Rik Van Looy, l’Empereur d’Herentals, seul vainqueur de toutes les classiques, fête son 90e anniversaire
La ville d’Herentals s’apprête à fêter comme il se doit le plus grand champion belge après Eddy Merckx.
- Publié le 20-12-2023 à 06h46
Ce mercredi, Rik Van Looy fête ses 90 ans.
”J’ai prévenu qu’il ne fallait pas faire trop de tralalas”, a expliqué ces derniers jours l’ancien coureur. Mais la ville d’Herentals a mis les petits plats dans les grands pour fêter son champion. À une cérémonie privée, succédera ce mercredi après-midi l’inauguration d’une nouvelle statue en bronze (une première existe depuis août 2017) sur la Grand-Place ainsi qu’une exposition et une fête populaire en l’honneur d’un des plus grands champions cyclistes de tous les temps.
Le meilleur coureur belge après Eddy Merckx est en effet le seul coureur de l’histoire à avoir enlevé toutes les classiques de son temps. De septembre 1953 à août 1970, Rik II (Rik Van Steenbergen, Anversois lui aussi, de neuf ans son aîné, fut Rik I) est entré dans l’histoire sous un autre surnom. L’Empereur d’Herentals a conquis 371 succès sur route (plus 111 dans les catégories de jeunes et une soixantaine sur piste).
Parmi ces victoires, deux titres mondiaux, deux de champion de Belgique, pas moins de seize classiques dont huit Monuments. Rik Van Looy fut aussi, avant Eddy Merckx et Roger De Vlaeminck, le premier à remporter les cinq grandes classiques, Milan-Sanremo (1958), le Tour des Flandres (1959 et 1962), Paris-Roubaix (1961, 1962 et 1965), Liège-Bastogne-Liège (1961) et le Tour de Lombardie (1959). Il a aussi conquis 37 étapes dans les trois grands tours dont il a porté au moins un jour le maillot de leader.
Livreur de journaux à 12 ans
Hendrik, dit Rik, Van Looy naît le 20 décembre 1933 à Grobbendonck, en Campine, deuxième fils d’un modeste maçon. Au sortir de la Deuxième guerre mondiale, la vie est rude pour la famille. À 12 ans, le jeune Rik quitte l’école et devient livreur à bicyclette de journaux (trois cents par jour).
”De cette période”, dit-il, “j’ai acquis la force de pousser un plus gros développement quand il le fallait, j’ai appris à courir dans les pires conditions, ce fut une excellente école qui m’a forgé le caractère.”
Avec les scolaires du club de foot local, il sera champion provincial en battant l’Antwerp, mais finit par choisir le cyclisme, découvert en suivant un ami coureur. De sa première course chez les non-licenciés, à Herenthout, en mai 1948, on retiendra que le jeune Rik se classa 68e, à cinq tours du gagnant.
Un an plus tard, à Booischoot, il conquiert un premier bouquet. Suivront 481 autres victoires. Deux fois champion national des amateurs, médaillé de bronze du mondial, on croit Rik Van Looy lancé pour une carrière florissante. Il faudra pourtant une double rencontre pour qu’elle ne prenne son véritable envol alors qu’elle battait de l’aile.
Le jeune Van Looy signe sa licence de professionnel le 2 septembre 1953. Le lendemain, il gagne sa première course à Kortenaken, puis il s’impose encore à Heist-op-den-Berg et se classe 7e de Paris-Tours. Mais la saison suivante n’est pas celle espérée. Van Looy effectue son service militaire à la Force aérienne, à Evere, combinant ses classes avec les courses de kermesse où sa pointe de vitesse lui permet de rafler primes et succès. Le soir, le milicien paie des tournées à ses copains dans les cafés bruxellois. Il tombe dans la facilité et s’entraîne de moins en moins.
“Ce gamin aux grosses pattes ne fera jamais carrière”, avancent alors à son propos Rik Van Steenbergen et Stan Ockers en 1954.
Heureusement, un jour, dans un établissement d’Herentals, il fait la connaissance de Ninie Marien, la jeune fille de la maison, le “Café Ford”. Le 2 février 1955, Rik épouse celle qui va accompagner sa vie durant près de 65 ans et jouera un rôle prépondérant.
Ce gamin aux grosses pattes ne fera jamais carrière.
”Je pesais plus de 80 kilos, dix de trop, à mon mariage”, se souvient-il. Démobilisé, devenu papa de la petite Marie-Louise, il se relance.
Ninie, la femme de sa vie
”Ma femme gagnait plus d’argent que moi et je me suis posé des questions quant à mon avenir”, admet-il.
Ninie persuade son mari de rencontrer le docteur Dries Claes (père de Toon, le célèbre chirurgien qui a soigné tant de coureurs ces dernières décennies) qui le prend pour un joyeux drille.
Au printemps suivant, en avril 1956, il enlève Gand-Wevelgem et Paris-Bruxelles, première grande classique (à l’époque) qui orne son palmarès. Le Campinois est lancé. Puissant, rapide, ambitieux, il n’aime rien moins que de faire la course. La victoire lui semble accessoire. Van Looy est un chef auquel ses équipiers vouent un véritable culte, réunis dans sa fameuse Garde Rouge, née dans l’équipe Famea, prolongée chez Flandria puis Solo-Superia. Naturellement autoritaire, Van Looy domine, il est le patron de son équipe et du peloton. Il est aussi en avance sur son temps, un des premiers à effectuer des stages préparatoires, au bord du lac de Garde en Italie ou en Campine.
De 1958 à 1962, il rafle ses principaux succès et est favori de toutes les grandes courses d’un jour car sa faiblesse dans les chronos et en haute montagne l’empêche de briller sur les grands tours.
D’autant que, durant toute la période où le Tour de France s’est couru en équipes nationales, Van Looy a refusé de porter le maillot bleu natier. Il reprochait à la RLVB de ne pas en faire le leader absolu de notre équipe. Ce n’est qu’en 1962, à presque 29 ans, qu’il découvre la Grande Boucle dont il gagnera sept étapes et le maillot vert.
La trentaine bien sonnée, après trois ans de disette dans les classiques, il s’impose à Roubaix pour la troisième fois, en 1965. Deux ans plus tard, il réussit le doublé à Paris-Tours et au printemps 1968, il enlève la Flèche wallonne, la seule classique qui manquait encore à son exceptionnel palmarès.
”Aucun champion n’a été aussi populaire que Van Looy, c’était vraiment une star, une personnalité qui ne laissait personne indifférent. Rik, on l’aimait ou on le détestait”, raconte notre confrère Robert Janssens.
Rik Van Looy ne laissait personne indifférent, on l’aimait ou on le détestait.
Partout où il se produit, l’Empereur d’Herentals est accompagné de cohortes de supporters. Pour beaucoup, le monde s’arrête de tourner quand, en août 1970, de retour du critérium de Valkenswaard, il décide brusquement d’arrêter alors qu’il a encore un contrat chez Willem II.
Après sa carrière, Rik Van Looy a été relation publique, directeur sportif et consultant. Il fut propriétaire d’un important manège et directeur de l’école de cyclisme du Bloso à Herentals. Pendant dix-huit ans, il présida aux destinées du club de foot d’Herentals, alors en DIII où évoluait son fils, André, qui joua aussi au Beerschot.