire de la télévision et aujourd’hui du digital. On ne reviendra pas en arrière. Il y a encore des progrès à faire en termes d’image mais cela va avancer très vite.”
Le but du drone n'est pas de remplacer les caméras mais d’apporter un autre point de vue, un angle différent comme l’explique le réalisateur belge Jean-Charles Vankerkoven : “Pour la compréhension et le confort du téléspectateur, on gardera des fondamentaux. Il y aura toujours une base conventionnelle à laquelle s’ajouteront des outils à la disposition de la production qui rendront l’expérience plus complète.”
Le foot devra attendre
Si cela paraît indéniable que le drone apporte une plus-value aux sports en mouvement, les sports collectifs comme le football ou le rugby peuvent-ils espérer profiter de ses bienfaits ? Guillaume Di Grazia, est dubitatif : “Il y a des sports qui en bénéficieront moins car ils ont déjà des prises de vues super intéressantes. Je n’imagine pas un drone au milieu d’un terrain de foot à cinq mètres des joueurs. Un peloton, on sait où il va alors que s’il y a une perte de balle, il y a un changement de direction.”
Jean-Charles Vankerkoven compare plutôt le drone aux spidercams (caméras au-dessus du terrain) : “La spidercam est surtout utilisée quand le ballon est à l’arrêt, avant un penalty, un corner ou un changement de joueurs. Quand le ballon est en circulation, elle n’est pas beaucoup utilisée. Je pense qu’avec le drone ce sera plus ou moins la même chose.”
À Anderlecht comme dans beaucoup de clubs belges et européens, le drone est utilisé depuis cinq ans... lors des entraînements et de certains matches amicaux : “Cela sert vraiment pour l'analyse tactique. Avoir une vue depuis le ciel permet de se rendre compte d’où se trouve l’espace et de voir comment les joueurs sont positionnés", nous explique le club.
Le drone ne sera donc pas tout de suite un titulaire indiscutable au sein des stades de foot mais il est déjà un élément indispensable dans bien d'autres sports.
Martin Bochatay, pilote de drone FPV : “J’ai directement vu un potentiel à ces machines”
Si le drone a le vent en poupe ces derniers temps, il ne serait rien sans ses pilotes qui travaillent dans l’ombre.
S’il y a bien une chose qui compte pour Martin Bochatay, c’est que la différence soit faite entre un drone classique et le FPV (vue à la première personne). Il explique la distinction entre les deux machines : “Le drone FPV, on le fait voler en immersion. Le pilote a les lunettes sur les yeux et voit ce que le drone voit. Quand je filme toutes ces disciplines, mon esprit est avec les athlètes. J’en parle d’ailleurs à la première personne, je fais croire à ma tête que je suis là-bas.”
Une formation autodidacte
La difficulté d’être un précurseur dans un domaine, c’est qu’il n’existe alors aucune formation. Le Français raconte comment il a appris à piloter les drones FPV : “Cela a été un entraînement intense. Je conduisais tous les jours pendant deux heures dans des endroits très restrictifs comme des forêts. J’essayais de pousser mes réflexes au maximum tout en faisant des mouvements souples dans l’optique de cadrer. Je me suis fait une autoformation de pilote pendant presque deux années.”
Le pilote travaille pour différents sports que ce soit le ski, le VTT ou encore des sports automobiles. La notion de mouvement est toujours présente mais Martin Bochatay imagine le drone dans d’autres disciplines. “On pourrait mettre le FPV dans l’athlétisme ou dans des skates parcs. Des sports d’équipes sur un terrain, cela me semble plus compliqué. Le tennis ? Je ne sais pas si ce serait vraiment intéressant. Le stade est déjà équipé de caméras dans tous les sens.”
Des appareils impressionnants
Pour suivre des athlètes aussi rapides que des skieurs ou des pilotes, il faut des machines très performantes. “On essaye de toujours rester en dessous des deux kilos. Certaines peuvent atteindre les 200 km/h en moins de deux secondes. Il y a un rapport poids puissance complètement fou. Du coup, on a un temps de vol beaucoup plus limité. Les drones classiques savent voler à peu près 30 minutes, les nôtres tiennent quatre à six minutes.”
Derrière un drone qui nous amène des images uniques, il n’y a pas qu’un pilote mais toute une équipe. Martin Bochatay raconte les coulisses : “Il y a un deuxième pilote avec moi qui est mon “spotteur”. Ce sont mes yeux au sol, il a toujours le drone en visuel. Pendant le vol, on est en contact et il me donne des informations sur ce qu’il y a aux alentours, notamment les obstacles. Le troisième membre est un technicien. Il s’occupe du signal vidéo pour que les images parviennent à la régie vidéo sans problème et que les images soient parfaites.” Une équipe dont le travail de l’ombre est primordial.