Philippe Simonin, préparateur physique de Charleroi : "Je ne suis pas inquiet sur le niveau général de l'équipe"
- Publié le 28-04-2018 à 13h02
- Mis à jour le 28-04-2018 à 13h03
Philippe Simonin, le préparateur physique de Charleroi, démonte les critiques émises sur la condition des Zèbres… Avant de battre La Gantoise le week-end dernier et mettre fin à une longue série de matches sans victoire, les Carolos ont lu et entendu dans les médias de nombreuses explications pour expliquer leur baisse de régime chiffrée et leur recul au classement. Parmi celles-ci, le physique… Un domaine géré par Philippe Simonin dans le staff de Felice Mazzù. C’est donc dans son sanctuaire, la salle de musculation du Mambourg, que le Français a ouvert son ordinateur portable pour expliquer, chiffres et courbes à l’appui, que les Zèbres n’ont rien perdu de leur allant dans ces playoffs 1. "La Pro League a fait quelque chose d’énorme", explique dans son franc-parler le Corse. "Tous les préparateurs physiques ont accès à une base de données (du nom de Stats Dynamix) qui nous permet dès le lendemain du match d’aller chercher des stats de notre match mais aussi des équipes adverses. Les chiffres dont je vais vous parler ne sont pas trafiqués pour mettre Charleroi en avant. Ils proviennent de la Pro League ."
Et leur analyse tend à montrer que les Carolos ne sont pas à la peine physiquement…
"Il faut d’abord savoir qu’on a un style de jeu très énergivore où notre équipe n’a pas beaucoup la possession de balle. Sur le dernier match face à La Gantoise, on a 34,5 % de possession. Après chaque match, on reçoit deux rapports. Un physique et un technique. Tu as pour chaque joueur et chaque équipe de nombreux paramètres. Mais tous ne sont pas intéressants pour notre travail. Savoir combien de temps un joueur marche ne m’intéresse pas, combien il a fait entre 6 et 15 km/h non plus. Entre 15 et 20 km/h, pour moi, ce n’est pas assez discriminant. Ce qui m’intéresse, ce sont trois paramètres. La distance totale parcourue, la distance à haute vitesse (entre 20 et 25km/h) et la distance en sprint qui est considérée au-delà de 25 km/h. Je garde depuis le début de la saison ces trois paramètres dans un fichier et je regarde par rapport à l’équipe adverse. Ce n’est pas un record qu’il faut viser, l’important ce sont les chiffres des deux équipes dans le match. Si une partie est très fermée, les deux équipes ne vont pas beaucoup courir. Notre record cette année, c’est 124 kilomètres lors du déplacement à Mouscron quand on a gagné 5-2. Mais ce n’est pas intéressant seul comme chiffre car il faut savoir ce qu’a couru Mouscron. Quand on regarde mon document, on remarque que Charleroi a rarement été débordé dans la phase classique. Et les playoffs ? Quand j’entends qu’on est fatigué car on a perdu au Standard, je veux bien, mais on a fait 112 kilomètres et le Standard 107. Contre Genk, on a fait 4 kilomètres de plus. Quand on a pris 6-0 à Bruges, l’équipe a couru deux kilomètres de moins que le Club mais on était devant en haute intensité et en sprints. Avec cinq matches de playoffs et trois paramètres par rencontre, cela donne 15 résultats. Et 13 fois nos chiffres sont supérieurs à ceux de l’adversaire."
Ce qui n’est pas suffisant pour remporter tous ses matches, car le football, ce n’est pas seulement courir… "En effet, cela ne veut pas dire qu’on est meilleur que les autres en football. Cela veut dire que nous, on n’a pas le choix, notre style de jeu fait qu’on doit courir beaucoup. C’est sûr qu’une équipe qui a toujours la balle est moins vite fatiguée. Contre La Gantoise, par exemple, les Buffalos ont fait 600 passes et nous 300. Il faut juste savoir de quoi on parle. À mes yeux, le physique compte pour 30 % dans le profil d’un joueur. Mais c’est le paramètre sur lequel les autres (tactique, technique) s’appuient. La condition physique, ce n’est pas quelque chose de linéaire. Il y a des hauts et des bas. Les données sont à croiser avec la technique et le niveau individuel des joueurs. Parfois tu vas prendre des points sans bien jouer. Sur un exploit individuel où un gars va te faire gagner le match ou sur une phase arrêtée. Quand c’est comme cela, on ne dira pas que ton équipe est fatiguée. Cette saison, on n’a pas spécialement pris moins de points quand l’équipe a connu son creux. Par contre, il était temps qu’une pause arrive à la toute fin de la phase classique. La seule fois de la saison où nous avons été derrière notre adversaire dans les trois paramètres, c’est lors du match à Malines. Mais on prend quand même un point."
