Les conseils running de François D'Haene, le roi de l'ultra
Nutrition, matériel, entraînement ou objectifs : le triple vainqueur de l’UTMB, de passage en Belgique, a partagé avec Belgium Running son expertise du trail.
- Publié le 13-02-2019 à 09h52
- Mis à jour le 14-12-2020 à 14h37
Nutrition, matériel, entraînement ou objectifs : le triple vainqueur de l’UTMB, de passage en Belgique, a partagé avec Belgium Running son expertise du trail.
François D’Haene a tout gagné ou presque dans le monde de l’ultra running. Seule une ligne mentionnant l’un des grands monuments américains semble encore faire défaut au palmarès du géant français. Un manque qui sera peut-être comblé dès cet été avec une participation prévue à la Hardrock 100 (160 km/10 000 D +). Mais avant de boucler l’hiver en chaussant une dernière fois ses skis de rando pour s’aligner sur la Pierra Menta dans le Beaufortain qui est aujourd’hui le sien, le triple vainqueur de l’Ultra Trail du Mont Blanc a fait un détour par la Belgique et Bouillon où, à l'invitation des magasins Trakks et à quelques jours du coup d’envoi des inscriptions (ce jeudi) de l’édition 2019 de La Bouillonnante, il a partagé avec nous, outre sa passion pour le vin, sa grande expertise de la course à pied et du trail.
Conseils d’un maître des efforts d’endurance extrême sur des thématiques que chaque coureur se pose un jour ou l’autre.
Suis-je fait pour le trail ?
"Je ne pense pas qu’il y ait une réponse à cette question. Et j’espère d’ailleurs qu’il n’y en a pas. À mon sens, il faut aller là où on a l’envie d’aller, à son propre rythme. Si on regarde en termes uniquement de performance, il y a évidemment des gabarits qui sont plus taillés pour la route et d’autres pour le trail. Mais la performance, cela ne concerne qu’une infirme partie de la population au final. Le reste des pratiquants ont une pratique plaisir et, dans cette optique, l’important est de faire ce qui nous donne de la satisfaction. Je suis persuadé qu’une grande majorité est capable, à condition de s’en donner les moyens, de faire du trail, voire de l’ultra trail. Mais cela demande de prendre le temps d’apprendre à se connaître et de franchir les étapes les unes après les autres."
Comment choisir ses objectifs ?
"À mon niveau, l’envie joue un grand rôle dans le choix de mes courses. Il ne faut pas juste cocher une course dans son calendrier mais trouver un vrai sens dans une participation à une épreuve plutôt qu’une autre. À haut niveau ou pas, faire un trail peut exiger pas mal de temps. Il faut donc que cet engagement réponde aussi aux différentes contraintes : familiales, professionnelles, sociales… On ne s’inscrit pas à un ultra juste parce qu’un copain nous l’a suggéré. Cela doit venir de soi, car ce n’est pas un défi facile. La démarche doit être personnelle. Une fois que ce processus est enclenché, il n’y a pas de raison que ça ne fonctionne pas. En ce qui me concerne, j’aime tester de nouvelles choses d’une année à l’autre. Sans oublier de rester raisonnable. En marathon, depuis la nuit des temps, on dit que deux objectifs par an, c’est bien. Or, un trail, on fait souvent bien plus de kilomètres. Trois objectifs par an pour moi, avec mon vécu, cela me semble un bon équilibre. Mais j’ai pris le temps et j’ai une approche qualitative et professionnelle de la question."
Comment ne pas trop en faire ?
"L’important est d’arriver le jour d’une course avec de la fraîcheur, de l’envie et de la motivation. Cela demande de bien se connaître. Mais pour apprendre à se connaître, il faut faire des erreurs et, surtout, en retenir les leçons. Par exemple, ce n’est pas parce qu’on va courir durant toute une nuit en course qu’il faut s’entraîner à ne plus dormir. Le surentraînement fait aussi partie des erreurs classiques. De mon côté, j’essaie que les semaines ne se ressemblent pas, de varier les pratiques et les temps d’entraînement, histoire de garder cette envie qui est primordiale à mes yeux. Je peux faire des semaines à 30 ou 40 heures d’entraînement comme à une heure d’entraînement. Entre les deux, il y a des centaines de possibilités. Il ne faut surtout pas négliger la récupération qui, dans certains cas, peut même être plus importante que l’entraînement en lui-même. Surtout en ultra."
Comment être fort dans sa tête ?
"C’est un tout. Moi, je n’ai pas de préparation mentale à proprement parler pour faire face à mes défis. Mais je prends le temps de bien programmer et visualiser ma saison durant l’hiver, avec ma famille, ma femme, mes partenaires, histoire que tous ceux qui m’entourent soient en accord avec ce que je vais faire. Par la suite, tout est calé dans mon esprit et je sais vers où je vais et pourquoi je le fais. Idem en course si j’ai un passage à vide. Si j’ai choisi d’être là, c’est qu’il y a une bonne raison. Et donc ce n’est pas un moment plus difficile qui va venir remettre cela en cause. La question ne se pose pas. Si ça fait 10 heures que je cours, qu’il y a plein de montées et qu’il fait froid, c’est normal que cela soit difficile. (rires) Ça ne doit pas remettre en cause une démarche longue de six mois. C’est une approche cartésienne, peut-être liée à mon caractère. Mais ça peut se travailler aussi."
Course à pied doit-il rimer avec sacrifice ?
"Je ne suis pas partisan de cette approche-là, surtout au niveau alimentaire. Chacun a sa façon de voir les choses mais j’estime qu’il y a dans notre monde déjà suffisamment de contraintes pour s’en ajouter d’autres à travers la pratique de son sport. Je pense qu’on peut se permettre quelques petits excès, sans tomber dans les extrêmes bien sûr. Mais j’apprécie un bon repas, un bon verre de vin, une chouette vie sociale et je n’ai pas envie de me priver de cela pour la pratique du trail. D’autant que je pratique une discipline où les dépenses énergétiques sont énormes. Tout cela représente des petits bonheurs et un certain mode de vie qui m’a réussi. Que chacun apprenne à se connaître et fasse ce qui lui convient le mieux, sans que cela rime avec contraintes."
Quelles erreurs éviter ?
"Qu’on parle de matériel, de nutrition ou de tout autre chose, il faut absolument éviter d’utiliser sa course objectif comme un laboratoire. Pas question d’y faire des tests donc. Partir sur un ultra avec un sac à dos qu’on n’a jamais testé, c’est incohérent. Idem avec des chaussures qu’on n’a jamais mises ou une nouvelle barre énergétique. C’est une question de bon sens. Le matériel que j’utilise, je le connais par cœur. Il y a suffisamment d’incertitudes et de choses difficiles à gérer sur un ultra que tout ce qu’on peut éviter comme ennui, on évite. Au final, il ne me faut que quelques minutes pour rassembler mes affaires avant une course."