Alain Courtois : "Je n’oublierai jamais le geste de la Vendée"
L’artisan du Grand Départ 2019 à Bruxelles est venu remercier ceux sans qui le prochain Tour ne serait jamais parti de notre capitale
- Publié le 07-07-2018 à 11h20
- Mis à jour le 07-07-2018 à 11h21
L’artisan du Grand Départ 2019 à Bruxelles est venu remercier ceux sans qui le prochain Tour ne serait jamais parti de notre capitale Exactement douze mois jour pour jour avant que la course au maillot jaune ne s’élance de Bruxelles, nous avons rencontré, à La Roche-sur-Yon, Alain Courtois, l’artisan de ce Grand Départ 2019 dans la capitale belge.
Le premier échevin bruxellois (notamment en charge des Sports, de l’État civil, de la Famille) est en Vendée où il est venu rendre une visite de courtoisie et de documentation.
Comment est né ce projet de Grand Départ du Tour à Bruxelles ?
"C’était l’hiver 2014, j’étais à Anderlecht, au football, occupé à suivre un match. Honnêtement, c’était ennuyeux et mon esprit a vagabondé. Devant moi, j’ai vu Eddy Merckx et je me suis demandé : ‘Quand a-t-il gagné son premier Tour ?’ Je me suis rappelé l’année, 1969, le week-end du 21 juillet avec cette victoire d’Eddy et la nuit suivante Neil Armstrong qui marchait le premier sur la Lune. À la mi-temps, je suis allé voir Eddy et je lui ai dit : ‘On doit fêter ce 50e anniversaire.’ Sa première réponse a été : ‘Si je vis jusque-là.’ Mais j’ai bien senti qu’il avait été honoré. Le jeudi suivant, j’en ai parlé au collège. L’enthousiasme a été général. On m’a dit : ‘Il faut le faire. Vas-y !’ "
Et ensuite ?
"Je ne connaissais pas personnellement Christian Prudhomme. On a pris contact avec lui. Nous sommes allés le voir avec Eddy. Ce premier déjeuner à Paris nous a refroidis car Prudhomme m’a dit d’emblée après ma présentation : ‘Ça va être très compliqué car pour 2019, on a déjà un engagement moral avec la Vendée.’ J’ai quand même demandé combien ça coûtait : ‘Cinq millions. ’ Soit. Il fallait que nous convainquions la Vendée de changer de date. On ne pouvait pas fêter les 50 ans du premier Tour de Merckx en 2018 ou en 2020 : pour nous, ça devait être 2019 ou rien."
Cela n’a pas été facile ?
"En effet. On a donc écrit une lettre et envoyé des mails au président du département de Vendée de l’époque, pour exposer notre souhait. On n’a eu aucune réponse ! En juin 2015, on fête les 70 ans d’Eddy Merckx à l’hôtel de ville avec sa famille et des amis. Le même jour, par un hasard extraordinaire comme la vie nous en offre, j’apprends, dans l’après-midi, qu’une délégation de Vendée venue à la Commission européenne a demandé à visiter la Grand-Place et l’hôtel de ville. Je saute sur l’occasion, je les fais venir à la fête dans la Salle Gothique. Là, je tombe sur Yves Auvinet, devenu le nouveau patron de la Vendée. Je l’invite dans un restaurant bruxellois et je lui explique le projet. Il me répond : ‘Écoutez, si je peux, je le fais pour vous et surtout pour Eddy Merckx, dont j’ai toujours été un admirateur.’ Ces jours-ci, on est spécialement venu avec le bourgmestre Philippe Close pour remercier la Vendée. Je n’oublierai jamais son geste. Sans elle, on n’aurait jamais eu ce Grand Départ . Si Yves Auvinet n’ouvre pas la porte, on n’a jamais le Tour chez nous. C’est notre citoyen d’honneur."
Il fallait quand même qu’ASO accepte.
