Bobby Dekeyser, l'autre Belge du Bayern: "J'ai été canardé par Pfaff dans un garage d’hôtel"
- Publié le 21-11-2017 à 11h18
Le Belge Bobby Dekeyser a été numéro 2 au Bayern Munich et est devenu numéro 1 comme homme d’affaires. Voilà son histoire. La question suivante pourrait servir pour un questionnaire spécialisé : qui est le troisième Belge, après Jean-Marie Pfaff et Daniel Van Buyten, à avoir porté les couleurs du Bayern Munich ? La réponse : Bobby Dekeyser (53 ans), gardien de but et ensuite homme d’affaires réputé.
En Allemagne, où il est devenu une véritable célébrité, 100.000 exemplaires de sa biographie Unverkäuflich ont été vendus. Depuis Ibiza, où Bobby Dekeyser réside actuellement avec sa nouvelle compagne Kicki von Michel, il nous raconte quelques moments cruciaux de sa vie mouvementée. Voici son monologue.
"Je suis né à Louvain, j’ai joué à Oud-Heverlee. Je suis devenu gardien parce que je ne valais pas grand-chose comme joueur de champ; le FC Kaiserslautern m’a découvert. J’étais tellement mordu par le foot que j’ai arrêté l’école. J’ai dû retourner en Belgique pour faire mon service militaire. Pendant cette période, j’ai joué à l’Union Saint-Gilloise. Après mon passage à l’armée, j’étais sans club, et je pensais arrêter."
"Les genoux et coudes en sang"
"En 1986, l’improbable s’est passé. J’avais 21 ans et j’étais dans un hôtel à Francfort. Par hasard, j’y ai croisé Jean-Marie Pfaff, gardien du Bayern. Je lui ai fait ma pub. Il m’a proposé de me tester… dans le garage de l’hôtel. Avec une craie, on avait dessiné un but sur le mur. Il m’a canardé pendant deux heures, j’ai plongé dans tous les sens sur le sol. J’avais les genoux et les coudes en sang ! Mais je l’avais impressionné."
Téléphone de Hoeness
"Quelques mois plus tard, Uli Hoeness, manager du Bayern à l’époque, était au téléphone. Il me proposait de passer un test. Raimond Aumann, le 2e gardien, s’était blessé et il fallait le remplacer d’urgence. J’ai pris ma voiture et j’ai filé à Munich !"
"Tu ne marqueras pas, Matthaüs"
"J’avais un plan : pour réussir ce test, je devais y aller au bluff. Avant mon premier entraînement, je me suis mis au milieu du vestiaire et j’ai dit, devant toutes les stars : ‘Je m’appelle Bobby Dekeyser et je suis le meilleur gardien du monde.’ J’ai ajouté, à Lothar Matthaüs, la grande star : ‘Tu peux frapper autant que tu veux aujourd’hui, tu ne marqueras pas !’ Beaucoup ont ri mais durant cette séance, j’ai tout arrêté."
"Merci, Jean-Marie"
"Deux semaines plus tard, je signais mon contrat. Je serai éternellement reconnaissant envers Jean-Marie pour ça. On s’appelle peu, mais le courant passe encore toujours aussi bien quand on se voit. Il m’a tout appris. Il était top ."
"Étranger à Genk"
"On a remporté le titre et joué la finale de la C1 contre Porto, mais j’étais trop jeune et impatient pour déjà être au Bayern. Je voulais jouer. Et donc, je suis parti, j’ai signé au FC Nüremberg comme numéro 1, mais un autre gardien de classe mondiale m’a devancé : Andreas Köpke. J’ai ensuite signé à Genk, mais j’ai peu joué parce qu’il y avait trop d’étrangers, et j’étais considéré comme étranger parce que ma maman est autrichienne…"
"Aveugle de l’œil gauche"
"Je suis ensuite parti à Munich 1860 en D2, où ma carrière s’est terminée après un coup de coude dans le visage. J’étais aveugle de l’œil gauche, tout était fracturé. On a rempli ma tête avec plein de métal. Quelques mois plus tard, j’étais rétabli. Mais j’étais tellement dégoûté que 1860 ait transféré un autre numéro 1 que j’ai arrêté. J’ai dépanné le club à la fin de la saison suivante pour rester en D2, mais entre-temps - à 27 ans - j’avais une autre passion : les affaires."
"Brad Pitt, mon client"
"Mon premier business - la vente de skis dans ma cave - était un échec. Puis, j’ai lancé Dedon, qui fabrique des meubles de jardin en bambou philippin. Entre-temps, Dedon fournit 100 pays et emploie 3.000 personnes. Oui, c’est vrai : parmi mes clients figuraient Julia Roberts et Brad Pitt. Le monde des affaires, c’était ma tasse de thé. Encore plus que le foot. Mais le foot m’a beaucoup aidé. Le team spirit était ma devise dans ma compagnie."
