JO 2018: le beau combat d'Armand Marchant
Armand Marchant, 19 ans, avait créé la sensation cet hiver, en devenant le premier skieur belge à marquer des points en Coupe du Monde, en terminant 18e du slalom de Val d’Isère le 11 décembre. Las ! le citoyen de Thimister chuta lourdement lors du slalom géant d’Adelboden : saison terminée. Une tuile à un an des Jeux d’hiver, son objectif de 2018. Nous lui avons rendu visite…
- Publié le 25-02-2017 à 06h00
- Mis à jour le 25-02-2017 à 17h15
Stoppée net. Aussi rapidement que son ascension (ou descente, c’est selon) vers les sommets. La saison d’Armand Marchant avait pourtant si bien commencé. Premier Belge à décrocher des points en Coupe du Monde, en terminant 18e du slalom de Val-d’Isère le 11 décembre, Armand Marchant attaquait la suite de sa saison avec pleine d’envie. Mais début janvier, lors de la première manche du slalom géant d’Adelboden, le Thimistérien ressent une douleur au genou, se laisse tomber et se retrouve dans les barricades. Le verdict, qu’il pressentait, est sans appel : sa saison est terminée. Opéré une première sur place, en Suisse, il sera ensuite rapatrié en Belgique, où il a été à nouveau opéré. Le jeune homme poursuit sa rééduction chez lui, à Thimister, entouré de ses parents et de sa petite amie, fille de Dany Crosset, ancien champion de trial. Loin d’être abattu et de se lamenter sur son sort, Armand Marchant positive et compte bien slalomer entre les obstacles qui se dressent sur sa piste pour revenir encore plus fort. Ce que peuvent constater ses fans de plus en plus nombreux sur sa page Facebook.
C’est dans la charmante demeure familiale que nous avons rencontré le skieur wallon. Entouré de ses chiens et au milieu de ses nombreux trophées, Armand Marchant, soutenu par son entraîneur Raphaël Burtin, mais qui a aussi reçu des messages de membres du circuit, a accepté de livrer un témoignage poignant, rempli d’espoirs, quant à sa carrière et à sa vie...
Armand Marchant, comment allez-vous ?
"Ca va. Je ne pensais pas que cela serait plus dur que cela. Je le prends bien. C’est une nouvelle épreuve à affronter. C’est un nouveau challenge. Je découvre plein de nouvelles choses. C’est plein de créativité : comme le bas ne fonctionne pas, il faut faire travailler le haut, de différentes manières, comme il y a une jambe que je ne peux pas utiliser. Je dois réapprendre à bouger ma jambe correctement. Ce n’est cependant pas évident tous les jours. Mentalement, il y a des coups. Quand on voit à la télévision les autres skier, on se dit qu’on aurait dû être sur cette course. Mais voilà, c’est une épreuve à affronter et je prends cela du bon côté. Je n’ai pas encore eu de gros coups de mou. Je ne dis pas que cela n’arrivera pas forcément dans les prochains mois mais, pour le moment, je suis bien et je vais tenter de rester comme cela."
De quoi souffrez-vous exactement ?
"J’ai beaucoup de trucs (sourires) . Je me suis cassé le plateau tibial en plein de morceaux; il s’est éclaté. Après, j’ai le ligament latéral interne qui était à moitié sectionné et désinséré des deux côtés. J’ai mon ligament croisé qui était désinséré comme il vient s’attacher sur le plateau tibial. On a également dû suturer un ménisque qui était déboîté. Du coup, il fallait remettre un peu tout cela en place. J’ai bien été pris en charge à Anvers par les trois chirurgiens qui m’ont opéré : les docteurs Peter Verdonk, Pieter Dolhain et Tim Leenders. On a regardé les radios de contrôle; cela a été vraiment bien fait. C’est tout bon pour la suite."