"Ils sont venus quelques fois nous voir, quand ils passaient en Belgique. Et finalement, on l’a eu et le Tour part de Vendée un an plus tôt. Au fil de ce temps, on a noué une vraie relation amicale… Christian Prudhomme est une très belle rencontre dans ma vie. C’est quelqu’un de très humain. Il a beaucoup de respect pour Eddy."
Reste à faire le plus dur : organiser un événement majeur comme Bruxelles n’en a plus connu depuis des années.
"On a désigné une équipe qui doit s’occuper de tout l’aspect opérationnel. Un Grand Départ du Tour, c’est l’ Euro 2000 de foot en plus court. Une semaine au lieu de trois. C’est le projet de la Ville de Bruxelles, à laquelle s’est associée la Région qui a débloqué un budget. On attend le Fédéral. Rudi Vervoort, le ministre-Président de la Région de Bruxelles-Capitale, et le ministre Guy Vanhengel, sont épris de vélo. Ils viendront d’ailleurs avec nous à Paris, le dimanche 29 juillet à l’arrivée du Tour, pour le passage de témoin en vue de la prochaine édition. La présence de la Région dans ce projet est nécessaire, de même que celle du Fédéral. Le Tour, c’est plus que la ville de Bruxelles. Ici le stand de promotion est pris en charge par la Région, via Visit Brussels. On passera avec les deux étapes dans huit communes de la région. Les bourgmestres se sont battus et se battent encore pour faire de l’animation, pour avoir l’événement chez eux. Ça, c’est l’effet Tour de France et la personnalité de Merckx."
Qu’attendre aussi du passage du Tour à Bruxelles, où le vélo n’est plus roi, comme ce fut le cas autrefois ?
"Cela reste d’abord et avant tout un événement sportif, ne l’oublions jamais. Mais il faut utiliser le Tour comme catalyseur pour promouvoir le vélo à Bruxelles, créer des pistes cyclables sécurisées par exemple. On a créé le Brussels Tour, dont vient de se dérouler la deuxième édition. On a des projets, un qui ira de l’Atomium à la Grand-Place, un autre qui va relier les trois gares majeures (Nord, Midi, Centrale) par une autre piste cyclable du même type. On veut montrer qu’il y a d’autres moyens de locomotion que la voiture."
"Je suis fier de ce Grand Départ"
Eddy Merckx redit avoir été honoré par le choix de Bruxelles par le Tour
Eddy Merckx est revenu sur l’attribution du Grand Départ du Tour 2019 à Bruxelles. En visite sur le stand de La Capitale à la permanence, il s’est prêté aux nombreuses sollicitations du public ou des suiveurs. Eddy Merckx reste la figure du Tour ! "Je l’ai déjà dit, c’est bien sûr une grande fierté pour moi que le départ du Tour soit donné l’an prochain de Bruxelles", sourit le Roi Eddy. "Cela, alors que l’on fêtera le centenaire du maillot jaune et que nous serons cinquante ans après ma première victoire au Tour. Un événement qui reste le plus beau moment de ma carrière. Cela reste un merveilleux souvenir." Comme l’est également pour lui l’accueil triomphal qu’il avait reçu ensuite sur la Grand-Place et au palais royal où il avait été reçu par le couple royal en compagnie de son épouse, de ses équipiers et de son directeur sportif. "Ce n’est qu’alors que j’ai compris l’engouement suscité par ma victoire au pays", se rappelle-t-il. "Pendant le Tour, j’étais concentré sur la course. Je savais qu’il se passait quelque chose en Belgique, car cela faisait trente ans qu’un Belge n’avait plus gagné le Tour (NdlR : Sylvère Maes en 1939), mais je ne m’attendais pas à une ferveur d’une telle ampleur. J’ai encore la chair de poule en songeant à cette foule massée sur la Grand-Place."
