Le Beaujolais, ce n’est pas que du beaujolais
Des passionnés de pierres dorées, des artisans du verre, des huiliers: on ne parle pas que de vin dans le Beaujolais !
- Publié le 20-04-2024 à 16h22
Plus de 2 000 vignobles, 12 appellations dont 1O crus et une route des vins qui fait 140 kilomètres. Difficile de ne pas parler vin quand on visite le Beaujolais, premier vignoble au monde reconnu Géoparc mondial de l’Unesco.
Depuis ce coup marketing de génie qui a mis dans les années 60 cette région au nord de Lyon sous le feu des projecteurs chaque 3e jeudi de novembre, le beaujolais est devenu un poids lourd des exportations françaises de vin. Et, rançon de la gloire, il paye aujourd’hui cette image de "vin à la banane pour Japonais" et tente de retrouver un équilibre entre la production de masse et la qualité du vin.
Cette région veut aussi montrer que, malgré les chiffres impressionnants d’hectolitres produits au kilomètre carré (70 millions de bouteilles chaque année !), le Beaujolais a bien d’autres attraits touristiques que des caves et des domaines viticoles. Ce sont des paysages à couper le souffle, une nature accessible (1 000 km de sentiers balisés), un patrimoine remarquable avec ses 300 châteaux.
Un petit air de Toscane
Comme porte d’entrée dans le Beaujolais, nous vous proposons de découvrir les villages des Pierres Dorées, aux portes de Lyon. Ici, les ruelles s’illuminent et changent de couleur au fil du jour. Le tout sur un fond de collines au milieu des vignes et des châteaux. On s’y croit en Toscane.
" Les pierres calcaires sont teintées par des oxydes de fer nous explique Francis Hérault, qui préside l’Association des amis du vieux village d’Oingt, le seul village du département du Rhône classé parmi les plus beaux villages de France . Il y a 75 ans, Oingt était pourtant en ruine et déserté. Pierre par pierre, sous l’impulsion du curé du village et de la mairesse, tout a été reconstruit, à la traditionnelle, ce qui confère au village une belle unité."
Un village entièrement restauré, classé mais surtout vivant avec 650 habitants à l’année dont une vingtaine d’artistes et artisans d’art. Cendrine M., la fileuse de verre qui manie le chalumeau comme un pinceau ou Christelle, créatrice et restauratrice de vitraux, ont contribué par leur incroyable créativité à cette success story à la campagne et vous attendent dans leur atelier.
"Côté animation et patrimoine, nous pouvons compter sur 180 bénévoles dans notre association ! Notre musée des instruments mécaniques attire 10 000 visiteurs, soit autant que le Festival d’orgues de Barbarie et ses 150 tourneurs qui se tiendra cette année les 7 et 8 septembre."
Si vous cherchez un autre événement pour découvrir Oingt et les autres villages des Pierres Dorées, Francis Hérault vous conseille aussi de venir en décembre pour " Oingt en Crèches " qui attire 35 000 visiteurs sur quatre semaines. "Tout le village sera décoré, de guirlandes, de boules de Noël, de sapins, et de nouvelles silhouettes, jusqu’en haut du donjon du château du XIIe siècle."
Un fruit, une huile
Autre région du Beaujolais, autre ambiance. Direction le centre, vers Belleville et Beaujeu. Ici non plus, ce ne sont pas des vignerons qui nous accueillent. Mais un artisan huilier, Fabien, et un cuisinier, Loïc (photo). La fine équipe. Le premier fournit les matières premières, des huiles et des farines produites dans son moulin. Et le second vous apprend à les magnifier.
"Il ne s’agit pas d’un cours de cuisine participatif, mais vous pourrez mettre la main à la pâte précise Loïc aux visiteurs.
Une fois les gâteaux réalisés, direction l’ Huilerie Beaujolaise, à Beaujeu, où l’on perpétue la fabrication d’huiles vierges de fruits secs et de graines oléagineuse. Huile vierge d’amande douce, de cacahuète, de colza, de pépins de courge, de noisettes, de noix, de pignons de pin, de pistache, de sésame… tout y est produit en petite quantité et de manière artisanale. Puis vendu dans la boutique ou acheminé vers de nombreux restos gastronomiques étoilés. Tout en continuant à accueillir les habitants de la région qui apportent encore les cerneaux de noix pour repartir, deux heures plus tard, avec leur propre huile. Un musée, mais qui fonctionne. Un savoir-faire qui se partage.
"Nous continuons le travail à façon parce qu’il permet aux habitants d’entretenir une vraie relation avec leur arbre fruitier: la météo, les maladies, le temps que ça prend d’obtenir une récolte… Cela renforce le rapport à la terre" conclut Fabien.
Deux réalités, une même passion pour le vin
Philippe Aufranc va sur les 60 ans. Il travaille la vigne avec son fils, Baptiste. La quatrième génération de vignerons, à Fleurie, un des crus les plus délicat du Beaujolais. Ils exploitent 15 hectares de vignes.
