Les retrouvailles avec Ivica Mornar: "J’ai été directeur technique… un mois"
Le pirate croate du Standard et d’Anderlecht s’est distancié du football : "Je suis heureux en gérant trois cafés et en vivant pour mes trois filles et pour ma femme."
- Publié le 12-12-2018 à 07h14
- Mis à jour le 12-12-2018 à 09h59
Le pirate croate du Standard et d’Anderlecht s’est distancié du football : "Je suis heureux en gérant trois cafés et en vivant pour mes trois filles et pour ma femme." Son surnom est encore Moka et - sauf quand il laisse pousser sa barbe et porte des lunettes de soleil - il ressemble encore au pirate qui faisait trembler les filets à Sclessin (de 1998 à 2001) et au Parc Astrid (de 2001 à 2004). Mais Ivica Mornar (44 ans) a tourné le dos au football.
Il ne va même pas parcourir les 400 kilomètres entre Split et Zagreb pour voir son ancien club à l’œuvre. "Je vais regarder le match à la télé" , dit-il en français plus que correct, depuis un de ses cafés à Split. "Vu qu’il n’y a plus d’enjeu, le Dinamo et le Sporting vont quand même servir du spectacle, non ?"
Ivica Mornar, content de vous avoir retrouvé, quatorze ans après votre départ de Belgique.
"La Belgique… ma deuxième patrie. J’ai dit à mes trois filles (5, 8 et 11 ans) que l’été prochain on irait pendant une semaine en Belgique. Deux jours ne suffisent pas pour rendre visite à mes amis, comme au restaurant Folklor à Bruxelles. Ah… quelle belle époque !"
Vous faites quoi maintenant ?
"Je gère trois cafés à Split ; je mène une vie tranquille avec ma femme et mes trois filles. Je conduis les enfants à l’école et au sport."
Elles font du foot ?
"Non ! La plus jeune, de la gymnastique ; la deuxième, du taekwondo ; l’aînée, du handball. Elle est gauchère, elle a du talent."
Et vous, vous faites encore du sport ?
"Je fais deux joggings de 20 à 30 minutes par semaine. J’ai des soucis aux ischios, aux genoux, au dos. Mais je n’ai pas de gros ventre ! Disons que j’ai pris dix kilos en dix ans : de 88 kilos à 98 kilos. Ça va encore, non ?"
Et le foot ne vous dit plus rien ?
"Je suis les résultats de mes ex-clubs et je vais voir un match ou deux du Hajduk Split par saison, mais c’est tout. En 2007, j’ai été directeur technique du Hajduk, mais j’ai arrêté après… un mois. J’avais voyagé pendant toute ma vie, j’en avais marre de prendre l’avion. Et je n’avais plus l’esprit au football, je voulais me consacrer à ma famille. Je préfère regarder un match en faisant un barbecue avec des amis."
Vous n’avez donc pas fait de transferts pendant ce mois ?
"J’ai contacté Laszlo Bölöni pour devenir entraîneur à Split ! Mais il avait déjà un club."
Bölöni ? L’homme que vous avez traité de dictateur et de militaire quand il était votre coach à Rennes !
" (Rires) Oui, c’est vrai. Mais j’avais plus de 30 ans, je voulais quand même un jour de congé par semaine. On est des hommes avec un nom et un prénom, pas des machines. Je lui ai dit en face, je ne suis pas quelqu’un qui parle derrière le dos. Mais attention, j’avais beaucoup de respect pour lui ! Et il était un bon coach. Certes, il était de l’ancienne école, mais je l’aimais bien. Je ne sais pas s’il a évolué en treize ans. Vedran Runje, son entraîneur des gardiens, me dit qu’il fait du bon boulot à l’Antwerp. Runje est resté mon frère…"
Êtes-vous resté en contact avec d’autres ex-coéquipiers ?
"Jestrovic est le seul. Il est devenu un grand agent. Il m’envoie parfois des Whatsapp pour savoir si je ne connais pas de bons joueurs croates. Il n’a pas changé (Rires). Pour le reste, non ! Je n’ai pas leur numéro ! Mais je suis leur carrière à distance. Ils sont tous restés dans le foot. Vanderhaeghe et Hasi sont entraîneurs. Zetterberg est revenu à Anderlecht. Baseggio et Crasson sont encore consultants ?"
Crasson est rentré d’une aventure comme coach en Thaïlande.
"Ah, Bertrand… Ma première rencontre avec lui était en Ligue des champions, en 1994. Anderlecht était aussi venu en Croatie en Coupe d’Europe. Hajduk Split - Anderlecht : 2-1. Quand j’ai signé à Anderlecht, lui et Doll ne m’ont pas épargné aux entraînements. Parfois, je souffrais plus qu’en match. Aimé Anthuenis ne sifflait pas. (Après un silence) Vous pouvez me faire un plaisir ?"
Dites-moi.
"Passez mon bonjour à Anthuenis. Je ne sais pas ce qu’il fait actuellement, mais il a été un très grand monsieur pour moi. Et aux supporters d’Anderlecht. Je n’oublierai jamais mon premier match européen, contre Tiraspol. Aimé m’avait fait monter à vingt minutes de la fin. Venant du Standard, je ne savais pas si je me ferais siffler. J’étais nerveux comme tout. Mais, après ma première action, tout le stade chantait ‘Mornar is a Sportingboy’. Quel soulagement !"
Pas de bonjour aux fans du Standard ?