"J’ai vendu Dedon"
"Après 30 ans, j’ai vendu Dedon. J’ai d’abord vécu à New York (NdlR: il a perdu son épouse en 2010 alors qu’il était en voyage d’affaires aux Philippines, il a ensuite eu une relation de trois ans avec l’actrice Gina Gershon) . Mon actuelle compagne et moi-même, nous avons ensemble sept enfants (NdlR: son fils Yannick est le rappeur du groupe Estikay) . Et je suis devenu grand-père… Vous voyez : ma vie est pleine de moments forts et de drames. D’où sans doute le succès de mon livre…"
"J’étais dans le viseur d’Anderlecht"
Il a failli remplacer Pfaff, blessé, lors des RSCA - Bayern Munich de 1987.
Dekeyser ne sera pas présent à Anderlecht - Bayern. "Je suivrai le match à la télévision, assure-t-il. Je ne viens plus souvent au foot. Quand Hoeness ou Rummenigge m’invitent pour l’une ou l’autre finale, par exemple, je me déplace. Ou pour un anniversaire."
Il y a quelques mois, le journal Bild a invité l’équipe de 1986-1987, 30 ans plus tard. Dekeyser : "Hoeness ne connaissait même pas l’anecdote du test avec Jean-Marie dans le garage... (Rires) Il a dit que s’il avait su cela, il ne m’aurait jamais pris."
Anderlecht aurait aussi pu être le club de Dekeyser. "Quand j’étais jeune, je rêvais d’Anderlecht. Mais quand le Bayern vous demande, cela ne se refuse pas. Quand j’étais numéro 2 au Bayern, il y avait de l’intérêt de plusieurs clubs. Dont Anderlecht, où Haan était coach. Mais je n’ai joué qu’un match à Munich, je n’ai pas su montrer mes qualités. Jean-Marie était toujours titulaire; il était incontournable."
Lors de la saison 1986-1987, le Bayern a éliminé Anderlecht en Coupe des Clubs Champions, l’ancienne Ligue des Champions. "5-0 à Munich et 2-2 à Anderlecht , se souvient Dekeyser. J’étais deux fois sur le banc. Pourtant, j’aurais pu jouer les deux matchs. Jean-Marie était blessé, aussi bien à l’aller qu’au retour. Je me suis échauffé, mais Udo Lattek, coach du Bayern, avait dit que Jean-Marie devait jouer. Le médecin lui avait fait une piqûre. J’étais très déçu. Cela m’énervait de devoir rester sur le banc, surtout contre le club numéro 1 de mon pays où on ne me connaissait pas vraiment."
Dekeyser a - malgré sa courte carrière - gardé d’excellents contacts dans le monde du football. "Avec Jürgen Klinssmann. Avec Jens Lehmann qui aide ma fondation (voir ci-dessous). Avec Mario Gomez (actuellement à Wolfsbourg) qui vient souvent en vacances à Ibiza et qui s’entend bien avec mes enfants."
Son nom n’est pas connu dans le football belge, mais l’est bien plus en Allemagne, où il participe parfois à des matchs pour la bonne cause. Dekeyser a souvent été très médiatisé. "Lors de cette saison 1986-1987, Jean-Marie et moi donnions des interviews chaque semaine. Deux gardiens belges dans un club comme le Bayern : avouez que c’était unique..."
Chevalier de l’Ordre de Léopold
Dekeyser n’est plus le grand patron de Dedon, mais cela ne signifie pas qu’il ne fait plus rien. "J’ai gardé mon hôtel Dedon Island Resort aux Philippines et j’ai lancé une fondation - la Dekeyser&Friends Foundation - qui lutte contre la pauvreté dans les Philippines et en Afrique. On a créé un village pour 5.000 personnes qui vivaient dans une décharge, on a ouvert des écoles, on aide des agriculteurs, etc. Je vous conseille de jeter un coup d’œil sur notre site."
Le travail de Dekeyser n’est pas passé inaperçu en Belgique. "À ma grande surprise, j’ai reçu un coup de fil du Palais royal, en 2012. J’ai été invité au palais avec toute ma famille; j’ai reçu le grade de Chevalier de l’Ordre de Léopold. C’était très particulier et j’en suis très fier."
Dekeyser, qui parle allemand, anglais, français, néerlandais avec un léger accent et qui apprend l’espagnol, n’est que rarement en Belgique. "Malgré toutes mes aventures à l’étranger et tous mes voyages, je reste pourtant un vrai Belge. Mon papa habite encore Mol et j’ai des amis à Bruxelles. J’adore venir en Belgique. Vous, Belges, vous savez vraiment comment vivre."