La coach de Nina Derwael, Marjorie Heuls: "La qualité de notre travail est reconnue, même par les Russes"
Entretien avec Marjorie Heuls, la coach de Nina Derwael, à la veille de l’entrée en lice de la championne du monde, ce jeudi.
- Publié le 27-06-2019 à 07h13
- Mis à jour le 27-06-2019 à 08h12
Entretien avec Marjorie Heuls, la coach de Nina Derwael, à la veille de l’entrée en lice de la championne du monde, ce jeudi. C’est ce jeudi que seront disputées, à Minsk, les qualifications en gymnastique artistique. Ce qui correspond donc à l’entrée en lice de Nina Derwael. La coach de la Trudonnaire, Marjorie Heuls, a accordé un long entretien à La DH pour situer l’importance de ces Jeux européens aux yeux de son élève.
Marjorie Heuls, prendre le titre aux barres asymétriques, c’est le but de Nina, ici, à Minsk ?
"Oui, clairement, sinon on ne serait pas venu ! L’objectif c’est de faire un bel exercice et de gagner la compétition."
Nina présentera donc un nouvel exercice.
"Oui, celui qu’elle a fait à Gand, début juin, un exercice à 6,70. Il y a une bonne concurrence ici, avec les meilleures barristes (sauf évidemment la Chinoise), c’est encore mieux ! Ce sera un bon point de repère avant les Mondiaux de Stuttgart en octobre prochain."
Parlez-nous des spécificités de cet exercice.
"On a introduit un élément supplémentaire, qui est assez explosif et qui demande beaucoup d’énergie parce que les trois lâchers de barre s’enchaînent. C’est là que réside la difficulté. C’est donc l’occasion de tester l’exercice pour Stuttgart, sachant que là-bas la priorité reste l’équipe. En individuel, Nina visera le podium pour entériner sa qualification pour les Jeux."
Il ne s’agit donc pas de l’exercice définitif pour les JO ?
"Non, j’espère qu’on va pouvoir le modifier encore."
Et monter la note jusqu’à combien ? 6,9 ?
"L’idéal serait d’aller à 7 mais ce n’est pas du tout fait. On va déjà voir comment elle va exécuter cet exercice-ci, voir comment elle va évoluer et quelle note va sortir. Ensuite, si la préparation se passe bien, si Nina est au top dans tous les domaines, si elle est bien reposée, on pourra monter quelque part entre 6,7 et 7."
Aucune fille n’en est capable actuellement !
"À 6,7, je pense effectivement qu’il n’y a personne. La Chinoise est à 6,5. À 6,3, il y a un peu plus de monde, avec deux Anglaises et la Russe. Et peut-être qu’une Américaine va sortir du rang aussi. On le sait : si Nina n’avance pas, cela n’ira pas."
En clair, elle veut impérativement garder son avance actuelle sur la concurrence au niveau de la note.
"Oui, mais ça ne doit pas être au détriment de la qualité de l’exécution. C’est pour ça qu’on veut tester l’exercice."
Depuis combien de temps travaillez-vous cette routine ?
"En fait, c’est un mix entre son ancien exercice et le nouveau. Il n’y a pas de grosse nouveauté si ce n’est la combinaison des trois lâchers. Avant, elle ne faisait pas le Tkatchev tendu mais elle faisait les deux suivants. Pour l’année passée, on a enlevé l’écart serré mais on a rajouté le tendu. Et là maintenant, elle fait le tendu, l’écart serré et le demi-tour."
Elle l’a déjà présenté deux fois, ce mois-ci, à Gand.
"Oui, le premier jour ne s’est pas très bien passé : elle a fait une petite faute à la fin sur son demi-tour. En finale, ça a été beaucoup mieux, elle a fait 15.2, ce qui est le minimum sur un exercice comme ça. Elle doit aller chercher 15.3."
Quel est son état de forme ?
"Elle est mieux que début juin, les deux dernières semaines ont été bénéfiques. Elle se présente ici plus confiante parce qu’elle a fait plus d’exercices réussis à l’entraînement. Logiquement ça devrait mieux se passer."
Est-il possible de la voir prendre deux médailles d’or ?
"Oui, c’est possible ! En poutre, elle a rajouté aussi un saut avec perte de repères qui peut faire monter sa note de départ de 3 dixièmes mais elle ne le fait pas tout le temps parce que c’est avec un enchaînement. Si elle est bien placée, elle le fera et elle peut prendre l’or."
Beaucoup de choses ont changé dans sa vie ces derniers mois. Comment gère-t-elle tout cela ?
"Elle cherche encore son équilibre. C’est une étape à franchir, comme n’importe qui sortant du système scolaire classique pour rentrer dans la vie étudiante. Elle passe d’une situation où tout est bien réglé à une autre où elle doit gérer elle-même son emploi du temps. En début d’année, on a fait une réunion pour définir le minimum d’entraînements où elle doit être présente et à partir de là, elle a pu choisir les cours qu’elle pouvait suivre."
Quel est l’impact de ces changements sur les entraînements ?
"Nina s’entraîne tous les jours, deux fois par jour, sauf le mercredi où c’est une fois. Vous savez, 18-19 ans, c’est un âge particulier, pas encore adulte et plus enfant non plus. Elle a plutôt bien géré cette période, il y a juste un peu plus de fatigue supplémentaire par rapport à son rythme de vie."
Jalouse-t-on la Belgique, à l’étranger, d’avoir un tel talent ?
"Non, les gens sont généralement contents pour nous et pour elle, parce qu’ils savent que la Belgique au départ n’est pas forcément une nation de la gymnastique. On reçoit des témoignages de sympathie. Même les Russes reconnaissent la qualité du travail qui est fait chez nous et se montrent du coup plus ouverts avec nous."
Ces réactions doivent vous faire plaisir, à vous aussi, en tant que coach !
"Oui, c’est sûr, c’est plutôt chouette. Mais c’est un ensemble de choses qui fait qu’on en est arrivé là. C’est notamment la rencontre entre Nina et nos compétences. Mais il faut continuer à travailler dur."
À 13 mois de l’échéance, la pression des Jeux se fait-elle déjà ressentir ?
"Non, pas encore. Il faut déjà passer le cap de la qualification, et puis ce sera une autre préparation qui va commencer. Par rapport aux barres, Nina est déjà sur le bon chemin, je ne suis pas inquiète, il s’agira de rester fit physiquement, c’est le plus important, et d’arriver en confiance à Tokyo."
Disputera-t-elle moins de compétitions l’an prochain pour limiter le risques de blessure ?
"Comme chaque année, on va gérer le calendrier en fonction de ses besoins et de son état de forme. Nina est une gymnaste qui a besoin d’un objectif pour se donner à 100 % sur les entraînements, donc ne pas faire de compétition ne sera pas l’option. Mais il ne faudra pas en faire trop non plus ! Les résultats des Mondiaux pourraient peut-être lui apporter plus de tranquillité aussi..."