Vous ne faites pas les choses à moitié…
" (sourires) Dans le sport de haut niveau, on pousse tellement à la limite. Quoiqu’il se passe, ce ne sont pas des petites blessures à chaque fois. Mais cela n’arrive pas tous les jours non plus (sourires) ."
Est-ce le premier gros coup dur que vous rencontrez ?
"Je m’étais cassé une fois le tibia-péroné quand j’étais plus jeune. C’était en 2008 et, du coup, je n’avais pas vraiment d’objectif vraiment sérieux. C’était comme un jeune au football de 10-12 ans qui se casse le tibia. C’est sûr, c’est dommage mais il n’y a pas d’objectif tandis que maintenant, quand il y a plus d’attentes, qu’on a fait des résultats et qu’on se blesse, c’est sûr, c’est tout autre chose. C’est clair : c’est la plus grosse blessure que je n’ai jamais eue."
C’est arrivé en pleine ascension après premier point en Coupe du Monde…
"Le 11 décembre, j’ai marqué mes premiers points en Coupe du Monde (NdlR : 18e du slalom de Val d’Isère, il a pris 13 points) . La première étape avant de gagner une Coupe du Monde, c’est de rentrer dans les 30 pour faire une deuxième manche en Coupe du Monde. C’est un gros, gros objectif. Dès que tu dis à un skieur que tu es rentré dans les 30 , cela parle directement. J’ai démarré vraiment loin (NdlR : avec le dossard 65) . Sur une Coupe du Monde, on regarde souvent les 30 premiers. Ceux de derrière, on ne les regarde plus trop; on sait qu’ils ont très peu de chances de rentrer dans les 30 . À la fin, presque plus personne ne regarde. Le commentateur, cela commençait un peu à le saouler de commenter chaque coureur. Il s’endormait un peu et voit qu’il y en a qui arrive en bas et rentre dans les 30 . Cela a directement réveillé un peu tout le monde. Puisque tu démarres 65 , tu démarres devant en deuxième manche. Je n’ai donc presque pas eu le temps entre les deux manches. C’était vraiment des super sensations."
Vous avez vécu un rêve éveillé…
"Oui. C’est clair. Puis, c’est sûr qu’après, je n’ai pas eu de chance dans les courses qui ont suivi. Je skiais vraiment bien et même si cela ne se passait pas vraiment bien sur les courses, je n’avais pas de chance sur l’une des deux manches. Et puis, la plus grosse malchance qui puisse arriver est arrivée… Je pensais avoir mangé mon pain noir après la première course de Val d’Isère. Mais bon, c’est une expérience et je prends cela du bon côté."
N’avez-vous pas ressenti plus de pression après vos premiers points, ce qui a pu jouer sur vos prestations par après ?
"Non. Cela me boostait plutôt. Au début, tu es un Petit Poucet ; personne ne te connait, tu fais partie du décor. Quand tu fais vraiment partie des coureurs, c’est tout de suite autre chose. En Coupe du Monde, quand tu n’as jamais pris les 30 , tu ne dis bonjour à personne; tu es juste un coureur comme un autre. Quand tu l’as fait, d’autres mecs vont te dire bonjour. Il y a une autre ambiance autour de toi. Les mecs te regardent skier, tu deviens quelqu’un. Moi, cela m’a plus boosté; tu attends cela depuis hyper longtemps, tu travailles pour cela : faire partie du monde du ski. Cela ne m’a donc pas rajouté plus de pression. De toute façon, tu dois en avoir; si tu n’en as pas, tu ne peux pas arriver au haut niveau."
