La punition de Vladimir Poutine pour les soldats russes qui ont désobéi est "un véritable cauchemar"
Les soldats soupçonnés d'avoir désobéi, d'avoir consommé des substances illicites ou de l'alcool seraient envoyés dans l'unité Storm-Z. Leurs chances de survie sont proches de zéro... Explications.
- Publié le 04-10-2023 à 14h55
Pour endiguer la contre-offensive ukrainienne, les forces russes renforcent drastiquement leurs premières lignes. Quitte à sacrifier des soldats. Mais pas n'importe quels soldats. Pour accomplir le sale boulot, la Russie fait appel à un escadron particulier, baptisé Storm-Z. Ce dernier est vu comme de la chair à canon par le Kremlin. "Ils ne sont que de la viande", confirme un soldat de l'unité 40318 qui a été déployé près de la ville de Bakhmout, dans l'est de l'Ukraine, à l'agence Reuters. L'homme, qui souhaite garder l'anonymat, a soigné cinq blessés du fameux bataillon. Il l'a fait au péril de sa vie. Son commandant lui avait ordonné de ne pas venir en aide aux membres de Storm-Z. Les responsables sur le front n'avaient que faire de la mort certaine de ces Russes. Après tout, c'était leur destinée. Mais le soldat qui a témoigné auprès de Reuters voyait les choses autrement. C'est pourquoi il a désobéi et sauvé les cinq hommes.
Quand Poutine s'inspire de Staline pour punir des soldats
Au vu de ces déclarations, il est compliqué d'imaginer que des Russes se portent volontaires pour rejoindre cet "escadron-suicide", supposé atténuer les pertes du reste de l'armée. Qui serait donc prêt au sacrifice ultime pour la patrie ? La perspective d'une mort certaine ne semble que peu attrayante pour recruter ces hommes. Mais Vladimir Poutine a trouvé la combine, en s'inspirant de son ancien ami Evguéni Prigojine. Comme le chef de Wagner (à présent décédé), la Défense russe a été puiser dans les prisons en avril dernier cette chair à canon, si importante sur le front. En échange d'une amnistie totale et d'un salaire avoisinant les 200 000 roubles (environ 1900 euros), les détenus rejoignent l'Ukraine sous la bannière de Storm-Z. Pour attirer les plus récalcitrants, Poutine va même jusqu'à' proposer d'effacer les dettes des soldats.
Si des prisonniers ont intégré Storm-Z de leur plein gré, d'autres Russes y ont été envoyés sans avoir leur mot à dire. Comme l'explique Reuters, Vladimir Poutine en a fait la punition par excellence pour les fauteurs de trouble dans les rangs de ses forces armées. Cette fois, c'est de Staline - et ses "bataillons de punition" - que s'est inspiré le président russe. Un soldat surpris en état d'ébriété, sous l'emprise de la drogue ou en train de fuir sa position ? Direction Storm-Z. Mieux vaut cela que de se faire fusiller, se disent certains. Mais ils déchantent rapidement...
"Ils se font tirer dessus par leurs propres compagnons d'armes"
En juin dernier, plusieurs membres de cette unité ont témoigné dans une vidéo diffusée sur CNN du calvaire rencontré sur le terrain. "On nous donne des ordres terribles, qui n'ont aucun sens", racontaient les hommes visiblement remontés. Ces derniers se plaignaient du manque de munitions et de moyens, alors qu'ils étaient "envoyés aux endroits les plus dangereux du front". Des proches de soldats membres de Storm-Z ont confirmé auprès de Reuters les dires de ces hommes et ont qualifié de "véritable cauchemar" l'expérience au sein de l'escadron. "Ils se font tirer dessus par leurs propres compagnons d'armes, s'ils tentent de tourner les talons", racontent des sources souhaitant rester anonymes.
Interrogé, le Kremlin a refusé de répondre à l'agence de presse Reuters. Il a renvoyé la balle au ministère de la Défense russe, qui a à son tour choisi de garder le silence. Vladimir Poutine, qui a tout de même reconnu que d'anciens détenus russes combattaient en Ukraine, entretient donc le mystère autour de l'existence de ces escadrons, pourtant rendue publique par l'Institute for the Study of War en avril. L'ISW avait divulgué un rapport militaire dans lequel était détaillée la mise en place de Storm-Z.
Il n'est en tous les cas pas étonnant que le chef du Kremlin n'ébruite pas d'éventuels transferts punitifs de soldats russes vers ces escadrons. Une telle démarche devrait, selon la législation russe, être actée par un tribunal militaire. Ce qui n'est pas le cas, selon les sources de Reuters.
Des criminels qui posent problème parfois à leur retour au pays
S'ils ne sont pas nombreux à survivre, certains détenus enrôlés pour combattre en Ukraine ont tout de même fait leur retour en Russie. Un autre problème s'est alors posé, puisque certains ont récidivé. Des criminels se sont ainsi livrés à des viols ou des meurtres, qui embarrassent les autorités. "La situation est plus grave que prévu", a déclaré Olga Romanova, membre de l'ONG Russia behind bars, au Moscow Times, en août. "Ils étaient censés mourir au front, ou du moins la plupart d'entre eux. Personne ne sait maintenant ce qu'il faut faire d'eux. Quiconque tue quelqu'un peut invoquer des circonstances atténuantes en tant que héros de guerre. (...) Vladimir Poutine a ouvert la boîte de Pandore et cela aura un impact sur les générations à venir."