Bernard Thévenet, double vainqueur du Tour de France: "Pinot finira au-dessus de Bardet"
Pour le double vainqueur du Tour de France, le Franc-Comtois est supérieur à l’Auvergnat.
- Publié le 14-07-2019 à 16h19
Pour le double vainqueur du Tour de France, le Franc-Comtois est supérieur à l’Auvergnat. Après la fête célébrée en l’honneur des 50 ans de la première victoire d’Eddy Merckx le week-end passé dans les rues bruxelloises, le peloton a repris sa marche en avant en France. La région champenoise et les Vosges ont accueilli les premières étapes hexagonales d’un Tour plus ouvert que jamais. Dans les rangs français, les regards se tournent de plus en plus vers le duo le plus célèbre du mois de juillet : Bardet et Pinot.
Pour analyser les performances des deux hommes, à la fois si proches et si éloignés, nous avons tendu notre micro à Bernard Thévenet. Le tombeur d’Eddy Merckx sur le Tour 1975 reste un spectateur plus qu’avisé des progressions des deux cyclistes qui viennent d’entrer dans leurs plus belles années.
"Je pense que les Français, en règle générale, n’ont jamais eu autant d’atouts dans leurs jeux pour gagner le Tour de France", balance d’emblée celui qui a, avec panache (il faut le reconnaître), fait tomber le Cannibale dans la montée de Pra-Loup. "Maintenant, il n’y a pas qu’eux. Est-ce l’année ou jamais ? Je ne sais pas. En tout cas, depuis que Pinot ou Bardet participent à la Grande Boucle, ils n’ont jamais eu un terrain aussi favorable. Sera-ce encore le cas les années suivantes ? Rien n’est moins sûr. Si jamais il y a la moindre chance de l’emporter, ils ne devront pas la laisser passer."
Peu de kilomètres contre le chrono et de la montagne en pagaille distillée tout au long de la deuxième partie du Tour, il est évident que les organisateurs ont joué de leur influence (et ils auraient bien tort de ne pas le faire) pour concocter un terrain propice à un coureur hexagonal. "Attention, ce tracé on peut aussi dire qu’il est taillé pour un coureur comme Nairo Quintana", ajoute le double vainqueur de la Grande Boucle. "Il est dessiné pour les grimpeurs, c’est une certitude. Maintenant, la tâche revient aux Français de surpasser sur le long terme les grimpeurs, ce qui n’est pas une mince affaire."
Dans la petite guéguerre qui rythme la vie de Pinot et Bardet depuis maintenant de nombreuses années dans le peloton, vers qui le cœur de Thévenet penche-t-il ? "C’est difficile à dire… Bardet est plus constant que Pinot. Cependant, si ce dernier court avec régularité, je pense qu’il finira au-dessus de Bardet sur ce Tour. Le coureur d’AG2R La Mondiale, c’est un battant. Il a plus l’habitude que Pinot de tout donner sur une épreuve de trois semaines. Bardet possède un peu plus d’expérience à ce niveau-là."
Sur cette première montée de la Planche des Belles Filles, Pinot a donné raison à Thévenet vu qu’il a pris une cinquanaine de secondes d’avance sur son compatriote. Le duel à distance ne fait que débuter pour les deux cyclistes.
"Eddy est un charmant compagnon"
Vu la fête dédiée à Eddy Merckx tout le week-end, on mesure encore plus l’exploit réalisé par Bernard Thévenet en 1975 lorsqu’il a battu le Cannibale dans un Tour aussi cruel que légendaire. "Vous savez, Eddy et moi, nous nous entendions bien. Il était un peu pénible sur le vélo mais à côté, c’était un charmant compagnon", avoue le Français. "C’est le plus grand cycliste de tous les temps mais aussi un des plus grands athlètes tous sports confondus. En plus, sans vouloir faire de politique, il est à la fois un peu wallon et un peu flamand. Pour la Belgique, c’est extraordinaire de pouvoir compter sur une icône pareille. Il représente vraiment tous les Belges."
Thévenet a également rappelé combien Eddy avait pesé de tout son poids dans l’obtention de ce Grand Départ à Bruxelles en 2019. "Normalement, ça aurait dû être la Vendée en 2019", souligne-t-il. "Le programme a été chamboulé pour lui et je pense que la fête a été belle pour lui. "
"Le Team Ineos possède une grande expérience"
La formation britannique va-t-elle craquer en 2019 ?
Avec l’absence de Chris Froome après sa violente chute lors de la reconnaissance du chrono du Dauphiné, le Team Ineos a perdu son leader n° 1, qui avait tout misé sur cette Grande Boucle. Dave Brailsford, qui a plus d’un tour dans son sac, a alors remis la pression sur les épaules du vainqueur sortant… Geraint Thomas.
Le Gallois a chuté dans la foulée au Tour de Suisse et lors de la première étape de ce Tour de France. Une préparation loin d’être idyllique pour les Britanniques, pas vraiment adeptes de ce genre de frayeur. "Il faut tout de même reconnaître que les Ineos ont une expérience sur les grands tours que ne possèdent pas les autres équipes", souffle Thévenet. "C’est crucial sur une épreuve comme le Tour. En plus, durant l’année, on ne voit que très peu les coureurs en action. Les gars de chez Ineos, ils empilent les stages à gauche et à droite puis ils arrivent sur le Tour. Pour les suiveurs, ça en devient difficile de se lancer dans des pronostics. Par exemple, Thomas, on ne l’avait plus vu en grande condition depuis… le Tour dernier."
La lutte pour le leadership a peut-être déjà légèrement basculé en faveur de Thomas suite à la montée de la Planche des Belles filles. La pente ultra raide a permis d’y voir un peu plus clair dans les rangs de Dave Brailsford. "Si on regarde Bernal, il est âgé d’à peine 22 ans. Va-t-il tenir trois semaines ? Il me paraît très jeune pour supporter toute la pression médiatico-sportive d’un leader sur le Tour. Cela signifie de venir parler aux médias tous les jours par exemple. A-t-il l’expérience ? J’en doute mais ça laisse au moins du suspense sur ces trois semaines !"