Ce mardi, Laurent Verbiest, Diable fauché à 26 ans, aurait fêté ses 80 ans
Il aurait dû avoir 80 ans ce mardi 16 avril… si Laurent Verbiest ne trouva la mort, le 2 février 1966, dans un accident de la route à Ostende. Le Diable Rouge, défenseur d'Anderlecht, avait 26 ans!
- Publié le 16-04-2019 à 17h03
- Mis à jour le 16-04-2019 à 17h04
Il aurait dû avoir 80 ans ce mardi 16 avril… si Laurent Verbiest ne trouva la mort, le 2 février 1966, dans un accident de la route à Ostende. Le Diable Rouge, défenseur d'Anderlecht, avait 26 ans!
Il est toujours hasardeux de comparer des époques différentes et, donc, des sportifs qui n’ont pas évolué dans les mêmes conditions, mais Laurent Verbiest est, très certainement, l'un des plus grand défenseur de l’histoire du football belge. Et, à l’inverse de son palmarès, son aura a, probablement, aussi, été décuplée parce que, comme Coeck, Sterchele ou Junior Malanda, il est mort, en pleine gloire, au volant de sa voiture.
Laurent Verbiest était l’exact précurseur du style de joueur qu’allait être, une demi-douzaine d’années plus tard, le Kaiser Franz Beckenbauer. Il réunissait, en effet, les quatre mêmes qualités, fondamentales pour faire un défenseur d’exception : la technique, la condition physique, la relance et l’intelligence de jeu. Bref, ce qui s’appelle, tout simplement, la classe.
Pour l’avoir côtoyé à maintes reprises, je peux confirmer que, sous ses allures de grand seigneur, c’était un grand timide. Mais un timide ambitieux et qui ne doutait pas de son talent.
“Je veux jouer dans le plus grand, à Anderlecht”
Fils de pêcheur, il jouait à l’AS Ostende, en équipe d’âge lorsqu’il fallut remplacer l’arrière central Legon. Les dirigeants flandriens voulaient transférer l’Anglais Starcke, mais le gamin déclara : “Si vous voulez un conseil, prenez-moi, je suis d’une classe supérieure à celle de Starke.”
Les dirigeants s’apprêtaient à lui donner la fessée qu’il méritait, mais Pol Gernaey intervint. Ce n’était pas n’importe qui. Il était le gardien de but de l’équipe, sacré meilleur keeper de la Coupe du Monde de 1954, et fit une bonne partie de sa carrière entre les perches du Standard. Il dit: “Je l’ai vu en cadets et en scolaires, il dit vrai, je serais plus tranquille derrière lui.”
Si Pol Gernaey le disait, ce devait être vrai, et ce fut vrai. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, il fut remarqué par les grands clubs, mais il avait déjà fait son choix : “Je veux jouer dans le plus grand, à Anderlecht.”
Au Parc Astrid, il connut un baptême du feu exceptionnel : transféré après la saison 59-60, en droite ligne, donc, de la troisième division, il participa au dernier match amical de la saison du Sporting. Et quel match ! Le FC Santos, champion du monde, et son adversaire direct s’appelait tout simplement Pelé !
Verbiest fut rapidement appelé "Lorenzo le magnifique", parce qu’il avait brillé, quelques mois plus tard, dans un autre match amical, contre les Argentins de Boca Juniors.
Il participa, d’emblée, à trois titres successifs des Mauves. Et, surtout, le club bruxellois, qui n’avait jamais réussi, jusque-là, à passer un tour en Coupe d’Europe, commença, avec son grand défenseur, à aligner les qualifications. Et quelles qualifications : son premier rendez-vous européen fut contre le Real Madrid, vainqueur des cinq premières Coupes des champions. Ses adversaires s’appelaient Di Stefano et, surtout, Puskas, son adversaire direct. Et Anderlecht se qualifia !
Diable après 4 matches
Il réussit un exploit, inimaginable à l’époque où il n’y avait, sauf rarissimes exceptions, que des joueurs belges dans notre championnat, et, donc, une terrible concurrence en équipe nationale. Il fut, en effet, Diable Rouge après quatre matches, seulement et moins d’un mois, en première division, et ne quitta plus notre équipe représentative qu’à trois reprises, une fois pour suspension et deux pour blessure. Un record toujours d’actualité aujourd’hui !