Voilà encore la preuve que seules les statistiques ne peuvent expliquer un match. Encore une chance d’ailleurs…
Hein Vanhaezebrouck n'avait pas menti
Anderlecht a retrouvé de la consistance depuis le changement d’entraîneur…
Sans entrer dans les détails de la préparation du match face à Anderlecht, Philippe Simonin a remarqué que le Sporting bruxellois actuel a bien changé par rapport à celui qui était en place avant l’arrivée de Hein Vanhaezebrouck… "Quand je regarde les statistiques d’Anderlecht, je vois que le Sporting est bien maintenant. Les Anderlechtois sont bien mieux que lors de l’arrivée de Monsieur Vanhaezebrouck. On voit qu’un travail a été fait pour optimiser leur condition. Quand tu prends la moyenne de l’équipe au niveau des courses match par match en début de saison et que tu la compares à maintenant, ce n’est pas la même chose. L’entraîneur d’Anderlecht a été tributaire de ce qui a été fait précédemment mais aussi du calendrier. Ce n’est pas facile de réajuster le physique d’une équipe quand tu joues toutes les semaines. Tu ne peux pas tirer sur les mecs sinon ils sont rincés le jour du match. Tu vas faire des piqûres de rappel et tu es content quand il y a une trêve internationale car alors tu peux taper dedans."
Une méthode plus difficile à appliquer à Charleroi qui avait choisi cette saison de faire une grosse préparation physique en juillet pour démarrer le championnat pied au plancher.
"Dans une équipe comme Anderlecht, le noyau est plus large. À Charleroi, tu ne peux pas te permettre d’avoir cinq joueurs sur le flanc en même temps. Et comme on a moins de voitures, on en prend plus soin peut-être. Si tu as cinq mecs pour un poste, tu tires dessus comme un malade et celui qui restera debout, il jouera. Nous, on doit faire plus attention à notre matériel. Actuellement, Anderlecht, c’est une équipe qui a un haut niveau physique, comme Bruges, qui l’avait déjà. Ce qui est redoutable pour nous car quand on tombe sur une formation qui est bien en place, bien techniquement et bien physiquement, je ne sais pas si on lutte à armes égales."
Avant de défier les Bruxellois, le Corse soulignera certainement à ses hommes qu’un garçon comme Gerkens possède un gros volume de jeu et que Saief est capable de répéter les efforts à haute intensité. "On s’attend à un gros match car Anderlecht est bien préparé physiquement."
Une idée de Roberto Martinez
La société Stats, qui fournit depuis cette saison les données d’analyse de performances, a signé un contrat de trois ans avec la Pro League et réalise son travail grâce à un système de suivi optique des joueurs qui suit leur position et celle de la balle 25 fois par seconde. Des données qui sont fournies aux clubs qui peuvent consulter les performances de toutes les équipes. Cette mutualisation des infos entre les 16 clubs et leur mise à disposition du staff des Diables avait été suggérée par… Roberto Martinez. "En réalisant une Ligue ouverte, cela pousse tout le monde à progresser et à se poser des questions sur son travail. C’est hyper positif", analysait Philippe Simonin.
"Messi, il ne joue pas chez moi..."
On peut être un excellent joueur de football sans afficher des chiffres monstrueux au niveau des courses. La preuve avec Lionel Messi, qui tourne parfois à seulement huit kilomètres par match.
"Lui, il ne joue pas chez moi", lance en boutade Philippe Simonin, qui évoque ensuite des caractéristiques de deux joueurs du Sporting. "Hendrickx, c’est une mobylette. Son record, qui est peut-être celui du championnat, est de 13,9 km parcourus sur un match. Pour un préparateur physique, c’est du pain bénit. Rezaei, qui multiplie les appels offensifs et les courses défensives, est très performant dans les efforts à haute intensité…"