"Je pense aux JO 2018"
S’il ambitionnait de participer aux Mondiaux de St-Moritz, Armand Marchant a dû se contenter de les regarder devant son poste de télévision. "C’est sûr que les Mondiaux, c’était un objectif de la saison. Après le résultat à Val d’Isère, il y a d’autres desseins qui sont également venus. Comme rééditer le fait de rentrer dans les 30 sur d’autres slaloms. Puis, surtout, les Mondiaux juniors (6-14 mars à Aare en Suède) , qui étaient le point d’orgue de ma saison. C’est là où je voulais vraiment faire des beaux résultats. Je les vivrai dans mon canapé (rires) . Je vais regarder ce qui sera diffusé à la télévision. Je regarde le ski de l’extérieur et j’en apprends aussi beaucoup, plus, parfois, que quand on est complètement la tête dans le guidon, dedans."
Puis, les Jeux Olympiques de Pyeongchang occuperont ses pensées.
"Mes parents m’ont soutenu"
"C’est sûr que j’y pense. Si dans un an, je ne suis pas au top , c’est qu’il y a vraiment un problème au genou. Je ne pourrais alors peut-être plus jamais skier. Dans un an, si tout se passe bien, je serai au mieux de ma forme; je pourrai vraiment skier. C’est un objectif en soi. Je préfère avoir vraiment ma place, me dire que je l’ai méritée, pas qu’on me l’a donnée. Je n’ai pas envie de participer pour participer, mais pour faire un résultat."
Entre Globe de cristal , couronnant une saison, et une médaille olympique, que choisirait Armand Marchant ? "C’est le dilemme. Avec un Globe de cristal , tu restes gravé dans le monde du ski. Tu peux gagner une médaille mais jamais un Globe . On les a un peu oubliés car ce sont des courses d’un jour. Un G lobe veut dire que tu as été bon toute une saison, à chaque course. Un Globe me ferait un peu plus vibrer mais les JO, c’est monstrueux, tu es connu dans le monde entier. C’est une belle carte de visite, une médaille olympique. Un Globe de cristal , si tu ne connais pas le ski alpin, cela parle moins. Je ne peux pas trop me décider là-dessus en fait (rires) . Si les deux arrivent, cela fait 100 % (rires) ." F. M.Depuis sa plus tendre enfance, Armand Marchant a été attiré par les pistes. S’il partait tous les week-ends en famille au ski, il est passé par le club de Malmédy avant de monter une structure avec Raphaël Burtin et de passer les mois d’hiver à la montagne. "De fil en aiguille, j’ai constaté que mon niveau augmentait. Je ne me suis pas dit : ‘Allez, je tente ma chance dans le monde du ski alpin’. Très jeune. J’ai toujours travaillé pour le haut niveau."
Afin de donner libre cours à sa passion, Armand Marchant a mis de côté sa scolarité. "J’ai fait mes deux premières années de secondaire à Visé, à Saint-Joseph. Il y avait beaucoup d’heures de pratique que je ne pouvais pas combler en étant à la montagne. Donc, on a fait l’école à distance. Puis, j’ai été vers un jury central un peu plus professionnel. Là, j’attends de pouvoir passer ma rétho. Mais bon, les examens sont en septembre et les autres en janvier. En septembre, je suis au Chili et, en janvier, c’est la pleine saison. On n’a jamais fait d’exception. Ici, je vais passer mon diplôme de gestion. Si on veut un prêt à la banque mais qu’on n’a pas de diplôme avec soi…"
Armand Marchant se ressource en famille. "Je ne la vois pas souvent. Du coup, je profite un peu d’être ici, à la maison, pour parler avec mes parents, voir ma sœur. Cela fait du bien. Cela me permet aussi de prendre conscience que j’ai énormément de chance de faire ce que je fais. J’ai ainsi de la chance d’avoir des parents qui m’ont soutenu et permis de mettre un peu l’école de côté. Pas beaucoup de parents auraient compris cela. De toute façon, je voulais faire un métier manuel du genre menuisier, soudeur ou travailler dans le bâtiment. Cela s’apprend encore à 25-26 ans, si cela ne se passe pas bien en ski. Cette discipline, c’est le moment présent. Si je veux faire une carrière, c’est maintenant. Je préfère jouer ma carte à fond."