On connaît la modestie d’Eddy Merckx et on l’imagine bien répondre à Alain Courtois, lorsque celui-ci lui parla pour la première fois de son idée de Grand Départ, que tout cela n’était pas nécessaire. "Ça fait plaisir quand même",rétorque pourtant celui qui a porté le maillot jaune 111 fois, demi-étapes comprises. "Au début, je ne pensais pas que c’était réalisable, surtout que la Vendée tenait la corde. Alain Courtois a tenu tête et fait preuve de jusqu’au-boutisme, je veux encore le remercier. C’est un hommage qui me fait énormément plaisir, cinquante ans après que j’ai réalisé mon rêve d’enfant. C’est aussi un beau coup publicitaire pour Bruxelles et un honneur aussi pour la ville. Cela ne peut faire que du bien pour la promotion du vélo à Bruxelles, qui en a bien besoin."
Eddy Merckx: "Chris Froome est le grandissime favori"
Le Bruxellois est persuadé que le Britannique va le rejoindre au nombre des quintuples vainqueurs
Eddy Merckx est lui aussi en France. Dès lors que l’on évoque l’édition 2018 du Tour, il n’y va pas par quatre chemins. "Chris Froome est le grandissime favori, d’autant plus quand on voit comment il a gagné le Tour d’Italie, dit-il. On affirme depuis des années que ce n’est plus possible de réaliser le doublé Giro-Tour. On verra bien. Moi, je dis que c’est possible. Je vois Froome y parvenir. D’ailleurs, dites-moi qui d’autre va gagner le Tour ? Bardet, Nibali, Dumoulin, ce sont de très bons coureurs, mais sont-ils meilleurs que Froome ?"
Merckx s’attend à ce que Froome le rejoigne, mais aussi Jacques Anquetil, Bernard Hinault et Miguel Indurain, comme quintuple vainqueur. "Les records sont faits pour être battus, dit-il. Cela ne me pose aucun problème."
Le tracé du Tour peut bien sûr influencer le résultat final. "Le découpage est un peu particulier, c’est vrai, poursuit Merckx. L’étape des pavés peut jouer un grand rôle, mais vous savez, cela a quand même été rarement le cas auparavant. Ce n’est pas Paris-Roubaix quand même ! C’est vrai, il y a quatre ans, sur les pavés, Nibali avait réussi une belle performance, mais la fois suivante, tous les favoris sont arrivés ensemble. Cela dépendra des conditions atmosphériques."
Le plus grand coureur de tous les temps regrette qu’aucun compatriote n’entre en lice pour la victoire ou même les places d’honneur. "Malheureusement, parmi les coureurs belges, nous n’avons personne pour un bon classement final, analyse-t-il. Pour l’une ou l’autre victoire d’étape, oui, mais pour le général, non. Et je ne vois pas qui va changer cette donne dans les années à venir. "
Pourtant, il est un jeune coureur de Schepdaal, aux portes de Bruxelles, qui écrase tout chez les juniors, au point qu’on l’annonce déjà comme le futur… Eddy Merckx. Remco Evenepoel rêve d’un futur doré dans les grands Tours et, avant de rejoindre Quick Step en 2020, le jeune Brabançon évoluera à partir du 1er janvier prochain dans la formation procontinentale américaine Hagens Berman Axeon dirigée par… Axel Merckx. "On verra jusqu’où ira Remco, tempère Eddy Merckx. Mais c’est certain, c’est un type d’exception, dommage qu’on ne le laisse pas passer de manière anticipative chez les Espoirs comme il le voudrait. Il a joué au foot à Anderlecht jusqu’à il y a peu, il doit apprendre à rouler en peloton. Il est très costaud, domine tout chez les juniors et n’a plus rien à apprendre, mais il y a une différence énorme avec les Espoirs, puis encore avec les pros."
Merckx suivra le Tour à la télévision. Y verra-t-il Mark Cavendish se rapprocher de son record de 34 succès d’étapes ? "Ça ne m’empêche pas de dormir en tout cas, assure-t-il. Je n’ai jamais été jaloux que d’autres gagnent des courses. Je lui souhaite de réussir, mais il doit encore en gagner quatre pour égaler mon record et cinq pour le battre. C’est un sprinter d’exception, mais sur ce qu’on a vu cette saison, ce sera déjà bien qu’il gagne une fois ou deux. "