"Si ! Leur banderole lors de mon retour avec Anderlecht (Nous jugeons les traîtres comme dans ton pays) m’avait fait mal, mais le club s’est excusé via une lettre personnelle. Je pourrais aussi raconter plein d’anecdotes sur ma période au Standard."
Allez, donnez-nous-en une.
"Tomislav Ivic, notre entraîneur, avait fait installer des lits dans le corridor au Sart-Tilman. On devait y dormir tous les jours entre les entraînements. Un jour, je lui ai dit : ‘ Mister, si vous continuez ainsi, les joueurs mariés vont divorcer. Et les autres ne vont jamais se marier !’ On était plus au club qu’à la maison !"
"Top de Scifo d’être venu à mon tournoi"
Ivica Mornar a vécu des moments durs : sa sœur a un retard mental, son papa est décédé.
Mornar a beau avoir le look d’un sorteur de boîte de nuit, il a un tout petit cœur. Comme quand on lui parle de son papa, décédé en 2008. "Oui, cela fait déjà dix ans", dit Mornar, qui a traversé une dépression pendant six mois, après son décès. "Tu ne l’as jamais vu à Anderlecht ? Il me ressemblait, mais avait un petit ventre. On était très, très proches. Il est soudainement décédé dans son sommeil. D’un arrêt cardiaque. Cela n’a pas été facile d’accepter sa mort. Ma maman en souffre encore énormément."
Et puis, il y a ce tournoi de futsal que Mornar organise chaque année pour récolter des fonds au profit d’enfants ou personnes avec un retard mental, comme sa sœur. "Cela fait 17 ans que j’organise ce tournoi", dit Mornar. "J’invite toutes les grandes vedettes de Croatie. Cette année, il a lieu le 26 décembre. Klasnic, Kranjcar et Rapaic seront présents."
Rapaic est arrivé au Standard quand Mornar était à Anderlecht. Prosinecki, lui, est passé à Sclessin au moment où Mornar était encore là. "Je suis resté ami avec lui. Mais il ne viendra pas. Il a été hospitalisé et opéré à l’estomac. Rien de très grave, mais quand même."
Mornar espère accueillir des footballeurs belges. "Ils sont les bienvenus, même si la date n’est pas idéale, au lendemain de Noël. Enzo Scifo, lui, s’est présenté ici. C’était top de sa part. Quel grand monsieur."
Mornar, lui, ne va pas faire des exploits. "Je ne joue que deux ou trois minutes. Sinon, je me blesse. (Rires)"
"Degryse me voulait à Bruges"
Blessé, il a dû arrêter sa carrière à 33 ans.
Après Anderlecht, Mornar a joué à Portsmouth et Rennes, mais il a arrêté sa carrière à 33 ans. "J’avais une inflammation aux ischios" , dit-il. "Je rechutais tout le temps. Je ne savais plus sprinter comme il le fallait. À la fin, j’en avais marre. Je n’avais plus de plaisir."
Il a pourtant failli revenir en Belgique. "Marc Degryse, directeur technique à Bruges à ce moment-là, m’a appelé pour me convaincre de rejoindre le Club. Mais je n’aurais pas été honnête en acceptant sa proposition. Aimé Anthuenis, lui aussi, m’a appelé quand il était à Lokeren."
Finalement, Mornar a eu une carrière assez courte, avec des hauts (la Ligue des champions avec Anderlecht, l’Euro 2004) et des bas. "J’ai commis des erreurs" , reconnaît-il. "J’aurais dû aller au Sporting Portugal quand Luciano d’Onofrio me l’a dit. Têtu, j’ai refusé, et je me suis retrouvé dans le noyau C."
D’Onofrio a été son agent pendant de nombreuses années. "C’était le meilleur. Il disait : ‘Quand je t’appelle, ne me pose pas de questions, mais prends tes valises.’ Les autres parlent et font des promesses. Lui, il passe à l’action…"
"Milic n'est vraiment pas mauvais"
"Je connais bien les deux Croates d’Anderlecht. Surtout Milic, qui a été formé par mon club, Hajduk Split. Comme beaucoup de talents croates, il est parti trop jeune (NdlR : il est parti à Ostende à 20 ans). Il est critiqué à Anderlecht ? Il n’est vraiment pas mauvais, mais il faut être fort dans la tête pour réussir au Sporting. Et surtout quand l’équipe ne tourne pas, ce n’est pas évident. Santini est un vrai centre-avant, mais il lui faut des centres en provenance des flancs. Il ne va pas partir à 30 mètres du but, dribbler deux ou trois adversaires et marquer, comme le faisait Aruna Dindane à mon époque. Ce n’est pas un sprinter, mais il peut marquer beaucoup à Anderlecht."
"Le Dinamo est hors norme, Anderlecht devra être fort"
"Je ne sais pas trop quelle équipe que je vais encourager devant ma télé. C’est du 50/50. Anderlecht est dans mon cœur, mais je reste un Croate. Le Dinamo est vraiment très fort. Dans notre championnat, l’équipe est hors norme. Elle a neuf points d’avance sur le deuxième. C’est une équipe avec du caractère, mais avec de très bons joueurs. Bien sûr que cela va chauffer. C’est toujours un honneur de battre un grand club comme Anderlecht. Et le Sporting s’est racheté, après le match aller ? J’avais vu ce match à la télé. C’était la crise. Il faudra qu’Anderlecht soit beaucoup plus fort pour espérer battre le Dinamo."