Madisson Thibaut vit à Lyon et est chargée de la com’ pour le Château de La Chaize à Odenas. Un domaine familial depuis 350 ans, classé monument historique. Une trentaine de salariés, de nombreux saisonniers. Une propriété de 500 hectares (dont 150 de vignes) et quatre crus: Brouilly, Côte de Brouilly, Fleurie et Morgon.
Philippe Aufranc a toujours travaillé la vigne. "Pour mes parents, la vigne, c’était un peu la cerise sur le gâteau. Ils avaient surtout des champs et des vaches." Il a surfé comme beaucoup sur l’épopée du Beaujolais Nouveau. "La poule aux œufs d’or", comme il dit.
Madisson Thibaut n’a jamais travaillé la vigne. Elle enchaîne les visites. Elle nous emmène dans l’âme du domaine, le chai historique, une cuverie de 108 mètres de long, la plus longue du Beaujolais. Elle emmène aussi les visiteurs dans les jardins du château pour admirer l’architecture signée Jules Hardouin-Mansart et André Le Nôtre, respectivement architecte et paysagiste de Louis XIV. Une merveille.
Philippe nous montre quelques gîtes qu’il a aménagés. Pour arrondir les fins de mois. Il peut accueillir une trentaine de personnes. Il vient aussi d’installer sur le haut du domaine (vue imprenable) une tiny house, baptisée "La cadole du vigneron". La cadole est une ancienne cabane façonnée en pierres sèches ou maçonnée pour entreposer les outils et se mettre à l’abri. C’est merveilleux aussi.
Les vins du château La Chaize sont certifiés bio depuis 2022. Des investissements considérables ont été réalisés. Comme un incroyable chai enterré, véritable prouesse architecturale et technologique. Le domaine est aujourd’hui autonome à 80% au niveau énergétique. Couplé à des pompes à chaleur réversibles, le champ de 25 sondes géothermiques à 200 m de profondeur permet à la fois de chauffer et de rafraîchir les différents bâtiments et le process viticole.
Pour Philippe Aufranc, l’appellation bio est impayable. Et trop contraignante pour une exploitation de sa taille. "Notre production est raisonnée, responsable et durable."
Au château de La Chaize, on peut débiter 2 000 bouteilles par heure. 50% de la production ira pour la France, l’autre moitié pour l’Europe, les USA, l’Australie et le Canada.
Philippe Aufranc, lui, fait appel à un prestataire pour la mise en bouteille (75 000 bouteilles). 60% de son marché est français, 40% européen.
Au château de La Chaize, le premier prix pour une bouteille est de 15 €. Certaines cuvées de 2017 sont vendues plus de 80 €. On peut trouver au domaine viticole de Philippe Aufranc une bonne bouteille de Fleurie à 9 €. Et jamais plus de 15 €.
Deux portraits, deux réalités du Beaujolais. Mais une même passion.
Dans les vignes, à vélo, avec Aurélien Lapalus, guide œnotouristique
Au départ, Aurélien Lapalus est ouvrier viticole. Mais aussi guide œnotouristique diplômé et puis surtout un passionné de vélo (il a même côtoyé les pros durant plusieurs saisons). Il a aujourd’hui fait de toutes ses passions son métier, puisqu’il propose, avec sa société Semita Tours, des visites guidées du Beaujolais à vélo électrique.
"Je peux le faire aussi avec des vélos musculaires. Mais l’idée ici est de rendre cette activité accessible à tous." Comme en témoigne Anne-Sophie: "Je n’avais pas fait de vélo depuis de nombreuses années et mon niveau sportif est au plus bas... Avec le vélo électrique ce n’est pas un problème. Même quand c’est un peu plus technique." C’est vrai aussi qu’avec les explications d’Aurélien tout au long de la balade, le temps passe vite. Les montées aussi.
Aurélien est passionné et passionnant. Ses itinéraires sont choisis avec minutie. Ni trop ni trop peu. "Je prends aussi soin d’adapter mon circuit en fonction du travail réalisé dans les vignes, selon la saison. Si je sais que des moutons paissent dans certains domaines, j’y passe pour expliquer ce que les vignerons du Beaujolais font en matière d’agropastoralisme. Savez-vous que les animaux ont la capacité de manger l’herbe autour du pied de la vigne de manière plus précise qu’un outil mécanique ?"
Circuler entre les vignes à vélo est bien mieux qu’avec un "autoguide". Cela permet évidemment de se rendre compte du relief, mais aussi des spécificités géologiques du Beaujolais qui a reçu ce label de Géoparc de l’Unesco. "C’est la richesse des sols qui explique la diversité de son vignoble, connu dans le monde entier. Chaque cru a son sol, son ensoleillement." Aurélien vous expliquera tout cela. Avec passion. Et puis, surtout, Aurélien a ses bonnes adresses. Il vous proposera des haltes pour rencontrer quelques vignerons amis qui vous feront découvrir leurs meilleures bouteilles. Afin de partager avec vous les valeurs qui sont celles du Beaujolais: le partage, la convivialité et l’authenticité. Et comme on ne doit pas reprendre le volant…
Infos: semita-tours.fr