Verbiest, joueur correct s’il en était, écopa pourtant d’une suspension de six mois : au Lierse, il avait passé la main sur les cheveux de l’arbitre Lepomme, en disant : “J’ai l’impression qu’il n’y a pas grand-chose, là en dessous”. Oui, c’était une autre époque !
Lorenzo aurait eu 80 ans ce mardi, le 16 avril. Mais sa carrière se termina tragiquement, au bout de l'autoroute de la mer, le 2 février 1966 à Ostende.
La mort au bout de l’autoroute de la mer !
Laurent Verbiest avait passé la journée du 2 février à Bruxelles. Blessé, il n’avait pas pu s’entraîner, mais Anderlecht, en tête du championnat devant le Saint-Trond de Raymond Goethals, se préparait à deux échéances importantes, contre le Standard en championnat, et au Real Madrid (ce sera l’affaire Barberan). Il était donc venu prendre la température au club et se faire soigner.
Il rencontra Jean-Paul Colonval, l’avant-centre de Tilleur, qui fut le dernier homme à lui avoir parlé. Ils se virent, par hasard, dans un établissement, discutèrent longtemps, et jouèrent aux cartes, puis, Laurent lui demanda s’il ne connaissait pas un cinéma où l’on jouait un beau film.
Jean-Paul le renseigna, mais quand il sortit du spectacle, avec sa femme, il était plus tard que prévu, et lui, d’habitude si prudent, poussa sans doute davantage que de coutume sur l’accélérateur : la télé retransmettait le match Manchester United - Benfica, et il ne voulait pas manquer ce grand sommet.
Arrivé au rond-point Kennedy, à Ostende, au bout de l’autoroute de la mer, une route qu’il connaissait par cœur, il heurta la berme centrale, et sa Volvo Amazon effectua plusieurs tonneaux. Sa voiture était pourvue de ceintures de sécurité, ce qui n’était pas courant à l’époque. Son épouse l’avait mise, lui pas. Elle sortit indemne de l’accident, lui fut éjecté et mourut avant même d’arriver à l’hôpital.
Il a été prouvé que, s’il avait été ceinturé, il en serait sorti sans blessure grave car l’habitable de la Volvo était intact...
Le palmarès de Laurent Verbist
- Né le 16 avril 1939 à Ostende. Mort le 2 février 1966 à Ostende.
- Carrière de joueur
1949-1960 AS Ostende
1960-1966 RSC Anderlecht 120 m-2 b - Palmarès
Soulier d’Or à titre posthume en 1966.
Champion de Belgique en 1962, 1964, 1965 et 1966. - Diables Rouges: 23 matches en équipe nationale.
Puis et Verbiest, destins tragiques
Bien qu’il fût un peu plus jeune que Laurent Verbiest, Wilfried Puis, le prédécesseur de Robbie Rensenberink sur l’aile gauche anderlechtoise, a partagé maints succès à l’époque de la dream team mauve.
Celui qui fut le complément idéal de Paul Van Himst était, comme Laurent Verbiest, ostendais. Comme lui, il débuta à l’AS Ostende, comme lui, il était doué et spectaculaire, comme lui, il mourut prématurément. Wilfried Puis n’avait, en effet, que 38 ans quand il s’éteignit, suite à un cancer long et très douloureux. À la fin de sa vie, il ne pesait plus que 38 kilos !
Initialement, Verbiest et Puis devaient partager le même studio à Bruxelles, mais ni l’un ni l’autre ne s’adaptèrent à la vie de la capitale. “Quand on est né au bord de la mer, on veut toujours y retourner”, disaient-ils tous deux.
Ils firent donc, régulièrement, la route à deux. Dans ce tandem insolite, Lorenzo était le leader, le patron, le garde du corps. Wilfried son porteur d’eau, le boy, qui n’hésitait pas à porter le sac de son aîné. Mais Puis était totalement perdu si son concitoyen n’était pas à ses côtés.